MUSIQUE

Rencontre avec Kid Wise : “On voulait faire un album plus mature avec une couleur propre”

Photo : Maeva Benedittini


Un an et demi après L’Innocence, Kid Wise dévoilera dans quelques semaines son deuxième album, Les Vivants. Le chanteur du groupe toulousain, Augustin Charnet, nous a raconté la naissance de cet album qui sortira le 10 février.

Depuis L’Innocence, qu’est ce qui a changé chez Kid Wise ?

Sur le plan humain, tout se passe très bien. On a encore plus appris à se connaître avec la tournée. De toute façon, on est tout le temps ensemble, au quotidien, que ce soit pour travailler ou simplement passer des moments ensemble entre potes. La force du groupe, c’est qu’on est tout sauf des collègues de travail. On est vraiment des amis avant tout qui ont cette intention-là de faire de la musique ensemble. On était déjà très proches mais on s’est encore plus soudés, ce qui a renforcé l’identité de groupe.

Musicalement, on a beaucoup réfléchi au début de la composition du deuxième album qui est arrivé très vite après la sortie du premier album, au printemps 2015. On a commencé à composer l’été qui a suivi, en faisant un grand travail collectif où on composait tous. On faisait beaucoup de jam. On a essayé ça pendant quelques mois mais on s’est rendu compte que ça ne menait pas à quelque chose de satisfaisant pour nous. On reprenait la même idée que pour le premier album c’est à dire qu’on était en train de faire un album collaboratif. Nous on souhaitait faire un album plus mature que le premier, un peu moins éparpillé, qui aurait plus une couleur propre. On voulait qu’il y ait une trame plutôt que quelques pièces rapportées. On a essayé de faire quelque chose de beaucoup plus cohérent. On a beaucoup réfléchi sur comment réussir à trouver une esthétique.  En novembre 2015, les gars m’ont laissé encore plus de liberté dans la composition. Ça a été un élément déclencheur. Je me suis mis à composer beaucoup de morceaux. On s’est dit que moi, je composerai le noyau et eux, tous les arrangements. On a fait quelques morceaux en improvisation ensemble.

Il y a eu pas mal de réflexion musicale : comment composer, comment retrouver notre esthétique tout ensemble. L’album s’est composé très rapidement, sur trois ou quatre mois.

Vous parlez d’album de la maturité. Est-ce que dans l’écriture des textes, cette maturité s’est aussi faite ressentir ?

En effet, j’ai été plus pointilleux, j’ai beaucoup plus travailler les paroles. J’ai mis plus de temps à les composer. Je compose toujours en improvisation. C’est presque toujours en piano-voix, parfois en guitare-voix. Du coup, musicalement, l’harmonie que j’envoie à la base est toujours une impro. Les paroles c’est pareil. Je chante ce qui me passe par la tête en fonction de l’harmonie que je suis en train de jouer. Ça forme du yaourt mais il en sort des mots qui existent, soit en anglais soit en français, des mots concrets qui pour moi vont être l’essence du morceau. Je les considère comme purs et vierges de toute réflexion préalable, puisque c’est de l’improvisation.

A partir de là j’ai une base, puis je mets à composer les paroles. J’essaye vraiment de trouver les mots justes. Je me posais beaucoup moins de questions sur le premier album et finalement, il y a des paroles aujourd’hui, que j’aime beaucoup moins. Là, j’ai essayé à chaque fois de chercher la phrase juste, le mot juste qui avait à la fois beaucoup de sens pour moi et une musicalité qui me plaisait, une rythmicité qui me plaisait. Donc oui, j’ai cherché à plus travailler les textes et je pense que ça se ressent dans les textes en français.

Justement, il y a plus de textes en français que dans le premier album. En quoi, à un moment donné, vous vous êtes dit que tel ou tel refrain devait être en français ?

C’est quelque chose de très instinctif. Comme je disais, je compose en impro donc y a des moments où c’est évident pour moi que ça doit être en français. Ça peut être aussi évident pour un peintre que ça va être telle couleur et pas une autre. C’est de l’ordre de l’inconscient, un peu une volonté extérieure. Mais du coup, sur des morceaux, j’ai ressenti le besoin d’écrire en français. Loin de l’autre, par exemple, c’est une base que j’avais faite en guitare-voix, et le premier couplet, c’est quasiment le même que j’avais chanté sur le moment, en impro.

Il y a juste Hold On qui, à la base, était en anglais. Les autres m’ont dit que ça serait bien de la faire passer en français. On avait jamais essayé de faire un morceau court en français. C’est toujours des morceaux longs, comme l’Innocence ou Miroir, dans le premier album. Là, sur un morceau court, c’était une façon d’être plus direct. Je me suis rendu compte que le français, c’était la manière la plus directe pour parler avec des Français. Finalement, on est assez nul en langue en France, on reste très ancré sur notre langue. Pour Hold On, c’est donc la seule fois où je me suis mis à la tâche après. J’aime bien le côté hybride français/anglais. Il n’y a pas grand monde qui en fait. Sauf Christine and the Queens ou François and the Atlas Moutain par exemple. Je trouve ça assez chouette, c’est très original. J’ai toujours pas écrit de morceau uniquement en français. Ça viendra …

Cet album incarne une vraie trame, pas seulement des morceaux les uns à cotés des autres. Comment avez-vous réussi à créer un ensemble unique ?

