MUSIQUE

Julien Pras ou le folk-spleen à la française

Quatre ans après la sortie de son dernier album Shady Hollow Circus, Julien Pras fait son grand retour sur la scène folk. Auteur-compositeur, chanteur et guitariste, il semble être à un point culminant de sa carrière avec Wintershed qui sort ce vendredi.

Ovni musical, la suite

Après s’être illustré au sein de Calc et du groupe de stoner Mars Red Sky dont il est toujours membre, Julien Pras revient avec une nouvelle production solo. Ce dernier opus est le digne héritier de son dernier album Shady Hollow Circus, sortie en 2013. Sur les mêmes sonorités semblant venir d’une autre planète il déroule onze titres avec naturel comme si une seule et même histoire nous était contée. Dans la continuité de ses précédents albums, il tisse un univers dont lui seul possède la clef. Un univers poétique duquel émane toujours une certaines fragilité.

© Yotanka / [PIAS] France

 

 

 

 

 

D’un point de vue du voyage spatio-temporel, il est impossible d’omettre de citer Green Planets dont le titre est assez évocateur. Semblant atterrir sur une autre planète, le chanteur parle d’individus qui communiquent dans des langues étranges. Julien Pras joue ici avec les sons et les mots avec simplicité mais parvient à composer des morceaux complexes où les accords de guitare côtoient le banjo et le ukulélé avec une harmonie dont on ne se lasse pas. Ce dernier album semble malgré tout être plus mélancolique que son prédécesseur ce qui l’en différencie. Mais peut-on mesurer le degré de mélancolie que nous inspire une mélodie. Le mystère ne désépaissira jamais.

La richesse des sons

Le Bordelais mélange en solo deux univers qu’il affectionne tout spécialement : le folk et la psyché. Ces deux styles musicaux sont partie intégrante de son parcours artistique et on les retrouve dans ses compositions depuis 2010. Wintershed semble être un cocon, un songe. Mais au-delà de ces deux styles musicaux, on reconnaîtra néanmoins l’influence qu’a eu le rock sur Julien Pras. C’est cette richesse des sons qui fait aussi la richesse de son univers. Avec les titres Divine Spark et Wintershed, impossible de ne pas percevoir que les percussions et la guitare se font un peu plus puissantes, donnant une énergie nouvelle à cet album plutôt folk. Naviguant entre accords classiques du folk et sonorités plus rock ou psyché, Pras fait du neuf avec du classique et y appose sa voix reconnaissable entre mille. C’est par cette voix cristalline qu’il nous fait pénétrer dans cet univers où l’on se retrouve piégé dans une atmosphère ouatée.

Un univers florissant

Hurry Kane, premier titre de l’album, nous aspire et l’histoire que conte le Girondin nous fait entrer directement dans un monde onirique. Avec ce titre Julien Pras rend hommage à l’œuvre culte d’Orson Welles Citizen Kane et fait de l’histoire de Charles Foster Kane une chanson d’adieu. Introduisant à presque chaque nouvelle piste des personnages semblables à ceux que l’on trouverait dans des contes pour enfants (« la reine des abeilles » et « le chevalier noir » dans Hired Mourners, des « hommes verts » dans The Great Devise,… etc). Impossible donc de ne pas se laisser bercer et emporter par l’univers de Pras. La preuve avec Angel Of Mercy, un titre issu de l’album Shady Hollow Circus  :

 

Little Big Man

Reconnu pour sa carrière au sein du groupe Mars Red Sky, il jouit désormais d’une notoriété internationale sur la scène du stoner. Il est néanmoins étonnant de constater la méconnaissance de l’artiste solo. Et pourtant, les compositions de Julien Pras pourraient se résumer par un mot : « pureté ». Avec humilité, il compose et chante, tout simplement. Ses morceaux d’univers un jour deviendront grands mais à l’écoute de ses albums, on croit percevoir qu’il ne le sait pas encore. Sur scène ce 20 septembre à la Maroquinerie de Paris, on retrouvait ce même homme simple et pourtant plein de charisme interprétant Green Planets en compagnie de Helen Ferguson.

 

Impossible de ne pas avoir le mot « spleen » à l’esprit lorsqu’on l’écoute chanter. À l’instar des grands poètes français du XXème siècle, il inspire le spleen mais dans la langue de Shakespeare, lui. Abordant le thème de la guerre avec Charles House Infirmary ou encore les déboires amoureux avec On Trial, Pras livre un album qui parle de la vie avec toujours cette même mélancolie qu’on lui connaît désormais. L’ultime titre de l’album The Great Devise où le chanteur nous annonce devoir « nous laisser là » fait bien ressentir

« Le ciel bas et lourd [qui] pèse comme un couvercle

Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis ».

Comme un mot d’adieu à ses auditeurs, Pras les laisse là avec leur spleen.

Wintershed en résumé ? C’est un album folk-spleen comme Julien Pras sait si bien les faire. C’est aussi un album doudou qui donnerait envie à quiconque de se rouler en boule dans une couette en pilou pour regarder la neige tomber en repensant au printemps. En attendant que vous couriez écouter le dernier album du girondin, on vous fait une fleur et on vous laisse avec le clip de Divine Spark.

 


 

Wintershed, de Julien Pras, © Yotanka, sorti le 27 octobre 2017

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