LITTÉRATURE

A la découverte du slam : Youness Mernissi

Depuis quelques temps une nouvelle génération d’artistes tente de se démarquer de tout ce que l’on connait déjà. Parmi eux, les poètes des temps modernes, appelés « slameurs ». Ces jeunes gens pratiquent ce que l’on appelle le slam, art contemporain qui consiste à déclamer des textes assez poétiques avec une certaine rythmique. J’ai donc rencontré pour vous le double champion de Belgique de slam, Youness Mernissi. Il a accepté de répondre à quelques questions.

Depuis quand écris-tu ?

J’écris depuis très longtemps. Je me souviens de textes de “rap” que j’écrivais vers l’âge 12 ans. C’était très mauvais, mais les codes étaient respectés. Puis j’ai arrêté d’écrire pendant un ou deux ans et j’ai repris vers l’âge de 18 ou 19 ans. Ce qui coïncide avec mon entrée à l’université. Ironie du sort, en journalisme. Je pense qu’à ce moment-là, j’ai pu laisser derrière moi les fantômes d’une adolescence pas folichonne. Je repartais de zéro et j’étais capable d’avoir un certain recul sur ce qui m’a empêché d’être pleinement ce que je voulais être. Le mal-être, les déceptions amoureuses et le manque de confiance, le fait d’avoir un jumeau, de n’être pas unique et de l’entendre sans cesse. En fait, j’étais mon propre thérapeute et j’étais le plus abordable que je connaisse financièrement parlant.

Qu’est-ce qui t’a fait connaitre cette discipline ?

J’ai découvert le slam par hasard, par le truchement d’une cassette vidéo étiquetée “Slam : documentaire”. Je mettais de l’ordre dans mon grenier et j’ai vidé une caisse de VHS, parmi elle cette K7. Je commence à la visionner et je tombe sur Sonja Sohn, comédienne, qui déclame un texte où ça pue la poésie, mais où elle parle comme dans la vie de tous les jours et je reste bouche bée. Je me dis que je devrais adapter mes textes à cette discipline parce que ça me parlait. Plus que le rap qui avait une visée trop réduite à mon gout.

Pourquoi pratiquer le slam plutôt que le rap ?

Le rap, c’est pour les initiés. Ceux qui connaissent le rap et ses codes. Je voulais toucher tout le monde. Je voulais me donner une chance d’être écouté par le plus grand nombre. Les thèmes que j’aborde ne sont pas non plus les plus communs dans le rap. Autant ils étaient écrits comme on écrit du rap autant je ne pouvais pas m’empêcher de mettre une phrase qui n’entrait pas dans les temps, parce que j’estimais que rythmiquement et au niveau du sens, c’est ce qui convenait le mieux. Coller à une instru, c’est contraignant pour moi. Et je ne suis peut-être juste pas doué pour ça. Le slam, c’est sans musique, sans accessoires, sans instruments. Y a toi et tes mots. Tu te mets à nu. Je peux poser les silences que je veux, imprimer le rythme que je veux. Je suis ma seule contrainte.

Quel lien existe entre le slam et le rap ?

Il n y a pas de lien entre le rap et le slam. Le rap est issu du mouvement hip-hop. Le slam est une tentative de démocratisation de la poésie comme on nous l’a apprise sur les bancs de l’école. L’histoire de cet art a commencé de cette façon : Un monsieur, Marc Smith, participe à des scènes de poésie qui n’attirent pas grand monde par leur côté trop classique. Il décide de créer un événement où tout un chacun pourrait monter sur scène, déclamer, pendant trois minutes (pour ne pas monopoliser le temps de parole), sans artifices. Le slam en est né. Slam signifie claquer. C’est le but initial. Que les mots percutent et qu’on se rappelle de votre prestation.

Qu’est-ce qui te différencie d’autres slameurs ? Qu’est-ce qui t’a rendu champion ?

Ce qui fait que je suis le champion c’est plusieurs éléments. Le premier étant probablement la chance et un certain concours de circonstances. On est jugé par le public. Par cinq personnes prises au hasard qui vous attribuent une note comprise entre 0 et 10. On enlève la note la plus basse et la plus haute puis on obtient une note sur 30. Le plus haut score l’emporte. On est donc dépendant du goût des gens. Je suis tombé sur des personnes qui ont apprécié mon travail. Comme je le disais précédemment, j’écris depuis longtemps. J’ai écumé les scènes avant de créer mon premier spectacle. Je l’ai joué des dizaines de fois. J’ai appris à maitriser mes textes et je n’étais plus dans le par cœur mais dans l’interprétation. J’étais semi-professionnel là où d’autres récitaient encore scolairement. Et puis le choix des sujets. Je parle de moi. Juste de moi parce que je me connais mieux que personne et que je pars du principe que moi, c’est l’autre mais en différent. Je pars de moi, le microcosme et je vais vers l’autre, le macrocosme. Les gens se retrouvent dans ce que je dis, en tout cas je l’espère. Parce que j’ai un seul but quand j’écris : mettre des mots sur mes douleurs ou sur ce qui ne va pas, trouver le mot ou l’image qui me parle et qui va parler aux gens. Et quand ça marche, c’est fort.

Penses-tu à instrumentaliser ton spectacle ? A faire intervenir d’autres arts sur scène ?

Un spectacle de slam, à proprement parler, est inenvisageable (sauf exception). Un gars qui parle pendant 1 heure, ce n’est pas une recette qui marche. Donc, pour Grand Corps Malade (en reprenant son exemple) on a l’idée d’ajouter de la musique. Sauf qu’un gars qui parle sur de la musique, c’est plus du slam, c’est du spoken word, un genre musical à part entière, au même titre que le rock ou le rap. Pour un spectacle, il faut ajouter des supports, vidéos, musicaux, ou autres. Pour garder l’attention du public. Pour le divertir et lui permettre de revenir vers vous. Je peux déclamer pendant qu’un artiste peint sur scène avec moi, j’ai déjà interagi avec une vidéo illustrant mes propos. Tout est faisable, je ne suis fermé à rien.

As-tu déjà reçu des propositions de travail plus conséquent que ton spectacle seul en scène ?

On m’a proposé de partager la scène avec différents artistes, chacun dans sa discipline et j’ai adoré l’expérience parce que le stress est partagé et que la joie l’est également. J’essaie de ne pas me disperser, je sais peut-être écrire mais jouer la comédie c’est autre chose. On m’a proposé des choses mais rien de concret. J’aime cette liberté dont je jouis. Je fais ce que j’ai envie de faire, ça n’a pas de prix.

Quels livres ou auteurs conseillerais-tu ?

Je ne lis plus ou pas beaucoup. Donc je pourrais conseiller les livres habituels de Marc Levy ou Guillaume Musso, mais je n’en ferai rien. J’ai une affection particulière pour Amélie Nothomb. Son écriture est simple et complexe. Elle arrive à traduire en images une phrase. Avec facilité. Ce n’est pas à la portée de tous. Et je pense que je pourrais lire les œuvres de Shakespeare en boucle. Roméo et Juliette ou Hamlet sont mes livres préférés. Je peux relire des phrases dix fois parce qu’elles me subjuguent. Ses métaphores sont implacables et c’est un don rare.

Directrice de la communication, tout droit venue de Belgique pour vous servir. Passionnée de lecture, d'écriture, de photographie et de musique classique.

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