LITTÉRATURE

Deux libraires engagées s’installent à Rennes et ouvrent « La nuit des temps »

D’aucuns diront qu’ouvrir une librairie à une époque où les livres sont à portée de clics est un pari osé. D’autres salueront cette belle initiative et pousseront la porte de « La nuit des temps », à Rennes, pour entrer dans l’univers d’Ayla Saura et de Solveig Touzé. Ils y découvriront une librairie généraliste gérée par deux lectrices passionnées et engagées dans les questions liées au féminisme et à l’écologie. À l’occasion de l’ouverture de « La nuit des temps » ce 1er août, nous avons rencontré Ayla Saura pour en savoir plus sur cette nouvelle librairie.

Vous avez travaillé dans des librairies avant d’ouvrir la vôtre. Quelles sont les raisons qui vous ont entraînées dans cette aventure ?

Nous avons effectivement travaillé dans beaucoup de librairies indépendantes, des références pour certaines d’entre elles, mais il y a peu de postes vacants, si nous voulions rester dans l’ouest de la France il fallait créer nos postes ! Nous en parlions en imaginant tout cela dans quelques années, et puis nous nous sommes retrouvées au chômage en même temps, on s’est dit que c’était peut-être le moment ! Nous n’étions pas fixées sur Rennes, mais l’étude de marché que nous avons faite au début du projet nous a incitées à tenter quelque chose dans cette ville où il manquait un intermédiaire entre les grosses structures et les petites librairies spécialisées.

Quelles réactions votre projet a-t-il suscitées et à quelles difficultés avez-vous dû faire face ? Votre âge a-t-il constitué un frein ?

Au tout début nous avons fait tourner un questionnaire sur les réseaux sociaux pour demander aux Rennais si l’ouverture d’une nouvelle librairie les intéressait, on a tout de suite senti un enthousiasme assez fou. Quand on a lancé le financement participatif en juin 2016, nos espérances ont été dépassées et tout cela nous confirmait qu’un public nous attendait.  Aujourd’hui nous sommes toujours surprises par l’engouement des gens sur les réseaux sociaux : notre page Facebook est suivie par plus de 2000 personnes alors que nous n’avons pas encore ouvert !

Les plus grosses difficultés que nous avons rencontrées ont été de trouver le bon local (7 mois se sont écoulés entre le début et la fin de notre recherche) et l’administratif, pour certains papiers nous avons perdu plus de 2 mois. Quant à notre âge je dirais que cela dépend, une seule banque nous a refusé un prêt pour cette raison, mais deux autres l’ont accepté. C’est plus dans l’attitude des gens qui nous prennent un peu pour des lapereaux de deux semaines, il faut savoir insister et montrer notre détermination !

Comment définiriez-vous le métier de libraire ?

C’est un métier trompeur ! Le plupart du temps on fait de la manutention, on porte des cartons, on range des livres… Beaucoup de gens pensent qu’on peut lire sur notre temps de travail (ce serait trop beau !). Mais ça ne me gêne pas que ce métier fasse rêver les gens, on a la chance d’avoir un accès quasi illimité à tous types de livres, on apprend tout le temps, tous les jours, et c’est formidable de conseiller les gens, de les voir revenir heureux du choix qu’ils ont fait. Notre métier est une passerelle, on fait le pont entre les gens, entre les envies, on est des passeurs de culture, on les aide à avoir des armes pour affronter le monde. On touche vraiment à l’intime avec un livre…

Pourquoi vous êtes-vous tournées vers les livres pour faire passer vos idées ?

Je ne sais pas si on s’est tournées vers les livres pour faire passer nos idées ou si nos idées ont trouvé leur chemin à travers les livres… Je pense qu’il y a un peu des deux. Parce qu’on est engagées dans nos vies on a lu sur des sujets qui nous touchent, et de fil en aiguille on a été capables de conseiller les gens, de les orienter…

Votre librairie sera généraliste mais vous souhaitez mettre l’accent sur deux thèmes : le féminisme et l’écologie. Comptez-vous mettre en avant ces deux thèmes par d’autres moyens (blog, lectures publiques, rencontres débats…) ?

Oh oui oui oui, on va mettre en place des rencontres, des lectures, des débats, la librairie va sortir de ses murs pour aller à la rencontre des lecteurs, sur ces thématiques, et sur d’autres !

Virginie Despentes a récemment publié le dernier volume de la trilogie Vernon Subutex. Que pensez-vous de ses livres et notamment de son engagement féministe ?

Pour ma part j’ai beaucoup aimé la trilogie de Vernon Subutex, et King Kong Théorie a été un véritable révélation pour moi. Même si je ne suis pas d’accord avec elle sur tous les sujets j’aime beaucoup sa manière d’aborder les choses, de déculpabiliser les femmes. Son écriture est sans filtre, un vrai coup de poing, et ça me plaît assez !

Si vous deviez orienter le lectorat de Virginie Despentes vers d’autres livres, lesquels choisiriez-vous ?

Oh la la je ne sais pas, ça dépend du sujet, ça dépend si c’est le côté trash de l’écriture qui plaît ou bien le côté féministe. Mais je retrouve cette gouaille très crue chez Sophia Azzeddine qui pourra peut être satisfaire le lectorat de Despentes.

Pourriez-vous nous recommander 5 livres sur le féminisme et 5 livres sur l’écologie ?

Féminisme :
Les sentiments du Prince Charles de Liv Stromquist chez Rackam
King Kong Théorie de Virginie Despentes chez LGF
Le choeur des femmes de Martin Winckler chez Folio
Beauté fatale de Mona Chollet aux éditions de la Découverte
Les monologues du vagin de Eve Ensler chez Denoël
Écologie :
Demain de Cyril Dion chez Actes Sud
J’agis pour demain de Bernard Farinelli chez Rustica
Homo detritus de Baptiste Monsaingeon au Seuil
La centrale d’Elisabeth Filhol chez Folio
Paradis avant liquidation de Julien Blanc-Gras chez LGF

Vous pouvez retrouver « La nuit des temps » sur Facebook et Instagram.


Librairie “La nuit des temps”

10 quai Emile Zola
35000 Rennes

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