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Rencontre avec Isaac Delusion : “Avec Rust & Gold, on voulait brouiller les pistes”

Trois ans après leur premier album éponyme, Isaac Delusion est de retour ce 7 avril avec Rust & Gold. Ce nouvel album marque un cap différent pour le quintet français qui surprend en jouant sur les contrastes. Le chanteur du groupe Loïc Fleury nous a parlé de ces changements.

Dans votre nouvel album, Rust & Gold, la dream pop du premier album est moins présente. C’était important de vous détacher de cette étiquette musicale qu’on collait à Isaac Delusion ?

On avait fait le tour de ce qu’on pouvait faire en terme de musique vaporeuse, plutôt ambiante et légère. On avait besoin de créer quelque chose de plus brut, avec plus de caractère. Aussi par rapport au live, parce qu’on avait commencé à faire des grosses scènes et on avait besoin de donner plus de puissance à notre musique, et peut-être aussi plus de profondeur. On avait envie de traiter dans nos musiques des sujets un peu plus humains, peut-être un peu plus mouvementés, tourmentés. Il y a certains morceaux de l’album qui sont un peu plus noirs. C’est pas du tout la même approche. On a voulu contraster avec le premier album qui est plein de bonnes ondes.

Dans le deuxième, il y a quelque chose d’un peu plus crasseux, plus lo-fi. Il y a une démarche volontaire de brouiller les pistes. On trouvait ça intéressant de rebondir, de proposer quelque chose de différent à notre public pour montrer qu’on n’était pas limité à une seule formule et qu’on était capable de faire d’autres choses et de changer un peu d’univers sonore.

Vous parlez de “brouiller les pistes” et justement cet album est un mélange de styles musicaux bien variés, de la pop au jazz. Ce mélange c’est une autre manière pour qu’on ne vous colle pas de nouveau une étiquette ? 

Avant de faire cet album, on s’est demandé si on voulait faire un peu comme le premier. Et, finalement, on a décidé de faire ce qu’on aimait, car nos goûts musicaux avaient évolué depuis le premier album. Notre musicalité aussi. On a voulu faire quelque chose de plus complet, en gardant le côté accessible. C’est un peu le défi. On s’est amusé à faire un album qu’on avait envie d’entendre et de jouer. On n’a pas cédé à la facilité en disant : “On va faire un album pour plaire aux fans, ne pas prendre de risque et rester dans notre petite niche.” Justement on a pris des risques. Je pense que la musique, c’est prendre des risques. On voulait sortir de notre zone de confort pour ne pas lasser les gens. On est donc allé expérimenter d’autres choses.

Le deuxième album d’Isaac Delusion, Rust & Gold, sorti le vendredi 7 avril 2017.

Vous parlez des thèmes abordés différents : ils sont moins légers ? 

Le thème général du premier album c’était l’enfance, la découverte, la confiance avec quelque chose de très sensoriel et sensuel. Les thèmes traités étaient plutôt positifs. Après il s’est passé beaucoup de choses dans nos vies. On a grandi, on a mûri. On a eu des expériences différentes les uns des autres. Et on avait envie justement de raconter notre histoire, de raconter des choses plus humaines, de parler de nos tourments, de nos hésitations, etc.

Et puis j’aime beaucoup, quand j’écris les paroles, raconter des histoires, inventer des situations et des personnages. Un peu comme un dessinateur pourrait faire un tableau. Décrire une atmosphère avec la musique. On a envie, tout simplement, de faire quelque chose de plus sombre mais en gardant les côtés lumineux, ce qui fait notre identité. C’est pour ça qu’on l’a appelé Rust & Gold, c’est un album de contraste entre deux matières. Ce sont des moments lumineux, par opposition aux moments sombres. C’est un album qui peut être plus humain et terre-à-terre mais qui garde quand même un côté nostalgique et rêveur malgré tout.

Pour composer cet album, vous vous êtes enfermés en autarcie au Point Éphémère. Racontez-nous cette expérience ? 

Pendant un an, on a composé notre album dans un petit studio au Point Ephémère, un tout petit local assez particulier, hyper underground. On a vraiment fait à la débrouille. On a collaboré avec personne, on a fait ça nous même, en s’auto produisant à 100 %. Et du coup, ça a donné ce côté crasseux qu’on voulait et qu’on a su sublimer malgré tout. Ça a été un travail assez compliqué, de longue haleine, pour faire quelque chose d’accessible mais c’est qu’on voulait aussi.

On a composé en autarcie totale, on était vraiment livré à nous-même dans notre petit studio. Ça a été assez difficile sur la longueur. Mais au final on en sort grandi car ça prouve qu’on a été capable de faire ça nous même. Avec un peu d’inventivité et des petits moyens, je pense qu’on peut faire des choses qui sont aussi bien meilleures que des trucs super-produits. C’est une belle leçon je trouve.

Pourquoi ce choix de s’auto-produire ? 

On s’est séparé de pas mal de nos partenaires. Je pense qu’on aurait pu travailler avec certaines personnes pour cet album mais on a eu une grosse phase de doute. Les gens avec qui on travaillait n’ont pas forcément compris notre changement de direction. Du coup, c’est vrai qu’on a perdu pas mal de gens sur la route. Ça nous a encore plus donné envie de faire ça tout seul. On s’est lancé un défi à nous-même. On s’est dit qu’il fallait qu’on soit à la hauteur de ce que les gens attendaient et qu’on avait pas besoin de travailler avec des gens qui nous mettent sur des rails sur lesquels on n’avait pas envie d’aller. On a un peu fait ça de notre côté pour montrer qu’on avait la capacité de faire quelque chose de pertinent et efficace, sans forcément entrer dans la facilité et écouter les gens qui pensent tout connaître de la musique. Le principal c’est d’avoir l’envie et le talent, on peut faire plein de choses avec des petits moyens.

La langue française, c’était aussi pour le challenge ? 

C’est un truc qu’on a fait naturellement. Ça faisait un bout de temps que j’avais envie d’écrire un morceau en français parce que c’est notre langue maternelle et elle se prête beaucoup à la poésie. Il faut savoir l’utiliser. On trouvait ça dommage justement de limiter notre musique à l’anglais. Au final, c’est une “copie” de ce que d’autres ont pu faire en Angleterre et aux Etats-Unis mais mieux que nous, car nous on n’est pas bilingue. J’ai toujours été un peu tiraillé par ça, de me dire que j’exprimais mon art dans une langue que je ne maîtrisais pas complètement. J’ai toujours rêvé de pouvoir en écrire une en français, de parler librement, de pouvoir m’exprimer de façon plus directe et plus simple. C’était plutôt dur car notre musique ne se prête pas beaucoup au français. Mais c’était un défi et je suis content de l’avoir relevé dans cet album. J’étais soulagé de voir que je pouvais aussi réussir à faire de la poésie en français.

Vous expliquez dans une interview que chaque morceau avait été pensé pour la scène. Quel travail particulier de préparation du live avez-vous fait ? 

 On a travaillé sur le côté un peu plus vivant de la musique. Sur le premier album, il y avait quelque chose de plus figé et froid. Le côté électronique était beaucoup plus présent. Sur le deuxième, il y a un vrai jeu qui est beaucoup plus organique. On a une batterie, on a récupéré le batteur d’un autre groupe. Avant, on était avec des boites à rythme. Il y a un côté un peu plus joué, ça s’adapte bien en live. On n’est plus limité à un ordinateur et une boite à rythme, on est vraiment un groupe de live maintenant. La musique peut vivre sur scène comme sur le CD. Il y a une énergie différente.

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