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Rembobinons – Björk, des constellations invisibles à l’étoile filante

Chaque mois, Maze rembobine ses cassettes. Retour en quelques étapes sur les projets et aventures plurielles qui ont façonné le(s) monde(s) de la plus enchanteresse des voix du Nord, Björk.

Fascinante icône de la pop culture, Björk brille aujourd’hui de milles feux au firmament des artistes d’exceptions ayant su s’inscrire dans leurs temps tout en gardant toujours une longueur d’avance. Pourtant, l’Islandaise connût une route longue et sinueuse avant d’esquisser sa fameuse carrière solo qui la mena vers la gloire.

Lorsque que sort dans les bacs Debut le 5 juillet 1993, Björk n’en est pas à son premier coup d’essai. En effet, même si c’est cet opus qui va véritablement mettre la planète musicale à ses pieds, des amoureux de la pop aux amateurs de musiques plus exigeantes, ce savant mélange de toutes les tendances de cette fin de siècle résulte avant tout d’un long chemin parcouru, fait de multiples expériences artistiques et projets musicaux.

Car si la plupart d’entre nous on déjà plongés, de près ou de loin, dans la prolifique carrière solo de la fée islandaise, plus rare sont ceux à connaître l’étendu véritable de ses racines et à se pencher sur « l’avant Björk », passé méconnu mais pourtant conséquent et lourd de sens quand à la suite de son parcours, à la fois significatif de son éclectisme et de la largeur de sa palette créative.

Un début pas comme les autres

Björk naît en 1965, dans une communauté hippie où le domicile familial est un lieu de rencontres et de passages constants : musiciens, plasticiens, bohèmes en tout genre, il y a souvent du monde autour de la table et ce flux permanent de personnes et d’idées auront une profonde influence sur la formation de son jeune esprit.

A l’âge de cinq ans, elle commence son apprentissage du piano et de la flûte, tout en se forgeant une solide culture classique, principalement centrée sur la période post-romantique et la musique du XXe, des mélodies impressionnistes de Debussy aux principes électroacoustiques de Stockhausen.

Durant l’été 1977 (celui de la mort d’Elvis et de la naissance de Kanye West), son oncle supervise l’enregistrement de son premier disque, mélange de chansons traditionnelles et de chansons pop (des Beatles à Stevie Wonder), le tout chanté en islandais du haut de ses… 11 ans.

 

Malgré son faible tirage, le disque se vend tout de même à 7 000 exemplaires, en faisant aujourd’hui la perle rare des collectionneurs. Pour la petite histoire, elle refusera d’enregistrer un second album afin de s’acheter de nouveaux instruments et de se pencher plus sérieusement sur la composition.

Rebelle Rebelle

Dès lors, et durant toute son adolescence, elle ne cessera de multiplier les projets musicaux, les formations et les influences. Il y a tout d’abord Spit and Not, un groupe de riott girl avant l’heure où elle officie derrière la batterie, sourcils rasés et toutes griffes dehors. Parallèlement, elle chante dans Exodus, projet plutôt orienté rock progressif où elle renoue toutefois avec ses influences jazz. Mais outre une démo cassette auto-produite avec un autre groupe éphémère du nom de Jam-80, c’est avec Tappi Tíkarrass que se situe véritablement la deuxième trace discographique de l’enfant prodige : sorti en 1983 et suivant la parution d’un premier EP, Miranda est un mélange audacieux de punk, disco, funk et jazz où elle tient le rôle de chanteuse (déjà) iconique.

 

Enregistré à Londres, il est pensé comme un album final, puisque le groupe se sépare le mois même de son enregistrement et ne donnera que de rares concerts par la suite, après avoir été les principaux sujets d’un documentaire tourné pour la télévision au titre évocateur, Rock In Reykjavík.

 

 

C’est à ce moment-là que se forme Kukl (« sorcellerie »), projet post-punk à l’esthétique gothique et aux accents tribaux lancé par une radio locale qui réunit des musiciens islandais issus de la nouvelle génération d’avant-garde. Le premier disque, The Eye, sort l’année suivante et le groupe donne pour l’occasion ses premiers concerts en Europe, passant notamment par Paris d’où il sera tiré un album live. Le groupe se sépare deux ans plus tard, en 1986, après la sortie d’un deuxième opus et une tournée remarquée en compagnie du fameux groupe bruitiste allemand Einstürzende Neubauten.

