CINÉMA

Les Animaux fantastiques – Récidive ou renouveau d’un univers magique ?

Avec déjà plus de 2 millions d’entrées en France, Les Animaux fantastiques marque avec brio le retour d’une des plus impressionnantes, ou du moins, des plus populaires saga fantastique de notre génération. Illustres adorateurs de la saga Harry Potter ou jeunes novices dans l’univers incroyable, conçu de toute pièce par la fabuleuse J. K. Rowling, accrochez-vous, car ce nouveau film est une plongée extraordinaire dans le fantastique.

Le dernier opus, dérivé de la saga Harry Potter, Les Animaux fantastiques, ne nous propose pas seulement un préquel des films précédents, mais une véritable extension du monde des sorciers, en dehors de Poudlard et en dehors même de l’Angleterre puisque l’intrigue prend place de l’autre côté de l’Atlantique, à New York. Le réalisateur de ce film ne nous est pas inconnu puisqu’il s’agit de David Yates, déjà présent pour la réalisation des quatre derniers volets d’Harry Potter. Les Animaux fantastiques marque le premier travail d’écriture scénaristique pour J. K. Rowling qui auparavant, avait écrit les oeuvres originales, les livres, mais en aucun cas les scénarios des films. L’écrivaine s’attaque donc à un travail bien différent de ce qu’elle a l’habitude de faire, en s’inspirant d’un petit ouvrage déjà existant et paru en 2001, Vie et habitat des animaux fantastiques, dans lequel est fait une sorte de classification des animaux magiques par l’auteur et « magizoologiste » Norbert Dragonneau (dans sa version française), personnage principal du film.

L’après Harry Potter 

Comme toute bonne fin de saga qui se respecte, celle d’Harry Potter a du provoquer chez les spectateurs, notamment ceux qui ont grandi en même temps que les protagonistes, une profonde nostalgie accompagnée, certainement, d’une pointe de frustration. Toutefois, comme pour Le Seigneur des Anneaux avec la nouvelle trilogie Bilbo le Hobbit ou pour Star Wars avec dernièrement Le Réveil de la Force et bientôt Rogue One : A Star Wars Story, l’univers d’Harry Potter est lui aussi assez dense pour s’ouvrir à d’autres horizons.

La comparaison entre Les Animaux fantastiques et Harry Potter semble quasiment être un passage obligé. En effet, même si « l’esprit » reste notamment avec les personnages, créatures et lieux magiques le fait est que ce nouveau film n’est pas une reproduction ou une réécriture de son prédécesseur, mais une oeuvre foncièrement différente, qui avance simplement dans un univers magique similaire. La première grande différence réside dans l’idée de lieux nouveaux, les personnages ne sont plus restreints à Poudlard et ses environs. En cela, le film est déjà plus proche de l’esprit des derniers opus d’Harry Potter, plus ouverts sur le monde extérieur, mais également plus sombres et avec des personnages plus matures, qui doivent parfois prendre des décisions profondément adultes et des responsabilités qui les dépassent. Les personnages ici sont donc plus vieux que nos jeunes apprentis sorciers adorés, ont déjà fini leurs études et sont entrés dans une vie active toujours entourée par la magie.

Des personnages : entre l’originalité et l’incohérence. 

Certains personnages du film ne nous sont pas inconnus, puisqu’ils apparaissent par de très brèves références dans Harry Potter. Le personnage principal par exemple, Robert Dragonneau est l’auteur d’un manuel que doivent posséder les élèves de première année à Poudlard. Il s’agit ici d’un jeune magicien, assez loufoque et plus à l’aise auprès des créatures que des humains. Il arrive à New York, seul avec sa mystérieuse valise. D’ailleurs pour les fervents adeptes de la série Doctor Who, une flagrante ressemblance est palpable entre le 11e Docteur et notre cher sorcier : même style vestimentaire, même allure adorablement british, même gestuelle très singulière et comme si cela ne suffisait pas, même « boîte » inexplicablement plus grande à l’intérieur… Toutefois, malgré cette similitude troublante, ces caractéristiques semblent avant tout correspondre parfaitement au personnage interprété par le déjà très charismatique Eddie Redmayne. Il rassemble d’abord un grand nombre de qualités physiques, mais ce qui frappe le plus reste encore son jeu, dont semble jaillir un mélange entre espièglerie, introversion et un profond utopisme.

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Copyright Warner Bros France

Un autre personnage d’importance fait une courte apparition dans Harry Potter, il s’agit du célèbre Gellert Grindelwald – le premier grand méchant de la saga, avant même que Voldemort ne touche une baguette -. Au début du film, est mis en avant la dangerosité de cet énigmatique personnage, d’autant plus que celui-ci est en cavale. Néanmoins, la présence et l’histoire de Grindelwald semble, tout au long du film, relativement peu exploitée et malgré un tour de passe-passe qui le rend finalement très présent sans que le spectateur ne s’en rende compte, aucun passif du personnage n’est révélé et aucune action « terrible » – liée directement à lui – n’a lieu. Toutefois, il semble d’ores et déjà fort probable que ce personnage ait une importance toute particulière dans les prochains films. Cela n’empêche pas pour ce premier volet, une pointe de frustration en ce qui concerne son infime présence et surtout, son inconsistance au sein du film, d’autant plus, assurément, pour les lecteurs ou adorateurs d’Harry Potter qui doivent certainement se poser une multitude de questions à l’égard de ce personnage.

