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Motocultor 2016 : entretien avec Carpenter Brut : “Faire mieux et différent que les trois premiers EPs”

Carpenter Brut est un projet électronique aux lourds accents 80’s. C’est appelé Synthwave, Retro New Wave… On ne sait pas vraiment classé ce genre hybride, comment appelles-tu ton style ?

Carpenter Brut : je t’avouerai que je n’ai jamais pris le temps de lui donner un nom. Je laisse les autres le faire pour moi. On peut parler de Synthwave, c’est le petit mouvement à la mode en ce moment. Je fais de la musique Electro parce que je suis tout seul et que c’est toujours plus simple. J’ai des influences assez simples, entre le Metal que j’écoute depuis longtemps et l’Electro à la Justice. J’ai essayé de mélanger les deux. C’est vrai que ce n’est pas évident de se donner un style quand, à la base, je ne me suis pas lancé dans le truc pour faire un style précis. Si j’avais fait du Grindcore, on ne se serait pas posé la question. C’est de l’Electro, peut-être un peu French Touch.

A ce jour, tu as sorti trois EPs, tu as un live avec une poignée de musiciens sur scène et également une série de clips originaux. Quelle est la prochaine étape ? Est ce que tu envisages de faire un album ?

Carpenter Brut : la prochaine étape, c’est un live. Je pense le sortir à la fin de l’année pour que les gens voient ce que ça peut rendre. Avec l’apport de musiciens sur scène, ça change un peu la teneur de la musique, elle est un peu plus violente et lourde. Je suis en train de bosser là dessus, pour que les gens qui ont envie de nouveauté ne soient pas trop déçus que ça traîne un peu. Le prochain album ne devrait pas sortir avant la fin de l’année 2017, je n’ai pas encore commencé à le composer. Je suis un peu emmerdé car je ne sais pas comment repartir, je n’ai pas envie de refaire la même chose, j’ai envie d’évoluer. Mais en même temps, on ne se refait pas, donc je ne vais pas non plus me métamorphoser. J’essaye de trouver un bon thème de départ pour un album, et pour patienter il y aura un live avec une pochette signée Fortifem. Ils font les pochettes depuis le début. On verra plus tard pour un clip et la promo habituelle, tu sais le truc bien relou du « music business » : sortir le clip avant l’album pour attiser la curiosité des gens… Je n’aime pas trop faire ça. On a une quarantaine de dates jusqu’à la fin de l’année, l’activité live est assez chargée. On prévoit de tourner en Europe et aux États Unis en 2017. Je vais essayer de prendre du temps pour moi pour composer mais je ne sais pas quand ça va sortir. Je ne veux pas me précipiter sinon tout le monde sera déçu en commençant par moi.

Il y a une montée de peur générale qui m’inquiète.

Ton univers est imagé par des clips. Ils vont dans des univers tant littéraire que cinématographique, avec entre autres un clip aux airs de The Walking Dead et un autre situé dans un Innsmouth de Lovecraft revisité. Quelles sont tes inspirations personnelles ?

Carpenter Brut : je lis très peu. J’ai profité de mes vacances pour lire 1984. C’est un truc dont tout le monde entend parler : « Big Brother is watching you ! ». Je voyais à peu près de quoi ça parlait mais je ne pensais pas que c’était à ce niveau. Je pense que ce livre va m’inspirer pour la suite. Le totalitarisme est quelque chose qui m’intéresse. Je ne fais pas de la musique pour être politisé ou dire aux gens ce qu’ils doivent faire. Jusqu’à maintenant, c’était très basé sur le cinéma américain parce que j’ai grandi avec ça. Dans les années 80, tu n’avais pas le choix. C’est pas plus mal parce qu’on a eu des séries excellentes : Star Wars, Retour vers le Futur…

C’est étonnant que tu parles de cinéma américain, car Escape From Midwich Valley me fait penser à Dagon, un film espagnol de 2001.

Carpenter Brut : je n’ai pas vu ce film et je ne suis pas très au fait quant à l’univers de Lovecraft. C’est un pote réalisateur qui m’a proposé d’utiliser le morceau pour faire un clip sur Innsmouth. Je n’y ai vu aucun inconvénient. A l’occasion, je regarderai ton film. La difficulté quand tu es musicien, c’est à la fois de se nourrir de plein d’influence pour te donner des bases de départ et de trouver le temps pour composer. J’ai cette problématique de renouvellement de stock culturel.

En parlant de 1984, je trouve qu’il y a pas mal de dystopies dans tes clips et tes teasers. C’est d’ailleurs le propos du livre de Georges Orwell : une critique d’un communisme exacerbé. Es-tu inquiet quant à la tournure que prend le monde ou est ce un thème que tu aimes revisiter ?