 

 

Cette même année, elle rencontre Eldon Jónsson, qui deviendra son premier mari (leur union ne durera qu’un an) et surtout le père de son premier enfant, Sindri. Des cendres de Kukl et de cette rencontre va alors naître le projet le plus ambitieux de sa jeune carrière, aux proportions et aux retentissements inédits.

 

Un peu de sucre en poudre

Gravitant alors autour de Medúsa, un groupe artistique d’inspiration dadaïste, le couple crée rapidement l’association Smekkleysa (Bad Taste à l’étranger), visant à produire de nouveaux artistes, écrivains et performeurs tout en réinjectant une bonne dose d’humour et de provocation dans une scène locale devenue soudain beaucoup trop sérieuse et politique.

C’est dans ce nouveau cadre que Björk décide de fonder un nouveau groupe, entre new wave et pop mélodique : The Sugarcubes est né. Après deux ans de travail et de nombreux va-et-vient au sein de la formation, une signature chez One Little Indian fixera les choses pour de bon et démarrera la carrière du groupe à l’international, avec la sortie du premier album, Life’s Too Good. Porté par le single Birthday et le charme mystérieux et déjà remarquée de la jeune chanteuse, ce premier effort des Sugarcubes attire l’oreille de la presse musicale mondiale, du Melody Maker au NME en passant par les Inrockuptibles, accélérant les ventes jusqu’à avoisiner le million d’exemplaire écoulé.

 

 

Si des tensions internes concernant la direction du projet commencent à apparaître, la machine infernale est lancée et un second album est publié l’année suivant, en 1989, reçu cette fois-ci avec un peu moins d’enthousiasme. Tout ceci n’empêchera le groupe d’effectuer une immense tournée, sur les cinq continents et les menant dans des configurations inédites, des salles moyennes jusqu’aux stades impersonnels en ouverture de New Order, Public Image Limited ou encore U2.

“Avec une chanteuse au physique inquiétant, à mi-chemin entre Denis Lavant et la fillette démoniaque qui hante vos pires cauchemars, les Sugarcubes vont droit au but.” – Chris Roberts pour Melody Maker, 1987.

A l’issu de cette tournée, épuisés, ils planchent sur un nouvel opus, enregistré cette fois-ci aux Etats-Unis. Entre temps, Björk aura trouvée un moyen de se ressourcer en enregistrant deux chansons en collaboration avec 808 State, et surtout avec « Gling-Gló », disque de jazz contemporain aux couleurs enjoués et positives crée en compagnie du trio Guðmundar Ingólfssonar. Stick Around for Jo sort le 3 février 1992, et marque l’occasion pour Björk d’annoncer aux autres membres de Sugarcubes qu’elle développe désormais son propre projet musical, une percée solo qu’elle mûrie depuis maintenant des mois.

 

Declare Independence

En l’espace d’un an et demi, The Sugarcubes aura connu une ascension fulgurante, propulsant sur la scène internationale de façon brutale et irrationnelle un groupe devenu alors bien trop paradoxal et ambigu vis-à-vis de ses motivations originelles. Ce souhait d’en finir avec cette aventure résonne alors beaucoup en chacun des membres, et l’aventure prend fin de façon plus ou moins affirmé le 17 novembre 1992, après la période de promotion de l’album et une mini-tournée éreintante en guise d’adieu.

C’est seulement 8 mois plus tard que Björk publiera son Debut, scellant ainsi le destin de tous ses projets antérieurs en même temps qu’un nouveau départ : l’histoire que l’on connaît et qui ne cesse de nous enchanter depuis maintenant plus de 25 ans.

Une archive unique, celle de la jeune Björk récitant un passage de la nativité pour la télévision islandaise à l’occasion des fêtes de Noël, peu avant la sortie de son tout premier disque.

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