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Polo & Pan – « On a toujours voulu faire des choses différentes, c’est ce qui nous ressemble »

À l’occasion du festival Vie Sauvage, Polo & Pan ont accepté de répondre à quelques questions avant de monter sur scène. L’occasion de parler du live, mais aussi de leur premier album, Caravelle, sorti le 19 mai.

D’où vient votre nom Polo & Pan ?

Alexandre : C’est le métissage entre Polocorp et Peter Pan, qui sont nos deux noms respectifs de DJ.

Comment vous êtes-vous connus ?

Paul : On s’est connus au Baron à Paris où on mixait tous les deux. On fait aussi partie de l’agence Tête d’Affiche où on s’est longtemps croisés, puis on a mixé une fois ensemble. Par la suite on a eu l’idée d’aller en studio et c’est parti de ça. Très rapidement on a fait Rivolta. Mais on a toujours pris notre temps, on se construit petit à petit pour garder cette notion de plaisir et de l’énergie. Le raffinage c’est une grande partie de notre philosophie. On laisse reposer les morceaux puis on revient dessus. On laisse le temps au temps.

Caravelle est votre premier album, ça signifie quoi pour vous ?

Alexandre : C’est un vrai accomplissement parce qu’il y a une vraie narration, un vrai sens du début à la fin. Les EP étaient des entraînements, l’album nous a permis de raconter nos histoires. Il est construit comme un tour de l’univers, en caravelle. Un album est un véritable accouchement.

 

Un accouchement douloureux ? 

Alexandre : Oui, mais ce qui est douloureux est parfois beau aussi.

Paul : On a surtout monté un live pour la première fois grâce à cet album. C’est beaucoup de travail en plus. On vit dans une bulle qui nous protège, on aime vivre en dehors de la réalité et rester des enfants. Là on est à cinq dates par semaines, il faut assurer la promotion… c’est génial mais un album c’est un changement.

Vous avez eu des contraintes pour produire cet album ?

Alexandre : On a des contraintes de l’ordre du numérique plutôt que de la pellicule de film. On a la chance d’avoir notre studio où on peut s’enfermer le temps qu’on veut. On bénéficie du luxe de pouvoir se tromper,  il n’y a pas d’échec. Ce temps passé à créer des nouveautés et à revenir sur des morceaux, c’est ça le luxe. Le studio est une cour de récré pour nous. Le dogme numéro un de Polo & Pan c’est de prendre du plaisir.

“Le dogme n° 1 de Polo & Pan, c’est de prendre du plaisir.”

Paul : L’album s’est fait sur un temps long parce qu’on a ouvert nos projets puis on a tout laissé reposer pendant deux mois avant de les reprendre un par un. Ça nous permet de revenir avec une oreille fraîche. Dans le premier élan il y a 90 % du morceau mais les 10 derniers doivent être perfectionnés pour qu’on ne regrette rien.

© Noémie Villard – Maze

 

Vous avez des influences très variées : Maurice Ravel, Vladimir Cosma, Air et Flavien Berger. Comment vous percevez cela ? 

Paul : Toute leur musique est un peu la même (rires).

Alexandre : Ces influences sont à l’image de notre musique qui part dans plein de directions différentes. On s’est demandés comment trouver une logique dans tout ça et c’est dans le son qu’on a trouvé la réponse. Il nous permet d’aller dans toutes les destinations sonores qu’on désirait. Caravelle en est la “consécration” puisque c’est un assemblage de destinations. Peu importe où tu vas, c’est la manière d’y aller qui compte.

Paul : Dans Caravelle il y a plein de mini-univers différents et la caravelle apparait comme moyen de transport qui relie le tout. Pourtant, le point de départ d’une chanson peut être très différent : un film, un morceau, une idée…

Alexandre : On a surtout un background musical très large parce qu’on a fait de la musique classique quand on était petits, mais aussi du rap français. On a pas mal voyagé, ce qui nous permet de puiser dans des inspirations différentes. On a surtout répondu à tout un tas de fantasmes.

Paul : La question ne s’est jamais posée. On a toujours voulu faire des choses différentes, c’est ce qui nous ressemble.

 

Comment travaillez-vous votre son pour qu’il sorte du lot ?

Alexandre : On a travaillé dans notre laboratoire pour avoir un son très personnalisé et créer des gammes très organiques, même des voix de copains qu’on a transformées en piano. On aime aller chiner les instruments alors qu’il y a beaucoup de producteurs actuellement qui puisent dans des banques de sons ou dans des anthologies. Après on aime travailler la mise en scène cinématographique du son. Notre musique n’est pas conçue comme un set techno classique mais plutôt comme une histoire avec une intro, un élément perturbateur, un dénouement et souvent une fin heureuse.

Vous liez toujours son et image, comme on peut si bien le voir dans le clip du titre Dorothy ?

Paul : Pour ce premier clip on a travaillé avec le réalisateur David Thomaszewski. On a créé la chanson et le texte autour du Magicien d’Oz, puis on a samplé plein de films des années 50 en Technicolor. Ce sont surtout des films fantastiques qu’on aime bien, avec beaucoup de décors, des films qui sont de grosses productions. David a proposé des idées complémentaires par la suite.

Alexandre : Musique et image sont indissociables, mais notre musique peut partir des sens en général, d’une odeur par exemple. Il y a des textes qui te rappellent l’odeur des pins dans le Sud. On adore associer notre musique à des sensations en tout cas. C’est une synesthésie.

Paul : Des morceaux-odeurs, oui. D’ailleurs notre prochain album Chèvrefeuille est basé sur ce concept (rires).

Alexandre : Il y a quelque chose qui m’a beaucoup marqué, ce sont les films en odorama des années 70. Tu regardais le film et un numéro apparaissait. Il fallait alors gratter une pastille sur un papier, puis sentir. John Water avait fait ça (ndlr : Polyester).

Paul : Mais ce rapprochement entre son et image se fait naturellement. On ne fait pas partie d’un courant musical particulier, on a fait notre petit truc à nous.

© Noémie Villard – Maze

 

Vous ne vous identifiez pas à la scène française actuelle ?

Alexandre : Jacques, Flavien Berger, L’impératrice, Bon Entendeur… c’est des gens de notre génération, des copains parfois. Mais aucun n’a le même son, contrairement à époque de la house où ils faisaient les mêmes productions. On fait des choses différentes, tout en se sentant proche de leur musique.

Paul : On se sent proche de leur état d’esprit aussi. C’est des gens avec qui on aime passer du temps. Ils ont des visions très personnelles puisqu’eux mêmes ne se sont pas calqués sur d’autres. Et comme nous, ils synthétisent des sources d’inspiration différentes.

Rédactrice en chef de la rubrique musique et étudiante en master numérique à Bordeaux. Passionnée de musique et de photo.

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