L’amplification de la fascination pour la magie est palpable par le regard émerveillé du personnage qui accompagne Dragonneau lors de ses péripéties, Jacob Kowalski, un moldu voulant ouvrir une boulangerie à New York, croisé au détour d’une folle aventure dans une banque. Les enjeux qui émanent de ce personnages sont multiples. Il amène tout d’abord une touche d’humour, par son incompréhension de l’univers magique dans lequel il évolue peu à peu, aussi bien dans son comportement physique, sa gestuelle – lorsqu’il se fait attaquer par un énorme rhinocéros en rut au beau milieu de Central Park – , que dans certaines de ses surprenantes punchlines. Il semble tout aussi bien fasciné que victime de cette magie, lorsque Dragonneau lui fait découvrir l’intérieur de sa valise, il se rend compte qu’il ne pourrait jamais imaginer ce qu’il y voit, ainsi, il sait qu’il ne rêve pas mais se trouve dans un environnement absolument inédit. Toutefois, la place de ce personnage peut sembler ambiguë puisqu’il apparait presque comme un pion, un personnage qui n’est là que pour montrer au spectateur à quel point la magie est incroyable, et à quel point il est submergé par elle.

Certains liens s’établissent entre les personnages, une forme de romance s’impose au fur et à mesure pour certains d’entre eux. Cette romance n’a pas seulement pour but d’ajouter des histoires d’amour à l’intrigue, mais au contraire la motivation de ces relations semble être de pointer des clivages : entre sorciers et moldus ou encore, entre sorciers européens et américains. Cependant, la construction de ces relations tend à une forme de niaiserie quelque peu paradoxale vis-à-vis d’un univers qui se veut plus sombre et plus mature.

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Copyright Warner Bros France

Véritable renouveau ou fan service ? 

Il est important d’essayer de penser le film en tant qu’oeuvre à part entière et non pas seulement comme appartenant à une saga déjà existante. Pourtant, cette distanciation n’est pas évidente. L’action prend place à New York, dans les années 1920-1930 et plusieurs éléments font écho à cette époque précise : la chasse aux sorcières, l’immigration, la prohibition, l’industrialisation et la modernité avec l’apparition du train, du cinéma, des machines… Toutefois, si ces données permettent d’ancrer la fiction dans un cadre spatio-temporel précis, cela ne semble pas pour autant apporter à l’intrigue un sous-texte ou une critique bien défini.

L’univers du film est comme partagé. D’un côté, nous découvrons une dimension très sombre, avec des scènes profondément intenses, violentes voire terrifiantes. Le travail des couleurs, des lumières au sein du film accentue ce sentiment d’obscurité voire parfois d’enfermement. De l’autre côté, nous retrouvons un aspect enfantin et merveilleux – notamment lors de la découverte des créatures fantastiques – et quelques pointes d’humour.  Toutefois ce décalage entre scènes obscures et scènes d’humour est construit d’une façon assez discordante, il y a un manque de rythme et de cohérence entre ces deux aspects. Cela provoque un côtoiement presque arbitraire entre des scènes aux tonalités très différentes.

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Copyright Warner Bros France

D’ailleurs, plusieurs éléments du film renvoient directement à Harry Pottercomme les journaux au début du film, ou l’utilisation du polynectar – ce qui peut rendre la distance entre cette nouvelle création filmique et son prédécesseur complexe, notamment lorsque l’on connait ou plutôt lorsque l’on est attaché à la saga. Il est donc difficile d’appréhender Les Animaux fantastiques pour lui-même puisque son univers ne nous est pas inconnu, bien au contraire. Néanmoins, nous ne pouvons juger que difficilement l’intrigue ou le potentiel sous-texte du film car, à l’instar d’Harry Potter, sa construction tend à une évolution lors des prochains épisodes et celui-ci apparait alors comme une mise en action, un épisode d’ouverture. De plus, le film reste un honnête divertissement et l’apparition de la magie y est très souvent surprenante et sincèrement épatante.

La création originale de J. K. Rowling, d’un monde magique foisonnant et singulier,  a permis un accès incommensurablement vaste à l’apparition de nombreuses productions. Par exemple, un nombre important de livres et autres produits dérivés ; cette année la pièce de théâtre Harry Potter et l’Enfant maudit, et Les Animaux fantastiques qui ne part que d’une toute petite oeuvre écrite pour finalement s’adapter en cinq films. L’univers merveilleux dans lequel nous sommes à nouveau plongé – et pour notre plus grand plaisir – est un univers qui est loin de s’essouffler et que nous adorons découvrir petit à petit.

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