Honnêtement, c’est assez amusant comment ça s’est fait parce que ça n’a pas du tout été réfléchi en amont. Il y a eu des compositions assez vieilles que j’ai récupérées, d’autres très récentes. En fait, tout ça ça a été un très heureux hasard. Rien n’a été réfléchi. Je me suis retrouvé avec plein de compositions que j’avais. Et finalement, l’ensemble bout à bout donnait un sens, ça sonnait bien. Ça peut paraître assez dingue mais on a pas du tout réfléchi à ça. C’est vraiment dû au hasard, mais je pense que le hasard en musique, c’est 99 % du travail du finalement. Au fur et à mesure des compositions, je les mettais ensemble et je voyais l’album se dessiner. C’était très imperfectible, très flou. Et puis du coup, on a avancé au fur et à mesure, on a travaillé sur le visuel avec cette esthétique du corps suspendu qui serait entre deux mondes. Est-ce qu’il est en train de tomber, de flotter ou au contraire il est au Cieux. L’idée des Vivants est né, puis l’idée de séparer l’album en deux parties avec le monde des vivants au début, le passage au milieu puis le monde des morts. Tout ça c’était vraiment petit à petit. Et c’était marrant de voir de manière très inconsciente un album se dessiner sous nos yeux au fur et à mesure des compos.

Sur cet album, on sent que vous avez pris plus de risques dans la composition. Est-ce que vous avez beaucoup travaillé à renouveler votre identité ?

On n’a pas forcément chercher à se renouveler, à le faire consciemment. On a juste grandi. On écoute des trucs nouveaux aujourd’hui qu’on n’écoutait pas il y a trois ans. Le fait qu’on est tous des side projects (After Marianne, Bruit …) nous a aussi beaucoup aidé. Avant, on avait vraiment que Kid Wise donc il y avait beaucoup de choses qu’on se permettait pas de faire. On avait pas mal de compos où on se disait que c’était trop extrême, qu’on pouvait pas faire ça pour Kid Wise. Au final, on savait pas trop ce qu’était Kid Wise non plus.

Avec nos autres projets musicaux, on a pris du recul sur la base. Ils nous permettent d’être hyper épanouis sur pleins de plans musicaux et donc du coup d’oser plus de choses sur cet album. Trouver notre patte à nous. Le fait qu’on soit 6, qu’on ait tous grandi … on sait davantage aujourd’hui ce qu’on fait aujourd’hui, notre place au sein du groupe et même des influences. C’est vrai que du coup ça donne des morceaux qui sont tous différents. Et ces morceaux assez variés et divers forment un ensemble.

Pour cet album, vous vous êtes entourés d’Antoine Gaillet (M83, Hyphen Hyphen) pour le mixage. Qu’est ce que ça a apporté à l’album ?

Il a totalement métamorphosé l’album. Quand on cherchait un producteur, on est tombé sur Antoine parce qu’on a vu qu’il avait fait tous les albums de M83 qui est une influence commune, qu’on aime énormément.  On a été assez émerveillé par son travail. C’est un vrai passionné qui se donne à fond. On avait des supers belles prises enregistrées à Toulouse, très propres, mais qui manquait d’un bon mixage pour trouvait une patte. Et Antoine a fait des propositions géniales. Il est vraiment très très talentueux. C’est clairement lui qui a donné cette couleur à l’album. Cette cohérence elle vient aussi de lui, il a enfoncé le clou.

Photo : Maeva Benedittini

Ascension, le dernier morceau de l’album est purement instrumental. On a l’impression que les parties instrus ont encore plus de place que dans le 1er. album Vous aviez envie de donner encore plus la parole aux instruments ?

C’est une facette du groupe qu’on aime beaucoup évidemment. On fait de la pop progressive donc on a des influences qui vont de la pop au rock progressif. La musique instrumentale, c’est quelque chose qu’on aime énormément mais qu’il faut savoir doser car on peut pas se permettre de faire un album que de morceaux instrumentaux. On en a placé un, on aurait pu en placer d’autres mais comme on voulait faire un album plus concis et cohérent que le premier, on a mis qu’une.

Ça permet aussi que chaque Kid Wise ait le morceau qui le représente. On trouvait ça bien de finir par ce morceau-là, d’abord au niveau du sens. On a hésité de le mettre en ouverture d’album, ça marchait bien aussi. Mais comme on avait conclu L’Innocence avec Echo, on a pas voulu faire pareil, mais on aime bien garder cet automatisme.

Sur scène, comment Kid Wise va faire pour garder cette même puissance et énergie ? Des nouveautés ?

On n’a pas encore commencé la tournée pour cet album, ni de résidence d’ailleurs. On a changé le matériel. La disposition ne sera pas pareil. Il y aura encore plus de bordel sur scène. On a beaucoup travaillé sur le choix des instruments qu’on emporte en live. Après, c’est toujours plus rock que sur l’album ce qu’on fait en concert, moins lisse, plus sauvage. On ne sait pas encore ce qu’on va faire. Je pense qu’on va essayer de faire une bonne progression entre tous les morceaux, plus produire le truc pour qu’il y ait moins de silences entre les morceaux, mettre quelques impros.

On a aussi un nouveau backdrop avec la pochette de l’album en immense derrière ça va être assez beau. Il va y avoir des passages plus électro aussi. Globalement, le son sera plus produit en live, le son sera plus travaillé qu’avant parce qu’on a appris à maîtriser ce que chacun apportait. Comme on est six, c’est un dosage assez complexe mais là on est en train d’atteindre le bon équilibre donc je pense qu’on sera encore meilleur en live. Ca sera peut être plus cohérent aussi.

Deux résidences sont prévues. Une pré-résidence, mi-janvier, dans une salle qui s’appelle le Tremplin. Des supers gars qui nous aident beaucoup. La vraie résidence se fera au Métronum à Toulouse.

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