LITTÉRATURE

Écoute la Pluie par Michèle Lesbre

Dans le paysage littéraire des vacances, entre les best-sellers et les dernières parutions des grands auteurs, un petit bijou a fait son apparition sans esbroufes, sans publicité et sans nom racoleur. Ecoute la pluie est le nouveau roman de Michèle Lesbre , auteure mélancolique et pleine de finesse.

Dans ce titre qui d’emblée nous invite à la poésie, le ton est donné, un peu rêveur, et surtout très romantique. L’écriture en effet n’a rien de brute, elle est toute en rondeur, en élégance chuchotée, car ici la réalité est mise entre parenthèse, ou plutôt elle est intérieure, métaphorique, débarrassée de l’âpreté du quotidien. Un moment d’évasion dans lequel on prend plaisir à s’abandonner. L’histoire pourtant est amenée par un événement brusque et terrible, la mort d’un homme devant les yeux de Gisèle, l’héroïne. Ce dernier lui a fait un sourire avant de mourir, elle va être hantée par ce sourire l’espace d’une nuit, l’espace d’un récit. Une réflexion, une errance, dans les souvenirs, dans son imaginaire de femme amoureuse, qui tente de saisir les images précieuses de sa vie. Emmenée  par une écriture poétique, la plume de Michèle Lesbre semble glisser, et donne au livre un coté métaphorique, empreint d’une sorte de gaieté triste.

La narratrice après le drame devient étrangère au monde présent, absente, tout se bouscule soudainement dans sa tête. Son vagabondage dans les rues de Paris, de nuit, de places en soirées mondaines apparaît presque comme une tentative de se sauver de la mort elle même. Gisèle ne comprend plus, face au cynisme des bourgeois parisiens, l’ordre rassurant de la société mondaine lui parait soudain bien vain, dans son banal manque d’humanité. Puis une discussion avec sa meilleure amie malade lui donne l’occasion de comprendre que rien n’est  immuable et qu’il est urgent de vivre, de se rattacher au présent, d’en saisir la part de bonheur. Elle pense alors à son compagnon, cet amoureux qui attend à l’ hôtel, les clichés qu’il a pris … elle se rappelle, ensemble ils ont toujours été prisonniers de l’image, chacun caché derrière l’apparence.

Où est l’essentiel ? Où va t-on dans cette course qu’est la vie ? Cet homme qui vient de mourir cachait-il des trésors invisibles ? En se rappelant de son dernier sourire, en arrêtant le temps pour un hommage, Gisèle compose avec sa propre vie, prend conscience du fait que l’existence est à goûter sans attendre, à savourer en y mettant de la fantaisie, et offre un renouveau au carpe diem.

Le livre puise son succès formel dans la capacité de Michèle Lesbre à nous envelopper de mots intérieurs, de lyrisme retenu, une clarté s’en dégage, un peu timorée. Pourrait-on seulement trouver un peu étrange une telle mesure du style dans un récit sur le désir immédiat de vivre ? Mais il y a une telle beauté sensuelle dans l’écriture, une telle subtilité, que le roman parvient à nous conquérir. Le choix de Marguerite Duras en citation sur la première page d’ailleurs est déjà une esquisse de la poésie du roman et de sa volupté :  “Quand j’écris sur la mer, la tempête,  sur la pluie, sur le beau temps, sur les zones fluviale de la mer, je suis complètement dans l’amour.”. La fin, elle, est une phrase adressée à l’amant, aveu d’un romantisme qui est à réinventer :  …”écoute la pluie…”.

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