CINÉMA

« Cassandro, the Exotico » — Le catch et sa fable

Portraitiste éprouvée, habituée des festivals et auteure de nombreux courts-métrages, Marie Losier dresse ici le magnifique tableau de Cassandro, célèbre luchador.

Une conversation Skype s’engage, les images manquent, quelques banalités s’échangent puis la présentation débute. Saúl Armendáriz est américain, catcheur de Lucha Libre. Enfin pour compléter cette voix le visage de Cassandro apparaît, auquel succède rapidement une préparation physique nécessaire à tout combat. Aux pommades, fard à joues et collants de lycra répondent les postes de l’équipe technique du film, l’ambition est alors manifeste, il s’agira tout à la fois de traiter du phénomène Cassandro et de celui de la création cinématographique. La figure de Cassandro el Exótico se façonne devant nous, elle arbore son costume — une longue traîne inspirée de Lady di — et endosse un nouveau visage, une nouvelle fonction. Il est néanmoins nécessaire de la quitter temporairement à chaque descente de scène, de l’abandonner sans doute à la prochaine blessure. Dès lors, le film oscillera continuellement entre fictionnalisation de soi et extinction des protecteurs. Le spectateur saisira ainsi le travail en action, cette création de l’objet filmique, du mythe anatomique, entre moments de représentation et retours à l’intime.

Si les images de combat sont nombreuses et impressionnantes par leurs déploiements techniques, le long métrage de Marie Losier touche assurément par le revers personnel et familier ménagé à Saúl Armendáriz. Des opérations résultent la convalescence et nous suivons à travers l’œil de la cinéaste le quotidien du lutteur. C’est lors de ces moments que l’appel au religieux fait pour la première fois une apparition, sous la forme d’une prière précédant un combat, occurrence on ne peut plus banale. Seulement cette convocation du sacré se poursuit et fini par scander le film, nous amenant peu à peu à une association de la représentation sportive, artistique et des cérémonies religieuses. Cette expression n’est à l’évidence pas sans rappeler le théâtre antique, dans ses manifestations grecques et indienne, où chaque moment de la vie humaine se devait d’être rythmé par de telles fêtes mêlant divinités et joueur de toute sorte.

Processus créatif

La force du film réside alors dans le traitement analogue fait au processus créatif, à l’acte de fabulation, porté par la main de Marie Losier, se baissant à chaque refus de Cassandro dans le respect total de son image et de sa parole. Adoptant une pareille scansion l’intrigue nous entraîne au Mexique, à Londres et enfin à Angers, gardant Cassandro en point cardinal de ce spectacle. De ring en ring les exploits du catcheur sont mis en exergue et le spectateur se trouve alors projeté en un raccord vers ce corps et ces coups de maître, suivant en constant recadrage les roulades et envolées de l’athlète. La démonstration de force est totale, séduit en un énième saut. La technique de Cassandro subjugue l’observateur, redoublée par celle de la réalisatrice. En un filage de métaphore, les raccords eux aussi bondissent, se superposent et vivement dessine toute entière le portrait de Saúl Armendáriz, épuisé de son combat.

Le film nous laisse finalement empreints d’une certaine sensation d’irréalité, une silhouette a été esquissée, de cette auscultation des bribes de Cassandro nous sont parvenues, tout en phénomène devant cette caméra, le personnage a été magnifié.

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