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Rembobinons – The Millennium, éclipse de la Sunshine Pop

Entre les références musicales qui prennent la poussière depuis des décennies et celles qui sortent chaque jour, il est parfois difficile de s’y retrouver et de se construire une culture underground. Chaque mois, Maze rembobine ses cassettes et vous dévoiler de nouveaux horizons sonores.

Tournons-nous cette fois-ci vers The Millennium, un groupe de pop psyché des années 1960 passé aux oubliettes. Ce groupe qui n’a fait qu’un album, Begin, en 1968 a laissé peu de traces dans les esprits, excepté chez quelques connaisseurs sans doute. Cependant, nous devons prêter plus d’attention à Begin car The Millennium, bien que groupe éphémère, avait sans aucun doute le talent des Beatles ou des Beach Boys.

Curt Boettcher, un maestro de la “Sunshine Pop” resté dans l’ombre

La collaboration entre les musiciens de The Millennium a été orchestrée par le grand Curt Boettcher, qui selon le New York Times, “aurait pu être un autre Brian Wilson”. Ce musicien et producteur était de son temps reconnu par les plus grands et suscitait la fascination dans le monde de la musique. Brian Wilson lui-même avait exprimé envie et reconnaissance pour son travail. C’est en partie son refus de faire des tournées qui a fait de Curt Boettcher une figure de l’ombre, un maestro méconnu. Son renom dans l’industrie de la musique est aussi et surtout du à sa manie de lancer des projets géniaux et de les laisser mourir dans l’oeuf : The Association, The Ballroom, Sagittarius… tant de groupes très prometteurs qui n’ont jamais été connu du grand public. The Millennium en fait partie et s’en démarque de par son unique album, oeuvre géniale et méconnue.

The Millennium attise la curiosité par le génie qui émane de Begin et le flop commercial qu’il a essuyé à sa sortie

The Millennium s’inscrit dans la Sunshine Pop, alors très en vogue à l’époque. À l’instar de The Mamas & The Papas ou encore de The Buckinghams, le super-groupe de Boettcher a travaillé des mélodies joyeuses qui sont propres à la pop californienne de cette décennie et qui sont surtout la spécialité de Boettcher. Si la production de pop psyché de l’époque est immense, The Millennium se détache grâce aux touches de génie et d’avant-gardisme contenues dans son oeuvre.

Begin, bijou des années folles des enregistrements studio

L’unique oeuvre de The Millennium a été échec commercial immense. Pourtant le génie qui en émane aurait du amener le groupe à un succès énorme. À l’écoute, l’album nous apparaît comme une fresque. Les titres s’enchaînent et paraissent ne faire plus qu’un. Ils forment une oeuvre géniale et polymorphe, toujours étonnante après plusieurs écoutes.

La batterie hip hop qui arrive dès les premières secondes du Prelude introduit dès la première écoute une fascination qui ne s’étiolera pas le moins du monde. To Claudia On Thursday s’enchaîne sans coupure : la machine The Millennium est lancée, on ne l’arrêtera plus pendant les quarante-cinq minutes d’écoute. Des sonorités tropicales sont présentes grâce à la cuica, un instrument à friction brésilien au son inimitable, ainsi qu’à la marimba. Elles servent toutes les deux de fil rouge que l’on suit tout au long des titres les plus pop. L’apparition de sonorités asiatiques combinées à des cuivres et aux délires psychédéliques dans Karmic Dream Séquence #1 résume la diversité des sons présente dans tout l’album.

Les titres s’enchaînent et paraissent ne faire plus qu’un. Ils forment une oeuvre géniale et polymorphe, toujours étonnante après plusieurs écoutes.

Begin n’a été joué qu’une fois en concert, dans une université du Sud de la Californie. La difficulté de jouer cette pièce en live démontre l’étendu du travail (et de la démesure) qui a eu lieu en studio. L’album, qui part de la Sunshine Pop, dérive très vite vers le psychédélisme jusqu’à aboutir à Anthem, dernier titre de l’album. Les sonorités sont presque futuristes pour l’époque. Les arrangements et le mixage révèlent l’effervescence et la folie qui régnaient dans les studios durant ces années-là. Nous pourrions presque sentir l’excitation et la créativité qui animaient les artistes face à l’émergence continuelle de nouvelles technologies, en particulier de l’enregistrement multipiste. Le titre Anthea se pose comme l’incarnation d’une méthode d’enregistrement nouvelle et révolutionnaire, charnière dans l’histoire de la musique.

The Beatles, The Beach Boys… and The Millennium

La boucle semblait bouclée avec le titre Karmic Dream Sequence #1, qui se terminait avec le thème de début de Begin. Mais The Millennium continue ironiquement avec There Is Nothing More To Say. L’ironie est éclatante quand on se rend compte qu’il est l’avant-dernier titre de l’opus et qu’il y a encore deux bonus tracks. La voix est grandiloquente, le final s’entend : on écoute ce que The Millennium n’a plus à dire.

 

C’est Just About The Same, le premier bonus track, qui donne tout son sens au tragique destin de The Millennium, projet éclipse des années 1960. L’album semble alors se rembobiner en partant d’une intro psyché pour basculer de nouveau dans la pop avec des choeurs à la tierce. C’est presque sans surprise qu’on trouve une forte ressemblance avec les Beach Boys. Même les choeurs le soulignent, avec une pointe d’ironie : “Just about the same” (“c’est presque la même chose”).

Begin peut se résumer à un album aussi produit que Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles. Il est surtout tout aussi éclatant de talent. La magie opère de bout en bout, et le délice se prolonge jusqu’aux pistes bonus. Si The Millennium et son oeuvre restent dans le cercle d’un happy few, la lumière devait être faite sur ce bijou de l’ombre.

Rédactrice en chef de la rubrique musique et étudiante en master numérique à Bordeaux. Passionnée de musique et de photo.

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