MUSIQUE

Stromae : chapeau maestro

Je ne suis à la base pas du tout adepte de Stromae. Pourquoi ? Parce qu’un mec qui se fait appeler Maestro en verlan ça m’insupporte et que question musique c’est un peu facile, trop mainstream. Mais dans cette impression quelque chose cloche. Stromae n’est pas celui que l’on croît saisir au vol de quelques notes, non.

Au bout de quatre ou cinq écoutes les paroles commencent à être familières et là un univers se dessine. Racine Carré est introduit par Ta Fête, rythmes dansant, que l’on écouterait bien dans une énième boîte de nuit d’une station balnéaire squattée par des bandes de jeunes venus se défouler sur le dancefloor. Encore un hic, le texte ne matche pas. Ce n’est pas une énième ode au vidage de cervelles généralisé, non.
Les influences de l’album sont vastes parfois proches de rythmes africains, ou de sonorités sud américaines, mais toutes se veulent enjouées. Elles réchauffent les tympans, préparent le terrain, donnent un faux air heureux, prêtes à plaire au plus grand nombre, et à être distribuées sur les ondes aux heures où l’audience est importante mais … Elle est toujours présente, cette voix, pour refroidir l’atmosphère, et pour le mieux. Sans elle, il est vrai que Stromae n’aurait aucun intérêt. C’est ce message entonné sur un son léger, qui rend le stratagème plutôt intelligent. Il est rare de concilier sa foi en des valeurs et en même temps réussir à obtenir les clefs du succès, le musicien le fait.

Sa voix à peine chantée est claire et transmet une émotion, parfois un sentiment d’urgence, qui est desservi par des notes toujours plus joyeuses et des refrains ravageurs que l’on chanterait bien le sourire jusqu’aux oreilles dans l’insouciance la plus extrême comme pour Papaoutai ou Sommeil. Sauf qu’au final la tristesse la plus profonde en émane, dévoilant une douleur bien dissimulée et une réalité morose qui ressortent colorées, et on finit par compatir, par comprendre, par se questionner.
Comment pouvoir blâmer l’auteur d’un tel changement ?
Formidable, est le meilleur coup marketing (pour une bouchée de pain) qui ait été réalisé ces dernières années. Rien que pour ça, ça vaut le coup. Mais aussi pour laisser s’esquisser quelques larmes au coin de nos yeux (avouons que la rentrée se profilant ça peut faire du bien), c’est parfait ! Mais surtout, qui n’a jamais ressenti ce sentiment injuste, de dégoût, de haine, de solitude et de tristesse nous habitant en entier ? Une plainte, voilà ce que c’est, afin de s’extirper d’une séparation douloureuse, ici, noyée dans l’alcool. Aux oreilles ça rend bien. Dans la réflexion c’est mieux ! Est-on obligé de tous en passer par là pour retrouver le bon chemin ?

Le titre recoupe même Ave Cesaria qui évoque Espagne, été et amourettes, sauf qu’en fait, c’est plutôt aléas de l’été et amours perdus qui se tracent sur la route du pauvre homme égaré. Tout perd de sa nature rêvée pour un retour un peu brutal à la réalité.
Carmen prend une référence ultra entendue et bien adaptée pour dénoncer notre consommation excessive de réseaux sociaux. C’est même une mise en garde contre notre société en général, notre matérialisme, dans l’esprit du « tais-toi et consomme » qui prend forme. Ce qui est intéressant c’est que justement, il semble entrer dans ces tubes qui permettent de vendre du temps de cerveau disponibles aux grands industriels, mais au contraire, il pousse à nous en méfier. Une satire, si je puis dire.
De plus, le Belge s’inscrit dans son époque, et surf sur la vague du ragga/dubstep à la Major Lazer (c’est donc logiquement qu’il a pu les rejoindre le dimanche 25 août à Rock en Seine) avec des titres comme Humain à l’eau.
Merci étonne par l’absence concrète de paroles, mais la pause est dûment méritée et appréciée. AVF qui se retrouve juste derrière permet de ne pas oublier la première volonté de Stromae, qui est justement entre celle d’Orelsan dans le message donné et de Maître Gims côté sonorités (et encore). Pour les vrais mélomanes bon, la tête de Sexion d’Assaut perturbe, et pourtant le choix s’entend, Stromae s’ouvre à la culture de masse, et revendique ses deux facettes, alors le choix des deux rappeurs apparaît comme une évidence.

Par moment, et écouté sans interruption l’album peut se révéler être pesant, mais derrière se cache un vrai travail de recherches et d’écriture qui est bel et bien palpable et rondement mené. Chapeau Maestro.

En amour avec la diversité artistique, immergée dans les images et les sonorités, en quête d'une fameuse culture hybride, à la croisée des idées. Sur la route et sur les rails, entre la France et les festivals.

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