MUSIQUE

ODyL : L’overdose musicale

Après ses débuts avec Ilis, Virginie Nourry alias ODyL nous revient en solo avec un premier EP éponyme, et à travers lequel on retrouve des textes pleins de réalité et qui donnent envie de faire face au monde. Disponible sur les plateformes de téléchargement depuis le 5 mars dernier, il s’est rapidement hissé aux premières places du top Itunes en quelques jours, promettant des jours meilleurs. Artiste pleine de franchise, ODyL (ou Overdose your Life), dont le nom est plus que significatif, revient avec nous sur ce premier EP ainsi que sur ce qu’elle a pu vivre depuis un an.

Maze : Alors que ton premier projet, Ilis prenait de l’ampleur, tu as pris la décision de tout arrêter pour lancer une carrière solo avec ODyL. Depuis un an maintenant tu rodes ce projet, comment cela se passe-t-il ?

ODyL : Avec Ilis, j’avais fait le tour artistiquement et professionnellement. Nous avions monté notre label, produit notre album seuls, et nous n’avions aucun soutien professionnel. Nous ne pouvions donc plus avancer. Je passais tout mon temps à m’occuper de l’organisation, de la production, du label, du booking, et je n’avais plus de temps pour la musique. En décembre 2010 j’ai donc commencé à faire des maquettes pour Odyl, en bossant avec d’autres compositeurs, réalisateurs, ingé-sons, etc… Au fur et à mesure des mois, du travail et des maquettes Odyl est née. Je n’ai aucun regret là-dessus car Odyl me ressemble vraiment, et je suis fière et très heureuse de tout ce que j’ai accompli depuis un an : beaucoup de concerts, un EP sorti début mars et un retour très positif des médias et du public.

Peux-tu revenir un peu sur ton parcours avant les projets musicaux, et sur comment s’est effectué ton entrée dans cet univers ?

J’ai fait des études d’art graphique que j’ai arrêtées pour me consacrer à la musique. J’étais très bonne élève et j’aurai pu faire plein de choses, mais j’avais surement une case en moins, ou en tous cas un truc détraqué à l’intérieur qui a fait que j’avais juste envie d’être une Kurt Cobain. J’ai compris après que je n’aurai jamais son talent, mais par contre que je pouvais bosser et essayer de faire quelque chose de bien, faire passer des émotions. J’ai pas d’enfants, pas de famille, pas d’appart, pas de maison, pas de jardin, pas de taff, pas de chien, juste une guitare et la rage. Pas de plan B, juste un plan A. Je vis de manière déraisonnée. On me dit “tu fonces dans le mur”, et moi je dis “oui, parce que je pense que je vais le briser ce mur”. Peut-être que c’est lui qui me brisera, tant pis, au moins, j’aurai essayé.

Revenons un peu à ton EP. A l’écoute de Rouge à Lèvres, on pressent presque un hymne féministe. Quel message as-tu voulu adresser par ce texte ?

Féministe, si on veut, mais pas seulement. La plupart de mes textes parlent souvent du sentiment de se sentir oppressé par quelqu’un qui abuse d’un pouvoir. Ça parle des hommes sur les femmes, mais pas seulement. Il y a plein de situations où quelqu’un abuse de son pouvoir sur quelqu’un d’autre. Dans Rouge à Lèvres, le texte de base parle d’une femme effectivement qui sort avec un homme marié, et celui-ci du coup veut cacher toute trace d’elle. Au final, la chanson dit avec un rire jaune “bah dommage pour toi, mais moi je laisse des traces”. Le rouge à lèvres est juste la métaphore du fait de laisser une trace plus profonde dans la vie de quelqu’un.

En pleine période électorale tu nous offres un nouveau clip, Pas d’accord. Coïncidence ?

Ce texte là aussi parle des abus du pouvoir. J’avais envie de lui donner un sens un peu contestataire avec un clip qui donnerait plein d’images de choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord, et aussi avec l’espoir qu’il y a dans la chanson quand je dis “j’suis pas d’accord pour croire en rien”.
Donc oui, en pleine période de débats, de sujets un peu haineux durant la campagne, etc, je trouvais ça bien de balancer un “pas d’accord” à ce moment là.

