MUSIQUE

Rencontre avec SoKo

A l’occasion de la sortie de son excellent deuxième album baptisé My Dream Dictate My Reality, SoKo, plus assumée que jamais s’est plongée dans un océan de sonorités new-wave, coldwave et post-punk. Rencontre avec une adorable alien à quelques heures de son concert au festival Chauffer dans la Noirceur où elle nous parle de Los Angeles, de ses inspirations, ou encore de ses albums préférés de tous les temps.

Tandis que ton premier album I Thought I Was an Alien était plutôt lo-fi et folk, My Dreams Dictate My Reality prend un tournant new-wave et punk, on sent l’influence et ton amour pour Siouxsie and the Banshees, The Cure et Depeche Mode. Est ce que pour ton prochain album, tu as envie d’essayer un autre genre ?

Non, je n’ai pas l’impression que c’est un autre genre, c’est vraiment juste une évolution, il y a des chansons sur le premier album qui allaient déjà vers cette direction mais je pense que c’était parce que j’avais moins d’expérience et donc peut-être un peu moins assumé. Là j’ai juste envie de faire un album qui m’éclate. Pour l’instant, le peu de chansons que j’ai écrit pour le nouvel album c’est assez… fun.

C’est de plus en plus fun en fait ? Car ton premier album était beaucoup plus intimiste et dans la retenue. J’ai lu dans tes interviews que tu parlais de dépression après les tournées sur ton premier album car tes chansons étaient hyper personnelles.

C’est toujours aussi personnel, c’est juste la forme qui est différente. Je pense que j’avais surtout besoin de m’entourer de sons qui me rendent heureuse.

On sent que c’est plus solaire, plus punchy…

Ouais, mais je pense que c’est aussi parce que j’habite à Los Angeles, je vais à beaucoup de concerts là bas. Il y a une scène musicale à L.A que j’adore, notamment autour du label Burger Records sur lequel je sors une cassette le mois prochain, ou ce mois-ci d’ailleurs. Et toutes les musiques là-bas sont dans le style punk, psyché… Et je pense que ça a décomplexée un peu de ma musique.

Justement, tu disais que tu n’avais pas vraiment de « chez toi », que tu vivais dans une valise, est-ce qu’aujourd’hui à Los Angeles tu as trouvé un « chez toi » ?

Los Angeles c’est ma maison, mais je n’ai pas de maison. (rires) Là je restais chez une amie à moi avec ma copine parce que normalement je reste chez ma meilleure amie, et je dors dans son lit mais là vu que j’emmenais ma copine à L.A pour la première fois, j’ai dû mettre un truc sur Facebook pour tous mes potes « j’sais pas où dormir, y’a pas quelqu’un qui a une chambre d’ami ? ». Et j’ai eu la maman d’une amie qui m’a dit « ma pote est à Paris en ce moment », je lui ai dit « ah bah elle peut rester chez moi », elle m’a dit « bon bah très bien tu peux avoir ta chambre avec ta copine ». Au final ma meuf est tombée amoureuse de Los Angeles et au bout de deux jours à Paris, elle m’a dit « je rentre pas à Paris, je reste ici, vas faire tes trois semaines de boulot à Paris et rejoins moi après ». Du coup elle est restée là bas et maintenant elle est baby-sitter des enfants de la maison et tout ! (rires)

Et du coup, comment s’est passé l’enregistrement dans la maison de Ross Robinson, ton producteur ?

Super ! C’est la personne que je préfère au monde, c’est mon humain préféré du monde entier, je l’adore à la folie. (sourire)

En plus, il a notamment produit The Cure !

Ouais, quand j’arrive à L.A, c’est la première personne que j’ai envie de voir. C’est la première personne que j’appelle quand je vais pas bien. Il me connait tellement bien, c’est ma famille quoi.

Vous avez une relation fusionnelle ?

Ouais mais c’est pas fusionnel, car j’ai l’impression que le mot entend « passion destructrice » et tout ça mais non, c’est juste que c’est tellement simple.

