MUSIQUE

Rencontre avec Arthur Beatrice – “On pense toujours à comment s’améliorer”

Arthur Beatrice, le quartet composé d’Ella Girardot, Orlando Leopard et Elliot et Hamish Barnes, nous vient tout droit de Londres. En 2014, ce groupe d’éternels perfectionnistes a conquis la critique et nos oreilles avec un premier album qui délivrait une pop vibrante et maîtrisée. A l’occasion de la sortie de leur deuxième album, Keeping the Peace, nous avons rencontré Ella, Elliot et Hamish avant leur concert intimiste au Badaboum.

Quels enjeux se présentent dans la production d’un deuxième album, après un premier opus très bien accueilli par la critique ?

Ella : Je pense qu’un deuxième album, c’est toujours un challenge. Il y a beaucoup à apprendre du premier album et bien sûr on l’aime beaucoup, mais on veut évoluer, grandir en tant que musicien tout en gardant l’identité du son d’Arthur Beatrice. Donc le challenge, c’était trouver comment faire ça. Dans le premier album, on se cachait un petit peu et pour celui-là on voulait voir les choses en plus grand, être plus honnêtes et ouverts avec nos paroles et même avec nos mélodies.

On a remarqué qu’en effet la production semblait plus conséquente sur cet album, avec des collaborations, notamment ; comment est-ce que vous avez géré tout ça ?  

Ella : Oui, pour notre premier album on était assez isolés donc on bossait juste les uns avec les autres dans une pièce, je pense que ça se ressent sur le disque. Sur celui-ci on voulait travailler avec d’autres personnes, comme le London Contemporary Orchestra. On laisse plus de gens se mêler au projet.

Hamish : En gros on a fait cet album de la même manière que le premier, sauf que pour chaque aspect un peu particulier, on l’a fait avec des gens qui savaient le faire mieux que nous. On s’est ouverts à la collaboration pour obtenir le meilleur son possible, dans un très bon studio.

Elliot : Je pense que le studio joue beaucoup aussi ; quand on a accès à tout cet équipement c’est plus simple de trouver l’inspiration, ça fait une grosse différence.

Vous écrivez vos chansons collectivement. Comment s’est passé le processus d’écriture sur cet album ? Vos textes sont-ils toujours le reflet de vous-mêmes et de vos vies personnelles ?

Elliot : Le processus était un peu le même que sur le premier album. Parfois Ella chante les paroles, et nous on suit au piano et à la guitare, mais je pense que les chansons se forment vraiment une fois qu’on est dans le studio tous ensemble à travailler vers ce qu’on veut comme genre de son.

Hamish : L’expérience personnelle est toujours aussi importante ; certaines chansons sont ouvertement autobiographiques.

Vous pensez avoir atteint une certaine maturité artistique ? Comment vous vous voyez évoluer dans les années à venir ?

Elliot : Le truc avec un album, c’est que dès que tu le finis tu penses déjà à ce que tu feras différemment la prochaine fois. Même si on a à peu près trouvé notre sonorité et qu’on est fiers de ce qu’on a accompli, on pense toujours à comment s’améliorer.

Ella  : Je pense que ça va toujours changer, ça ne va jamais être juste une seule chose. Pour le moment on en est là, mais dans quelques années ça sera sans doute très différent. Je suis juste heureuse qu’on fasse de nouveau des concerts. Pour le moment je me concentre là-dessus (rires).

Votre nom revendique une volonté d’androgynie : est-ce que vous avez envie de dépasser l’idée d’individus sexués ?

Ella : Oui, je pense. J’imagine que je peux dire que je suis féministe dans le sens où je ne pense pas que les femmes et les hommes devraient être traités différemment, et je ne crois pas qu’ils pensent différemment la plupart du temps… Nos chansons s’appliquent indifféremment aux deux genres. Je ne veux pas qu’on me perçoive comme « la fille » dans le groupe. Les autres sont mes meilleurs amis depuis dix ans, je ne vois pas la différence de genre quand je suis avec eux, je ne pense pas qu’elle soit importante, donc j’aimerais maintenir cette idée d’androgynie.

Hamish : Sur cet album, Orlando ne chante pas [Orlando partageait le chant avec Ella sur le premier album mais a préféré abandonner le live pour se concentrer sur la production, ndlr]. On a juste une voix féminine, mais l’idée c’est que n’importe qui puisse écouter l’album et s’identifier.

Au sein d’un groupe, ça n’est pas trop difficile de renoncer parfois à ses volontés personnelles au service d’un idéal commun ?

Elliot : C’est difficile, ouais. Si tu écris une chanson qui te plait vraiment, et que quand tu le montres au groupe leur vision ne correspond pas vraiment à la tienne, il faut accepter que leurs idées viennent modifier celle que tu avais au départ ; c’est compliqué, il faut savoir sacrifier un peu. Au final l’important c’est que tout le monde soit content de la chanson à l’unanimité.

Hamish : On a laissé tomber beaucoup de chansons parce que parfois seulement une partie du groupe les aimait bien, et les autres ne les sentaient pas.

Vous vous disputez parfois ? (rires)

Ella : Oh, oui.

Hamish : Pour moi être en studio, c’est comme être en famille.

Elliot  : Je pense qu’on s’est encore plus disputés sur cet album, parce qu’on sentait qu’il y avait plus gros en jeu et qu’on voulait vraiment voir grand et s’améliorer, donc quand on sentait qu’on bloquait sur quelque chose, c’était pas évident.

Ella : Tout le monde a ses idées sur comment voir grand et s’améliorer, alors ça a pris un moment pour que toutes ces idées se rassemblent.

Quel genre d’énergie voulez-vous développer en live, est-ce qu’il y a une vraie envie chez vous de faire danser les gens, de faire de la pop ?

Ella : J’y ai beaucoup pensé récemment parce qu’avant je me cachais derrière mon piano, et ça freinait un peu la performance live. Cet album est plus dansant, plus ambitieux en termes de production et ça m’a donné plus de place pour vraiment penser la performance, et même danser un peu sur scène. Je ne suis pas une danseuse, mais je pense que c’est important de concilier le chant et la présence scénique.

Elliot : C’est toujours important dans notre musique, on essaie toujours de s’assurer qu’il y a du groove, et avec cet album on voulait faire quelque chose de plus libre, plus fun.

Oui, on sent une certaine libération sur cet album.

Hamish : Oui voilà, c’est exactement ça.

Malgré l’aura de mystère que vous cultivez depuis vos débuts, vous avez un blog et êtes assez présents sur les réseaux sociaux, c’est important pour vous, cette présence en ligne ?

Ella : Oui, je pense que c’est essentiel : plus de gens écoutent notre musique via internet qu’à la radio. C’est un médium que tout le monde utilise, surtout pour la musique, et ça permet de toucher des gens partout dans le monde ; récemment on a reçu pas mal de messages du Brésil, par exemple.

Hamish : C’est essentiel d’avoir ce genre d’échange avec ceux qui nous écoutent.

Keeping The Peace, le nouvel album d’Arthur Beatrice, sort le 27 mai.

Etudiante en cinéma à la Sorbonne Nouvelle, passionnée d'art et de culture, et aimant en parler.

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