Certains de tes textes expriment d’ailleurs clairement ton ressenti face à la société, les sentiments… Est-ce que l’on retrouve aussi cette rage dans ta manière de vivre au quotidien ?

Je ne sais pas. Je suis quelqu’un de plutôt réservée au quotidien. En même temps, mon quotidien c’est un peu devenu la musique. Je ne supporte pas les injustices. Je ne supporte pas qu’on parle mal à quelqu’un juste parce qu’il a moins de pouvoir ou d’argent qu’un autre. Je supporte pas qu’on me traite comme une merde juste parce que je suis une femme, ou juste parce que j’ai pas une tune. Au final, ouais il y a pas mal de choses qui m’insupportent. J’aimerai pouvoir dire faites l’amour, pas la guerre, mais j’ai l’impression de rencontrer la guerre à chaque coin de rue. J’essaie de mettre tous ces sentiments d’injustice, de rage, de tristesse dans mes chansons plutôt que dans des pétages de plomb au quotidien.

Tes textes dénoncent souvent crûment les choses, ce qui te donne un petit air de Saez ou Noir Désir. Est-ce que des artistes comme eux t’inspirent ?

La comparaison me fait plaisir car effectivement, ce sont des artistes que j’aime et que j’admire. Je suis parfois violente dans mes textes parce que la vie est violente. J’ai voulu mourir 100 fois, à la place j’ai fait 100 chansons. Mais du coup, c’est vrai que mes chansons sentent souvent ça : de l’amertume, de la mélancolie, de la haine, de la rage, du désespoir. J’essaie d’y mettre pourtant à chaque fois une petite dose d’espoir parce qu’après tout, je suis toujours en vie.

J’ai entendu parler de plusieurs collaborations, comment les rencontres se sont-elles passées ?

Avec Thomas Boulard (Luke ndlr) il n’y a pas eu de rencontre au préalable. On m’a proposé des maquettes d’une chanson à lui qui m’a plu. Mon interprétation lui a plu aussi, du coup on a mis la chanson sur le EP : Le Temps. Ensuite, on s’est rencontrés, et suite à ça, il m’a proposé une deuxième chanson qui s’appelle Scalpel, qu’on joue en live et qu’on mettra dans l’album, j’espère.

Il y aurait aussi une collaboration avec Oli de Sat pour les arrangements d’un futur album. Peux-tu nous confirmer l’information ?

Ah non désolée, il n’est pas du tout question de ça !

Crédit Photo : Fix Drums

On t’a dit faire « du rock de fille avec des couilles ». A l’heure actuelle c’est un compliment quand on voit les critiques faites au rock français féminin non ?

Oui, pour moi c’est un compliment en tout cas. Je me suis aussi toujours un peu définie comme ça. J’estime qu’on peut être une fille et avoir autre chose à dire que juste des je t’aime avec des papillons, des histoires de mecs, de rivières, de vêtements, de folk qui pour ma part, me fait juste chier. J’ai su admirer des “nanas qui en ont”, que ce soit une Courtney Love, une Catherine Ringer, une Virginie Despentes, une Shirley Manson. Bref, j’aime les filles qui ouvrent leurs gueules. Celles qui font de la zic, mais les autres aussi qui ne se définissent pas comme “la femme de”,  “la fille de” ou “la sœur de”, mais comme quelqu’un qui construit, qui réfléchit et qui leade.

Depuis plusieurs mois tu assures les premières parties (Ycare, Zaz, Fatal Picards,…) et tu t’es classée sur les premières marches du top Itunes dès la sortie de ton EP. Comment vis-tu ce succès montant ?

