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Flashback – 50 ans après : « The Velvet Underground » de The Velvet Underground

Le troisième album du Velvet Underground fête ses 50 ans et n’a pourtant pas une ride. Musicalement abouti, l’album éponyme fait preuve d’une certaine maturité esthétique et, en un sens, politique.

Avec leur premier opus réalisé par Andy Warhol, The Velvet Underground a, d’abord, exalté son goût pour la drogue et la déviance contre les promesses illusoires de la normalité. Le groupe s’est aussi essayé à l’expérimentation sonore, notamment avec leur deuxième album White light/White head. D’une modernité déconcertante, l’album éponyme paru en mars 1969 n’a, ensuite, cessé d’influencer le rock indépendant et la culture underground en général. Après la provocation et l’expérimentation, l’exaltation poétique réside ici dans la plume littéraire de Lou Reed, et dans le sentiment d’apaisement subtilement diffusé par l’ambiance sonore.

Douceurs sur canapé

The Velvet Underground porte encore les marques de la Factory, fameux atelier d’artistes ouvert par Andy Warhol en 1964. Sur la pochette teintée d’un noir et blanc très contrasté, les membres du groupe, tranquillement disposés sur un canapé, sont immortalisés par le photographe américain Billy Name, connu pour avoir recouvert la «  Silver  » Factory de peinture argentée et de feuilles d’aluminium.

L’album est aussi hanté par une autre coutumière de la Factory  : Candy Darling, actrice transsexuelle d’une beauté queer ravageuse. Le photographe Peter Hujar l’avait immortalisée sur son lit de mort. Ce cliché célèbre avait ensuite été utilisé en 2005 pour la pochette d’album du chanteur Antony, récemment devenue Anohni.

Candy Darlin par Peter Hujar

Et c’est avec Candy Says que Doug Yule ouvre le bal. Il remplace John Cale et nous dévoile sa voix d’une grande douceur. La finesse des arrangements nous berce et diffuse un sentiment étrange de mélancolie. Candy Says peint les états d’âme d’une identité en quête de sens.

Candy Darling s’est transformée. The Velvet Underground aussi. Le groupe fait peau neuve. En effet, il accueille Doug Yule, change de label pour MGM et s’auto-produit. C’est Lou Reed qui écrit et compose l’ensemble de l’album.

Sorti sur vinyle, l’opus se compose de deux faces. Vivante, l’oeuvre respire et alterne les formes. Si la face A est majoritairement mélancolique, la face B apporte une certaine aura positive et créative. Ainsi, l’album exprime la complexité d’une identité rock qui ne se laisse pas figer.

Face A  : tristesse au bout du fil

What Goes On est la chanson la plus énergique de la face A. Les instruments se complètent et s’entremêlent joyeusement. S’en suit Some Kind of Love, titre aux sonorités presque country, qui évoque, peut-être, l’étrangeté et l’aliénation, parfois ressentis dans le mouvement amoureux.

«  Some kind of love […] Like a dirty French novel Combines the absurd with the vulgar  » 

[« Certaines formes d’amour / Comme un roman français pornographique / Combinent l’absurde et le vulgaire ».]

The Velvet Underground – Some Kind of Love

Pale Blue Eyes est un met pop, qui se laisse déguster avec mélancolie. Devenu iconique, le titre chanté par Lou Reed émeut. Avec un aspect parlé-chanté, sa voix est d’une prestance sans pareil et dévoile quelque chose de l’intime. C’est comme s’il conviait sincèrement tous ses auditeurs à se recueillir dans une atmosphère en demi-teinte.

Reprise live de Pale Blue Eyes lors de la reformation éphémère du groupe en 1993,
24 ans après son troisième album.

Ensuite, le groupe lance un appel désespéré avec Jesus. Le contenu dépressif contraste avec l’aspect léché des arrangements vocaux et instrumentaux. Le sentiment diffus de désolation flirte ici avec la technicité mélodique du titre.

Face B  : Naître, et renaître

Avec les trois premières chansons de la face B, The Velvet Underground inonde l’album d’une certaine clarté, et voire même d’une certaine candeur. C’est la réponse enjouée à Jesus.

S’en suit The Murder Mystery. Lou Reed et Sterling Morrison déclament deux poèmes simultanément, tandis que s’empilent des mélodies divergentes. Le groupe fait ici un travail de création expérimental et sophistiqué. Le caractère éclaté de la structuration du morceau crée, en réalité, une unité rock d’une grande modernité.

L’album se conclut enfin avec la voix de Maureen Tucker dans After Hours. Hymne à la timidité, le titre diffère par la voix nasillarde et infantile de la percussionniste. Cette ballade dépressive d’une innocence factice captive.

Avec le troisième chapitre de leur carrière, The Velvet Underground explore les possibilités des artifices que sont leurs voix ou encore leurs guitares, pour explorer les vicissitudes de la vie humaine. Entre mélancolie et espoir, dissonance et harmonie, se trouve peut-être la référence ultime pour toute la scène indie jusqu’à aujourd’hui.

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