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La Route du Rock voit grand

Fondateur et directeur du festival depuis 27 ans, François Floret est avant tout amoureux. Amoureux de la musique indé. Il nous présente la collection été 2017 de la Route du Rock, qui se déroule du 17 au 20 août à Saint-Malo, entre tradition des découvertes, et le paquet mis sur les grands noms.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore la Route du Rock, comment tu la définirais ? C’est quoi par rapport aux autres festivals ?

Je dirais que notre particularité, c’est qu’on a une seule esthétique, unique, et qu’on défend depuis 27 ans : ce sont les musiques indépendantes, et pas autre chose. C’est une réunion de famille, entre les artistes, le public, et nous.

 

 

Après, les musiques indépendantes, il y en a plein : l’électronique, le punk, la pop, le rock, tous les styles, les sous-parties de cette famille musicale. Et la Route du Rock, c’est le rendez-vous de ceux qui veulent à la fois découvrir, et voir des groupes fondateurs, plus connus, mais seulement dans le créneau des musiques indépendantes.

Cette année, il y a quand même du lourd : PJ Harvey, Interpol, Mac Demarco, The Jesus and Mary Chain… Programmation 5 étoiles ?

(rires) Merci, c’est gentil ! C’est vrai qu’on a voulu marquer le coup. On sort d’une année compliquée en 2016, on a fait des bilans, à plein de niveaux, et on s’est rendu compte que malgré tout ce que l’on pouvait dire de sympa sur nous, et malgré le fait que la Route du Rock est une marque de fabrique, et bien cela ne suffisait pas pour avoir le public suffisant à son équilibre financier. On a perdu pas mal de sous l’année dernière, même si c’est pas abyssal.

“En dessous de 20.000 spectateurs, on peut commencer à se poser des questions.”

Donc l’idée, en plus d’éviter de reperdre de l’argent, et de retrouver de la superbe, c’était de réfléchir à comment expliquer qu’on est toujours là, qu’on se donne les moyens d’être suivi de manière un peu plus conséquente. Je dis souvent qu’en dessous de 20.000 spectateurs, on peut commencer à se poser des questions : pourquoi on organise un événement qui coute autant d’argent, autant d’énergie ? Un événement qui paradoxalement fait autant de parler de lui, pour un public qui dépasse rarement les 30.000 dans l’histoire. Alors on a réfléchi à comment recréer une dynamique.

 

 

On s’est dit qu’en reculant d’une semaine, on aurait peut-être plus de chances d’avoir des artistes internationaux, qui arrivent en Europe mi-aout, la date habituelle du festival (le week-end du 15 août, ndlr). Ils vont d’abord là où il y a beaucoup d’argent, dans les pays nordiques par exemple, et pendant la semaine qui suit, on a plus de chances. Ca, c’est bingo parce qu’il y a beaucoup d’artistes qui n’auraient pas pu jouer mi-aout, et qui pourront être là pendant la Route du Rock cet été.

Et puis évidemment, le nerf de la guerre c’est l’argent, donc on a décidé d’augmenter sensiblement le budget artistique. On a doublé le niveau des cachets pour avoir les moyens de faire des offres intéressantes.

 

 

Ça a été un sacrifice ? C’est un effort conséquent pour le festival ?

Oui et non ! C’est un passage plutôt au niveau intellectuel, parce qu’on a jamais proposé autant d’argent que cette année. Donc ça fait bizarre, mais c’est un calcul bien réfléchi, on est pas irresponsable. L’important, c’est de jauger ce que va être l’investissement, et le retour du public. Il s’agit pas de claquer de l’argent bêtement, c’est de se dire : “ok, cet artiste il coute beaucoup d’argent, mais est-ce qu’il ramène du monde ?”. On est obligé de faire un peu comme tous les autres festivals, qui eux le font sur l’ensemble de la programmation, nous c’est focalisé sur les grands noms. Les découvertes, on les a tous les ans, et c’est pas ces artistes qui pèsent trop dans le budget.