Vous parlez le même langage…

Ouais, et il n’a pas peur des émotions. Et moi surtout quand j’enrengistre, ça part d’un endroit tellement vulnérable, vital, que parfois je ne sais pas où je vais, je ne me sens pas bien, je pleure et je ne sais plus comment faire les choses, et lui il arrive à accepter les choses de manière tellement évidente que du coup, j’ai pas besoin d’être en confrontation, je vais moins du côté obscur (rires). Car quand je pense que l’on doit être en confrontation en soi, même avec des gens pour qui les émotions ne sont pas très simples, c’est comme s’ils avaient besoin de se battre pour exister. Avec lui pas du tout, c’est très simple, et évident.

C’est co-exister, il t’apporte un apaisement peut-être, tu vois plus clair dans tes idées. Musicalement parlant, il arrive à te guider vers ce que tu veux vraiment.

En tout cas, il me permet de faire ce que je veux vraiment oui. Il y a aucun obstacle, il n’y a pas de « ça prend trop longtemps, non il faut faire ça comme ça… ». Il sait exactement ce que je veux, et il me donne tous les moyens du monde pour le réaliser. Dommage que tous les producteurs ne soient pas comme ça ! (rires)

Est ce qu’il y a des albums qui ont été catalyseurs pour toi, dans ton amour pour la musique ? Qui t’ont donné envie d’en faire ?

Plein ! (rires) Mais dans mon top ten d’album il y a Television, un groupe que je viens de voir à L.A, ils ont fait leur « reunion » de tous les groupes qui n’ont pas joué depuis mille ans et qui rejoue ensemble. Television Marquee Moon est un album que j’adore, Three Imaginary Boys de The Cure est un album que j’adore… Tous les albums des Smiths, From a Basement on the Hill ou Xo d’ Elliott Smith, If you’re feeling sinister de Belle and Sebastian. Là récemment, une fille que j’adore qui s’appelle Angel Oslen, je l’adore à la folie, elle vient juste de m’écrire sur Instagram en voulant être pote avec moi. Et quand on a reçu ce message directement avec ma copine, on était « ah putain ! » (sic). C’est la nana qu’on écoute tout le temps tout le temps ! Et donc on va faire de la musique ensemble et elle a écrit une chanson pour toutes les deux qu’on va enregistrer dans peu de temps. C’est mon rêve de collaboration… Et Slowdive. Souvlaki c’est l’un de mes albums préférés au monde.

Comment composes-tu et écris-tu tes chansons ? Est ce un travail de longue haleine ?

Pas du tout, non. J’y pense même pas en fait, je me dis jamais « ah il faut que j’écrive une chanson ! ». En général, c’est quand j’ai vécu pleins de trucs bizarres, qui m’inspirent. Ou quand quelqu’un vient me dire un truc et en deux secondes je reprends ce qu’il vient de dire et j’en fais une mélodie et après je me dis « ah ça ferait une chanson trop bien ! » et j’écris direct en cinq minutes. Mais souvent, soit je me pose avec mon orgue ou ma basse et j’écris en deux secondes ou alors ça ne marche pas c’est que ce n’est pas le bon moment ou parfois j’écris tellement de notes partout, parfois je me dis que « ça, ça ferait une bonne chanson » et même sans instrument je peux écrire tout direct. Parfois je m’endors, et pile à ce moment là je me réveille et j’ai toute la chanson dans la tête avec tous les arrangements, toutes les mélodies, tous les instruments.

J’ai vu que tu avais des tas de carnets avec des pages remplis de notes, c’est dedans aussi que tu puisses ton inspiration ?

Oui, c’est juste que j’écris tout le temps.

Prends tu autant de plaisir à créer en studio ou est ce que le live te semble être l’ultime aboutissement ?

Non, j’aime les deux. Avant j’aimais pas du tout le studio parce qu’il y avait beaucoup de pression mais maintenant que je travaille avec Ross, c’est beaucoup plus facile.

Dans deux jours tu joues à Berlin, comment gères-tu tes tournées ? J’ai vu notamment que tu avais posté une photo de toi sur Instagram avec en légende « Post Depression Tour ».

