MUSIQUE

Loveless de My Bloody Valentine

Loveless de My Bloody Valentine ou quand un album à lui seul définit un genre musical.

Si comme moi un de vos hobbies consiste à décortiquer les pages Wikipedia de vos musiciens préférés plutôt que de faire un des 100 trucs que vous êtes censés faire, vous êtes sûrement un jour tombés sur un groupe qui se disait influencé par le shoegaze.

Qu’est-ce que le shoegaze ?

Derrière ce nom barbare se cache un mouvement essentiellement originaire du Royaume Uni, où dans les années 80 une multitude de petits groupes de rock aux carrières plus où moins éphémères vont se former. Ainsi la scène alternative britannique est (entre autres) occupée par The Jesus and Mary Chain, Spacemen 3, The Vaselines, Television Personalities et My Bloody Valentine. Les influences de ces groupes vont du post-punk, au rock psychédélique des Cramps ou du Velvet Underground en passant par des groupes de noise rock américains comme Dinosaur Jr. et Sonic Youth.

My Bloody Valentine en concert à Londres en 1987. De gauche à droite : Debbie Googe, Bilinda Butcheret Colm O'Ciosoig. (photo de Beverley Castle extraite de "A Scene Between" de Sam Knee.

My Bloody Valentine en concert à Londres en 1987. De gauche à droite : Debbie Googe, Bilinda Butcheret Colm O’Ciosoig. (photo prise par Beverley Castle extraite de “A Scene Between” de Sam Knee)

C’est dans cette effervescence musicale que le shoegaze naît. Le terme apparaît pour la première fois dans New Musical Express lorsqu’un journaliste décrivant un concert de Moose explique que les musiciens alors jeunes et introvertis donnent l’impression de regarder en permanence leurs chaussures (shoe gazing musicians) en jouant avec la tête quasiment toujours baissée vers leurs instruments.

Loveless

Pochette de l'album

Loveless – Pochette de l’album/Droits Réservés

 C’est en 1991 que My Bloody Valentine, groupe originaire de Dublin alors composé de Kevin Shields, Bilinda Butcher (guitare et voix), Debbie Googe (basse) et Colm O’Cisoig (batterie) sort Loveless. L’enregistrement laborieux s’étalera au total sur une période de 3 ans. Si il s’agit seulement de leur deuxième album, le groupe a déjà enregistré à l’époque une dizaine d’EPs et singles allant du rock gothique à la dream pop.  Loveless définit ce que sera le son shoegaze. Les guitares sont ultra saturées, la batterie répétitive, les voix sous mixées et presque innocentes. Le perfectionnisme de Kevin Shields, qui enregistrera lui-même la quasi-totalité des instruments, et sa volonté d’expérimenter autour du son plutôt que sur la composition feront de Loveless un OVNI. Ainsi il est certain que si les chansons de Loveless avaient été des chansons acoustiques l’album aurait été plutôt lassant ; ce qui rend ce disque si particulier c’est le mélange de sons si dense qu’on en oublie ce que l’on entend. La voix rêveuse et sensuelle de Bilinda Butcher est la plupart du temps enregistrée plusieurs fois, les différentes prises étant au final superposées, donnant ainsi des nappes de son éthérées contrastant avec des guitares au son monolithique. Le résultat est à la fois rêveur et bruyant et constitue exactement l’équivalent auditif de la pochette de l’album. Si vous la regardez assez attentivement vous verrez une guitare, mais l’image reste trouble et colorée. De la même manière en vous concentrant sur la musique de My Bloody Valentine vous arriverez à distinguer les éléments qui la composent. Loveless fait partie de ces disques que l’on peut écouter allongé en fixant le plafond de sa chambre en rêvassant avec le volume poussé à fond. Car si la musique de My Bloody Valentine est en somme assez rêveuse et reposante, leurs performances lives sont réputées pour leur niveau sonore extrêmement élevé dépassant parfois les 130dB (seuil de la douleur) ce qui ne manque pas de leur causer des ennuis avec la législation de certains pays notamment en France où la limite autorisée pour un concert amplifié est de 105dB.

Et aujourd’hui ?

m b v

m b v – pochette de l’album/Droits Réservés

Le groupe se sépare en 1997. En 2003, Kevin Shields participe à la bande-son de Lost in Translation de Sofia Coppola. Et le groupe se reforme en 2007 pour sortir en 2013 après plus de deux décennies sans nouvelles productions en tant que groupe l’album m b v.   Pour conclure, Loveless, va au-delà de la musique en offrant une véritable expérience sonore dont l’influence se retrouve aussi bien dans le rock psychédélique des débuts de The Brian Jonestown Massacre que dans certains opus post-rock de M83 ou Mogwai en passant par le noise rock de A Place to Bury Strangers.

You may also like

More in MUSIQUE