Est-ce que cette nouvelle politique, c’est pour casser cette image de festival pour initiés, un peu trop confidentiel ? Tu parlais de famille, c’est bien de faire des réunions de famille, mais il faut aussi savoir l’ouvrir au reste du monde ?

Pas cette année. C’est vrai, mais on a cette réflexion depuis des années. Il y a pu y avoir des années, surtout au début, où on était un peu “foufous”, pas “intégristes”, mais “légèrement snobs” on va dire, parce qu’on a pu se dire : “on est un festival d’initiés, et les autres on s’en fiche”. Moi le premier, j’ai pu avoir ce genre de raisonnement idiot. J’avais par exemple une année refuser une interview à TF1 parce que je trouvais ça trop “populaire”. C’est complètement débile !

 

 

Aujourd’hui, c’est tout l’inverse. On a des fidèles, qui sont formidables, et grâce à eux chaque année on a au moins 10.000 à 12.000 spectateurs, on se croise, on se dit bonjour, on échange, on s’apprécie beaucoup, on est devenu une bande de copains. Mais notre volonté, c’est d’ouvrir ça à tout le monde, de proposer une alternative à ce que les gens connaissent au quotidien, aux événements plus mainstream, qui ont leur place bien entendu, sans doute plus que nous, mais qui proposent des choses un peu identiques. Et dire aux gens “attention, il y a aussi d’autres trucs”. On a pas la prétention d’être les meilleurs, ou de présenter ce qui est le plus intéressant, mais il y a aussi ces musiques là, qui sont importantes.

Certains de ses artistes on les retrouve ponctuellement sur des festivals plus mainstream, mais nous c’est un condensé, et on explique même chaque année d’où ils viennent pourquoi comment : on a une conférence chaque année sur un mouvement, cette fois ce sera le punk !

La Route du Rock, c’est donc avant tout les découvertes : si tu devais nous en conseiller quelques-unes, ce serait lesquelles ?

Souvent je cite cette année, Idles, le vendredi (23h25, scène des Remparts), qui est un groupe très impressionnant ! Nous on a été totalement scotchés dès qu’on a entendu leur premier titre. C’est du punk anglais comme on adore, avec des vraies chansons, c’est pas seulement de l’énergie, des guitares et de l’attitude. C’est un groupe très complet, j’espère qu’ils arriveront à retranscrire ça sur scène.

Et il y a également Yak, le dimanche (20h25, scène des Remparts), un groupe américain qu’on aime beaucoup, qu’Alban (le programmateur de la RdR, ndlr) a découvert à Lévitation l’année dernière. Il était revenu avec ça dans son petit sac !

 

Est-ce qu’il y a des artistes que tu rêves de programmer ?

Il y a deux monstres sacrés dans notre créneau musical : c’est Arcade Fire bien sûr, et Radiohead. De son vivant, il y avait David Bowie. Ce sont des doux rêves, on sait que c’est totalement inaccessible. On aimerait bien retrouver Blur aussi, pourquoi pas. Ce sont des groupes très importants dans notre famille. Mais beaucoup de directeurs de festivals pourraient répondre la même chose.

 

 

Pour terminer : on s’ennuie pas, après 27 éditions à la tête de la Route du Rock ?

En fait, non, parce que ce qui nous anime, c’est d’abord la musique. Et même si moi je viens de passer le cap des 50 ans… ça fait bizarre de le dire ! (rires). La musique, c’est toute ma vie, et c’est celle de toute l’équipe.

Et même si c’est pas simple de travailler sur la commune dans laquelle on fait le festival, où l’on a pas tous les appuis, et tout le soutien qu’on devrait recevoir, ce qui devrait pas exister, on a cette rage de bien faire, malgré les obstacles qu’on nous tend, cet événement qui passionne autant de monde. C’est ça le plus important.

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