Ça c’est pour tous les trucs, quand tu fais quelque chose qui te crée de l’adrénaline tous les jours, quand tu arrêtes, tu deviens addict à une drogue, à ta dose d’adrénaline tous les jours, du coup quand tu arrêtes, tu as comme une espèce de manque d’adrénaline.

De spleen ?

Oui c’est ça. Du coup tous tes organes sont en pagaille quoi, c’est normal.

photo by shelby duncan

Shelby Duncan

Et en général tu as envie de repartir en tournée tout de suite après ou préfères tu plutôt te reposer ?

Non en fait, je fais toujours pleins de choses que j’adore, je suis toujours très occupée, je travaille toujours à fond donc quand c’est pas une chose c’est l’autre. Mais j’adore être en tournée, là j’aurais aimé qu’elle soit plus longtemps mais je ne pouvais pas parce que j’avais un film juste après et que je dois commencer à préparer, donc j’ai que quatre dates. C’est trop bizarre de faire que quatre dates ! (rires)

C’est toujours trop court ! (rires) Est ce que tu as d’autres dates en France pour cet été ?

Une autre date en France, une date en Allemagne, une date à Vienne.

On ne te voit pas assez en France…

Ouais, mais j’habite à L.A et c’est compliqué, ça coûte très cher de venir ici.

Quels sont tes futurs projets au cinéma ?

Là je vais jouer dans un film français, La Danseuse, réalisé par une fille qui s’appelle Stéphanie Di Giusto, et elle est géniale. Ça fait cinq ans qu’elle écrit ce film pour moi et c’est un truc de malade. C’est trois ans de vie en 1900, d’une fille qui s’appelle Loie Fuller, c’est comme un biopic mais uniquement sur trois ans. Et je viens de tourner un autre film avant, que j’ai fini y’a trois semaines qui s’appelle Voir du pays, c’est avec Ariane Labed, on joue les rôles principaux toutes les deux et c’est un film des sœurs Coulin qui avaient réalisés 17 Filles. C’est sur deux meilleurs potes qui s’engagent dans l’armée très tôt qui vont en Afghanistan et qui reviennent de la guerre et qui vont en sas de décompression à Chypre, et qui parlent de leur syndrome de stress-traumatique.

Il t’arrive de continuer d’incarner les personnages même après les tournages ?

Ouais, ça m’affecte vachement. Alors que la musique c’est moi, à 100 %. Je fais tout, je réalise mes vidéos, je fais mes artworks, je produis mes propres tournées parce que j’ai pas de tourneur. C’est beaucoup de pression. Les films c’est moins de pression mais c’est moins d’adrénaline… Je me fais un peu chier sur les films en fait (rires). Ouais, ça dépend des films, mais par exemple sur Augustine, c’était super, y’a pas une minute où je me suis fais chier mais parfois c’est moins stimulant quoi.

Tu fais déjà tes propres clips, est-ce que tu es tentée de réaliser des films ?

Oui, j’ai envie de réaliser des films. J’écris, j’écris… (rires)

On attend ça impatiemment alors ! Tu parles beaucoup d’angoisses, d’abandon et de syndrome de Peter Pan, dans ta musique. Est-ce un processus cathartique pour toi ?

Oui non c’est juste que si j’écris pas, je ne peux plus avancer. J’a besoin de transformer tous mes démons en un truc plus positif pour arriver à passer à autre chose.

Est ce que dans ton enfance, tu avais un monde imaginaire dans lequel tu te réfugiais ?

Pas vraiment, j’étais beaucoup dans la lune, je n’avais pas beaucoup d’amsi, j’étais souvent seule. J’ai cinq frères et sœurs, ils s’entendaient tous très bien, et moi j’étais le vilain petit canard, dans mon coin.

Ton dernier album est baptisé My Dream Dictate My Reality, préfères tu vivre tes rêves ou rêver ta vie ?

J’essaye de vivre mes rêves tous les jours (rires), j’essaye vraiment faire que chaque jour soit assez incroyable.

