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Petite frite et grandes découvertes au BSF

Dix-septième édition et pourtant pas une ride pour le festival bruxellois qui a, une nouvelle fois, su honorer son contrat et haranguer les foules.

Le Brussels Summer Festival a presque atteint sa majorité, mais il n’est décidément pas prêt à calmer ses ardeurs de jeunesse, encore moins à tempérer sa fougue. Plus que jamais, les idées ont fusé, les styles se sont mélangés dans un joyeux bordel pas si désorganisé que ça. On ne taxera pas la programmation de fourre-tout car la ligne directrice qui la sous-tendait était limpide ; faire plaisir au plus grand nombre tout en donnant sa chance à tous ceux qui le méritait.

Tous les éléments habituels étaient réunis pour ravir les habitués du BSF : quatre scènes réparties aux quatre coins du centre-ville, des centaines de mètres de food trucks pour attirer les badauds en pleine errance urbaine, des bénévoles virevoltants prêts à répondre aux moindres désirs des festivaliers. Seule différence cette fois, on ne comptait plus que cinq jours d’occupation des scènes, et non plus dix comme auparavant. Moins de temps pour s’épancher mais plus d’intensité dans les claques musicales prises par le public ; on peut affirmer que tout le monde a gagné au change.

Gaëlle Regnier

On ne cessera de le répéter, la programmation du festival agit comme une prophétie des tendances musicales. On relevait l’an passé, le BSF est un oiseau de bonne augure, annonçant les succès de l’année à venir. Prenons par exemple Konoba, programmé en 2017 sur la scène de la Madeleine. Il a connu une saison plus que florissante, a joué aux quatre coins de l’Europe, et nous est revenu à Bruxelles, sur la plus grande scène du BSF cette fois, à la place des Palais, acclamé par un large public.

Am, stram, rap

Chaque soirée s’est terminé en apothéose, mais la plus rentable était sans nul doute celle du jeudi. La place des palais s’est paré de ses plus beaux atouts bling bling et de ses meilleures rimes riches pour accueillir la crème de la crème du rap. C’est ainsi que la jeunesse s’est littéralement bousculée aux portillons pour applaudir Roméo Elvis, assurant ainsi une réputation béton au festival auprès d’un public adolescent désormais conquis. On n’amoindrira pas non plus l’excellence du taulier Orelsan, en communion avec son public débordant d’énergie et de joie, comme à chacun de ses concerts en Belgique.

Gaëlle Regnier

Mis à part les grands noms connus de tous, il est important de saluer la prestation enflammée du jeune prodige bruxellois Lord Gasmique, dont la plume acérée fait déjà trembler les papys du rap en manque d’inspiration. Dans un registre un peu plus hybride, mais teinté d’accents hip-hop indéniable, Saint-James a encore une fois maté le matou bruxellois, à coup de saxophones, de drop dignes des meilleures soirées electro et de lyrics rapées finement pour assaisonner le tout.

Objet Chantant Non Identifié

Le rêve de tout festivalier curieux est de se faire emporter loin, très loin, par un ovni de la musique. Deux spécimens ont accompli cette prouesse d’OVNI. Caché sous un chapeau melon, il y avait Adam Naas, ce jeune parisien dont le corps semble habité par l’esprit de Michael Jackson, et la voix par le timbre de Nina Simon, a transporté La Madeleine. On ne sait pas très bien vers où il veut emmener son public. La jeune pousse se cherche encore, explore les horizons et apprend son métier sur le tas. Malgré quelques maladresses de regards fuyants, on ne ressort pas indemne d’un tel concert. La maitrise de la voix, les envolées, les chutes, les cris, les silences assourdissants, la puissance du murmure, tout concourt à destiner une longue carrière de prince de la soul à Adam Naas.

Sofia Touhami

Dans un autre registre, tout le monde a été surpris que la Place du Musée prenne subitement des allures de Nouvelle-Orléan. Il n’a pas fallu plus de quinze secondes de prestation à Fantastic Negrito pour entrer dans une transe irrésistible et communicative. Il a fait vivre à Bruxelles l’un de ses plus beaux moments de Funk, digne des shows légendaires de James Brown. Ça sue, ça hurle, ça gicle, ça jouit, et c’est précisément ce lâcher-prise dont Fantastic Negrito se sert pour rendre son public dingue, et dingue de lui.

Sofia Touhami

Enfin, le Mont des Arts s’est embarqué pour un aller-simple dans le jet public des Soviet Suprem. Il s’agit probablement du concert le plus mémorable de cette édition. Rien ne laissait présager qu’une foule de fans si nombreuse se presse contre les rambardes de la scène. La morosité ambiante de ces dernières années a subitement laissé place à un mouvement de folie collective. Tout le monde a joyeusement emmerdé le capitalisme, acclamé le communisme, salué le camarade Vladimir Poutine et payé un verre à toute l’armée rouge. Simplement hallucinant.

Sofia Touhami

Douce découverte

Le public a un mal fou à accrocher à la musique féminine francophone, comme si les flammes de Sheila, France Gall et Veronique Sanson n’avait jamais pu renaitre de leurs cendres. Celles qui s’y essayent se vautrent souvent royalement, ou tombent dans des moules conventionnels pour finir par être des chanteuses conventionnées, vissées à leurs neuf pads et leur micro. Le BSF a tendu la perche à deux artistes qui méritent de sortir du lot. D’une part, la divine Clara Luciani, dont le talent n’est plus à prouver. Il suffit de s’installer, de boire ses paroles en sirotant en verre de vin rouge et d’apprécier ainsi la simplicité des mots déclamé avec grâce par sa voie de velours.

D’autre part, nous avons eu l’agréable surprise de rencontrer la personnalité singulière de la belge Charlotte. Avec trois singles à son actif et un futur projet bientôt dans les bacs, elle défend d’ores et déjà bien sa place sur scène. Joyeuse et mélancolique à la fois, le regard profond et la voix incandescente, la jeune namuroise doit être suivie de près. Il se pourrait bien que sa carrière s’envole dans très peu de temps.

 

Sofia Touhami

Success-story infinie

Une carrière qui dure, c’est bien, un public qui reste fidèle, c’est mieux. On n’imagine pas l’engouement qu’un groupe peut susciter avant d’avoir pu constater combien de milliers de personnes se déplacent pour l’acclamer un soir de festival. Quel plaisir cela a été de voir deux, et même parfois trois générations chanter en choeur les tubes de Matmatah. Le groupe de rock breton n’a rien perdu de sa superbe. Toujours capables de déchainer les passions, mettant un point d’honneur à partager leur joie et leur passion de la scène, ils sont au meilleur d’eux mêmes sur scène, une guitare à la main et le sourire aux lèvres.

Gaëlle Regnier

L’autre moment de joie tout particulier que l’on ne peut ressentir qu’en festival, c’est cet instant de flottement, lorsque l’on rejoint une scène pour profiter du concert d’un groupe que l’on croit obscure, inconnu et marginal, et que l’on se retrouve mêlé à des centaines d’autres personnes partageant la même passion pour la musique indé. C’est ainsi que tous les fans belges de Calexico ont pu laisser déborder tout leur bonheur dans une cohésion éphémère et extraordinaire. Un grand moment de communion, que l’on doit aux mariachis new wave en provenance directe d’Arizona, et qui, on le souhaite, se reproduira rapidement dans la capitale de l’Europe.

Gaëlle Regnier

Directrice de la communication, tout droit venue de Belgique pour vous servir. Passionnée de lecture, d'écriture, de photographie et de musique classique.

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