MUSIQUE

Le Chien de l’Allée des Valseurs

Peu de groupes ont le courage d’admettre qu’ils ne se destinaient pas à la musique. Mais en général, ce sont ces mêmes ensembles qui forment les meilleurs crus. The Ballroom Thieves est très certainement l’étoile montante de la folk américaine de ces prochaines années.

Martin, Devin et Calin (Riri, Fifi et Loulou) sont amis depuis toujours, ou presque. Ils n’avaient jamais réellement pensé à la musique mais le hasard a fait qu’un soir, une guitare, un djiembé et une voix se sont retrouvés dans une chambre de dortoir de l’université de Boston. L’étincelle n’est pas venue directement, ils n’ont pas été parfaits dès la première tentative. Mais à force de soirées entre potes entrecoupées de sessions de jam, les trois acolytes ont fini par trouver un équilibre entre la voix surpuissante de Martin, les percussions originales de Devin et le violoncelle inattendu de Calin. Du dortoir, les trois comparses sont rapidement passés aux bars et aux scènes ouvertes. La création officielle du groupe remonte à 2011, le commencement pour eux.

Le premier album, A Wolf In The Doorway nous a été livré quatre ans plus tard. Annonçant le printemps, chaque chanson est une ode aux beaux jours et à la joie que procure la vie à ceux qui prennent la peine d’en profiter. La plupart des titres peuvent facilement devenir des hymnes épicuriens intemporels. Tout est célébré, la place de l’homme sur cette Terre, la beauté de la nature, la joie que procure l’amour, les légendes anciennes des campagnes américaines. Tout y passe et c’est un vrai bonheur. A l’heure où la morosité gagne facilement les masses, The Ballroom Thieves insuffle dans nos coeurs un parfum de bonheur dont on ne voudrait jamais se séparer.

Globalement, toutes les chansons sont plaisantes et agréables, cependant plusieurs titres sont à retenir dans cet opus. Il y a tout d’abord l’excellent Oars To The Sea, qui résulte d’une surprenante combinaison des genres. Les voix des trois membres du groupe s’accordent sur des harmonies basiques construites sur des tierces, il semblerait donc que le morceau se revendique folk. Pourtant, à la place d’une guitare acoustique, Martin Earley utilise une guitare électrique qui donne une dimension rock à ce rythme entêtant. Plus les minutes avancent et plus la puissance vocale et musicale augmente, si bien que certaines notes finissent par être hurlées par le chanteur, habité par ses paroles.

On retiendra également The Loneliness Waltz. Il s’agit du titre le plus calme et le plus doux du disque, le plus intimiste également. Le parolier nous livre avec une tendresse infinie sa version de la solitude. Elle ne sonne pas mal, il ne semble pas triste. Au contraire, sa valse de la solitude donne l’impression qu’il s’envole à chaque pas et qu’il profite de son voyage en solitaire pour faire le point sur ce qu’il ressent. Le tout est chanté sur une guitare folk épousant sans encombre les courbes de la voix des trois chanteurs. Peu à peu, le violoncelle et le tambourin viennent ajouter une touche de magie au chant. Le tout se termine délicatement, sans instrument, dans un coin de paradis. Il est impossible de faire quoi que ce soit après avoir écouté cette chanson. Nos corps ne répondent plus, seules nos âmes sont guidées par la candeur d’un chant aussi mélodieux, nous entrons naturellement dans la léthargie du Bonheur.

En conclusion cet album, dont la pochette annonce déjà un univers céleste où lune et soleil se côtoient sans problème, est très certainement l’un des meilleurs que le mois d’avril ait déposé dans nos pavillons. The Ballroom Thieves gagne à être connu et nous serions heureux de les voir débarquer en Europe pour qu’ils puissent démontrer toute l’étendue de leur talent scénique. Il ne serait pas légitime de douter de leurs capacités, la version enregistrée étant déjà une réussite sans nom. Nos régions ont besoin de leur délicatesse et des multiples facettes de leur style. Le groupe n’a pas à se sentir inférieur face à des collectifs tels que The Great Lake Swimmers ou The Head And The Heart, avec qui ils partagent des inspirations évidentes. Les jeunes valseurs sont en bonnes voie pour acquérir le même succès que leurs pères spirituels.

Directrice de la communication, tout droit venue de Belgique pour vous servir. Passionnée de lecture, d'écriture, de photographie et de musique classique.

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