Le dernier rêve dont tu t’en souviens ?

C’était tout à l’heure, je faisais une sieste, et je rêvais que j’étais en soundcheck, et que rien ne se passait bien. D’un seul coup je me suis réveillée en entendant ma ligne de basse que ma bassiste était entrain de jouer et j’étais genre « ah putain c’est vrai j’ai un concert ce soir ah faut que j’aille faire mon soundcheck ! ». (rires)

Est ce qu’il y a un film qui t’a particulièrement marqué ?

Ouais, Ponette, de Jacques Doillon, qui est un peu ma vie. (rires)

Et une chanson ?

Hum… j’adore Unlovable des Smiths.

Tu es un peu une icône, comment gères-tu ta vie de « It Girl » ?

Ah mais j’ai pas du tout l’impression d’être une « It Girl ».

Peut être que tu l’es sans le savoir ?

Pour moi les « It Girl », c’est les « Filles de » qui ont beaucoup d’argent qui ne font que sortir, et qui ne font que se montrer. Moi je sors pas de chez moi, je fais que travailler et je ne vais pas dans des soirées. Pour moi ça n’a rien à avoir. Non mais c’est marrant, avec ma copine quand on a commencé à être ensemble, elle pensait, pareil, que je sortais tout le temps etc. Moi je n’arrêtais pas de lui dire « mais non tu vas voir très vite, je suis une mamie ! » (rires). Au bout d’un mois quand des gens qu’on ne connaissait pas nous demandaient si on sortait tout le temps, elle leur a dit « no, she’s a grandma. » (rires). En fait, je sors que si j’ai des concerts, ou si je suis DJ, ou si je suis payée pour le faire quoi !

Ouais tu es plus cocooning, tasses de thé et cinoches ?

Ouais, je bois pas donc je vais pas dans des bars.

Pourtant quand on regarde ton compte Instagram, tu donnes l’impression de faire milles choses à la fois !

Mais je fais mille choses à la fois ! (rires)

Tu dors quand même ?

Pas trop. (sourire) Mais il n’empêche que ma vie, c’est pas de faire party-girl. Je me réveille tôt, je travaille tôt…

Est ce qu’il y a des artistes avec qui tu aimerais collaborer, mise à part The Cure ?

J’ai déjà pas mal collaboré avec les gens avec lesquels je voulais travailler dont Ariel Pink, ou Anton Newcombe de The Brian Jonestown Massacre. J’ai une chanson sur leur dernier album, et là Angel Olsen c’est vraiment la meuf avec qui je rêvais de bosser. Et je sais pas… Mac Demarco. Tous les gens avec qui j’ai envie de bosser, je les approche plutôt facilement, et il y a un groupe de L.A que j’adore qui s’appelle The Memories, je viens d’enregistrer une chanson avec eux. Il y a aussi un pote de L.A pour pour qui je viens d’écrire une chanson pour son prochain album, il s’appelle Axel Lauren Ruffman. Je suis hyper ouverte aux collaborations mais je suis pas du genre à dire « Ah j’ai envie de collaborer avec machin », c’est juste que j’ai envie de faire de la musique avec mes potes.

Est ce que tu as envie de collaborer à nouveau avec Ariel Pink ?

Non, pas du tout, plus jamais. (sourire)

Plus jamais ? Parce que c’est une personne détestable ? Pourtant musicalement, vous vous entendez bien.

Oui musicalement on fait des trucs géniaux ensemble mais il m’a fait trop de faux plans, peut-être si un jour, s’il arrête de prendre des drogues, on pourra s’entendre.

Oui, il a l’air d’être assez perché comme garçon.

Si un jour il arrête de se droguer, qu’il me rembourse les cinq milles euros qu’il me doit et qu’il s’excuse pour tous les faux plans qu’il m’a fait… peut-être. Comme je fais pas tout ça, j’ai un peu de mal avec les gens toxiques comme ça, ça ne m’attire pas du tout.

"Ethique est esthétique." Paul Vecchiali

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