Succès ? Je n’appelle pas ça comme ça pour l’instant. Si on voit ma gueule en couverture de magazines, que je fais tous les Zéniths complets, et que je vis de ma musique, j’appellerais ça comme ça !
Pour l’instant, je suis juste contente de tout ce qui se passe, car effectivement, c’est positif. ODyL semble plaire aux gens, aux médias, etc, et de plus en plus. Mais il ne faut pas rêver, je travaille arrache pied, je me bat tout le temps. Il y a des déceptions, des coups durs, des galères, et la pression tous les jours. Je dois lutter contre, me battre pour me motiver, motiver les gens autour de moi, harceler mais pas trop, exister, croire en moi quand plus personne n’y croit, croire en moi même quand je ne m’aime pas.
Je ne vis pas de la musique et j’espère avoir suffisamment fait mes preuves pour pouvoir faire un album. Mais la réalité, c’est que je ne sais même pas si je pourrai en faire un. Quand tu fais ce métier, on te dit de ne dire que des choses positives, parce que t’es là pour “vendre du rêve”. Moi je “donne de la réalité”. Bien sûr, j’ai eu une dose de chance pour être là où je suis. Je suis plus que hyper contente de pouvoir faire des concerts, de jouer devant du monde, de pouvoir vivre tout ce que je vis. Ça, c’est la partie “rêve”. Mais derrière, c’est du boulot. Beaucoup, beaucoup de boulot, de stress, de coups durs. On passe son temps à se casser la gueule et à se relever. Je ne vais pas faire ma pleureuse. J’ai été vendeuse de culottes pendant 8 ans, et je préfère mon quotidien aujourd’hui à celui que j’avais à l’époque. Pourtant, j’ai aucune certitude de ne pas retourner en vendre demain. Je ne vis pas de ma musique et je suis loin du succès, mais je continuerai à me battre pour faire des concerts, car n’importe qui qui me voit sur scène sait que c’est là où j’habite.

On a pu entendre quelques reprises de ta part, et notamment Je n’embrasse pas d’Indochine et Il y a, que tu revendiques bien comme étant du Roussel et non un titre de Vanessa Paradis. Comment expliques-tu ces choix plus pop ?

J’écoute autant de rock, que de pop, que de chanson française. Je suis hyper fan de Renaud, Noir Désir, Bashung et Louise Attaque. J’aime les mots avant tout. En live je reprend un bout de Rape Me (Nirvana ndlr) aussi…

Pour nos lecteurs, peux-tu revenir sur ce que tu as vu, lu ou ce que tu écoutes en ce moment ?

En ce moment j’écoute Blankass, Deportivo, Saez, Lyse, Fun, Gossip, Garbage, Katy Perry
J’ai vu deux fois et beaucoup aimé Polisse, ai pleuré en regardant deux films italiens : Ce que je veux de plus et Encore un baiser… J’ai aussi vu il n’y a pas longtemps Le premier jour du reste de ta vie, que j’aime beaucoup.
J’ai lu King Kong Theory de Virginie Despentes, et relu Mordre au travers. Je suis fan des livres d’Olivier Adam, et je relis régulièrement Le mythe de Sisyphe de Camus, Sartre et La machine infernale de Cocteau. D’ailleurs, j’ai vu le très beau musée Cocteau à Menton. Il parait que l’expo Tim Burton est magnifique à Paname, alors, allons y.
Sinon j’ai vu la mer, et c’est à la fois le plus beau film, le plus beau tableau et la plus belle musique qui soit.

Odyl à la Malterie (Lille), le 12 avril dernier. Crédit Photo : Elise Verger

Vous l’aurez compris, ODyl est une artiste qui en a dans le ventre et n’est pas prête à s’arrêter en si bon chemin. Elle nous le prouve d’ailleurs en se produisant régulièrement sur scène. Scène qui lui permet de se faire connaitre du plus grand nombre. Vous pourrez la retrouver pour une session live gratuite le 11 Juillet aux Francofolies de La Rochelle où elle a été sélectionnée pour jouer. En attendant un album, qui on espère verra le jour, vous pourrez découvrir de nouveaux titres par le biais de ses concerts. Une chose est sûre, c’est qu’elle n’a pas peur d’en “foutre partout” avec ce premier EP qui annonce déjà les couleurs de son caractère.

Mordue de musique, littérature, cinéma et photographie. S'adonne à la musique et à l'écriture à ses heures perdues.

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