Carpenter Brut : l’être humain est suffisamment con pour tomber dans le panneau et ça va finir par nous arriver. J’ai vu des débats récemment à la télé. Je me dis qu’on ne va pas forcément arriver au totalitarisme. Tu parles du communisme pour 1984, Big Brother peut incarner Staline, surtout quand on sait que l’auteur a été républicain. Le totalitarisme a un problème : la liberté est un ennui pour un État. Avec les attentats et toutes ces petites question religieuses, il y a une montée de peur générale qui m’inquiète. Ce que veulent les gens, c’est vivre leur vie avec confort. S’il n’est plus donné en revenant de travailler, tu pètes un câble. Tu te crèves le cul au travail pour une misère, on te dit que c’est la crise pour ne pas te dire « ferme ta gueule et va bosser parce qu’il y en a d’autres qui attendent ton job ». On prend tout le monde par les couilles et on arrive à museler les gens parce qu’on a peur qu’ils se révoltent. Plus on fait ça, plus ils se « révolteront » d’une manière ou d’une autre, voire par l’extrême. Il aurait pourtant suffit d’être plus conciliant avec le peuple, sans être des bisounours. Je pense qu’on va tomber dans le panneau comme des cons. Les hommes politiques occidentaux mettent leur nez dans des pays dans lesquels le seul intérêt est financier : vendre des armes, du pétrole… Et ça retombe sur la gueule du peuple ! Tu veux voir un concert ? Un mec se fait sauter dans la salle alors que tu n’as rien demandé ! Le morceau Invasion AD parle un peu de ces « révolutions » : c’est une invasion de tous les extrêmes. Même si je ne politise pas mon propos, c’est un morceau qui me rappelle ce que me disait ma grand-mère quand les allemands déboulaient chez elle parce que le territoire était occupé. Ça me fait peur de savoir que des soldats peuvent débouler chez toi pour te prendre ta bouffe ! J’aime m’amuser en regardant des films d’horreur, je fais cette musique pour qu’on puisse s’amuser et je n’ai aucune autre prétention. Je n’ai pas à dire ce que les gens doivent faire, mais dans l’absolu, on va se faire baiser.

Je suis toujours en contact avec les mecs d’Hotline Miami.

Ton pseudonyme est un hommage au cinéma de John Carpenter. Est ce que tu aimerais coupler ton live avec une œuvre cinématographique ?

Carpenter Brut  : pas du tout. Je me sers juste d’images de film pour créer une ambiance pendant les concerts. Sur chaque morceau, il y a une courte vidéo d’un film de série Z quasi inconnu. Je n’ai pas envie de changer de principe. Quand John Carpenter a repris les tournées, c’était un peu ce qu’il faisait, avec ses morceaux et vidéos. Je pense que c’est très bien qu’il le fasse, c’est toujours cool de le voir sur scène. Je fais d’abord de la musique, je ne suis pas trop dans l’expérimentation. J’ai déjà assez de boulot pour faire un concert qui donne quelque chose, ça prend du temps à mettre en place. Plus tu installes d’éléments, plus ça demande de travail. Je ne suis pas sur de la pertinence du résultat.

Tu es présent sur la bande originale de Hotline Miami 2, jeu indépendant développé par Dennaton Games. Le jeu est nerveux, bourrin, basé sur le scoring malgré son histoire assez dense. Tu comptes travailler encore avec eux ?

Carpenter Brut : dans l’univers du jeu vidéo, oui. J’ai fait quelques morceaux pour le jeu Furi. C’est passez inaperçu, mais j’ai aussi fait un petit teaser pour une extension d’Hitman sur téléphone mobile. Je suis toujours en contact avec les mecs d’Hotline Miami. S’ils ont besoin de moi, ils peuvent me rappeler. J’ai refusé pas mal de trucs car je dois me concentrer sur les lives et l’album. J’ai peur de me lancer là dedans et de me disperser, de ne plus savoir ce que je fais à l’origine. C’est pas au goût du jour, mais si j’ai une proposition qui me semble intéressante et je me sens capable de le faire d’une bonne manière, je dirai peut-être oui. Mais je préfère me concentrer sur l’album. c’est un gros morceau et j’ai envie de faire mieux et différent que les trois premiers EPs.

Je trouve ça sympa qu’on arrive à réunir des publics aux antipodes.

Tu es en plein revival 80’s avec ce style qui est étonnamment à la mode dans le milieu Metal. Est ce que tu penses que le phénomène va s’épuiser, et d’ici combien de temps ?

Carpenter Brut : comme n’importe quel phénomène, ça va s’épuiser. Tu vas peut-être me trouver orgueilleux, mais je trouve que la Synthwave est devenue populaire dans les milieux Metal depuis que j’ai commencé, au même titre que Perturbator, Dan Terminus… J’écoute du Metal depuis longtemps, et je n’ai jamais imaginé que ça puisse intéresser les mecs du Metal. Je pense qu’ils retrouvent une noirceur et une violence qu’ils n’ont pas l’habitude d’entendre avec l’Electro. Je pense que les metalleux sont assez ouverts même s’il y a quelques puristes. En live, j’ai un petit plus parce que j’ai un gratteux et un batteur. Il y a des repères habituels propres aux groupes qui jouent. Et pourtant il y a des mecs comme Perturbator qui, sans musicien, marchent quand même ! Je pense que c’est une nouveauté pour eux. Ils se lasseront quand on deviendra mauvais. Ils ont accroché parce qu’ils ont été surpris. Si on ne les surprend plus, le mouvement va crever. Je ne peux pas vraiment te répondre. Je ne pense pas que ça dépende du public, ça dépend de comment on arrive à évoluer sans lasser ni les gens ni soi-même. Je trouve ça cool que des blackeux se retrouvent au milieu de geeks férus d’Hotline Miami, qu’ils se parlent alors qu’ils ne se seraient jamais croisé autrement. Je ne suis pas « we are the world », je ne suis pas pour l’unité des peuples, j’en ai rien à branler, mais je trouve ça sympa qu’on arrive à réunir des publics aux antipodes afin qu’ils se trouvent des points communs. On verra bien ce que ça donne, on profite, le plat est chaud, la bouffe est bonne.

HEADBANG 'TILL YOUR NECK BREAKS.

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