CINÉMA

« Pour le réconfort » – Des pourris et des hommes

Avec son premier long-métrage soutenu par l’Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion (ACID), Vincent Macaigne signe un film brut et poétique. Une proposition cinématographique libre et unique, portée par ses comédien.ne.s, sur fond de fracture sociale.

Qui a envie de vivre en France “ce beau pays de culture et de verdure”, s’interroge la galerie de personnages de Pour le réconfort. Vincent Macaigne bouscule le spectateur et offre un premier long-métrage singulier dans sa forme qu’il serait idiot de résumer à du bruit et de la fureur.

Issus de la bourgeoisie orléanaise, Pascal et Pauline, un frère et une soeur, reviennent sur les terres familiales qu’ils avaient abandonnées après plusieurs années d’oisiveté à travers le monde. Ils se confrontent à leur amis d’enfance qui à l’inverse n’ont jamais quitté la campagne. Rapatriés par la force des événements, ils retrouvent leur domaine et leurs souvenirs qui semble leur échapper. La lutte peut alors commencer.

© UFO Distribution

A l’image du polyvalent Vincent Macaigne, idole du cinéma d’auteur, le film lutte contre le temps qui passe, l’ennui et la norme. Écrit en symbiose avec les comédiens, monté sur quatre ans, Pour le réconfort est un objet cinématographique en marge, en décalage avec les conventions du cinéma actuel. Des moyens limités, une grande place faite à l’improvisation et une troupe solidaire rendent possible la liberté totale voulue par le réalisateur. Et ça fait du bien.

Poésie frontale et colère froide

Les personnages se retrouvent enfermés de force dans un format d’image carré qui les obligent à cohabiter les uns avec les autres. De par cette frontalité évidente,  l’aspect étouffant de l’ensemble permet aux comédiens de s’emparer de chaque scène.

Frontal dans son esthétique, le film l’est aussi dans son écriture puisqu’il fonctionne sur l’affrontement de trois duos, d’abord pré-établis, puis amenés à se mélanger. Ces derniers créent dans leur oppositions sociales des étincelles qui s’embrasent au fur et à mesure. Ils tentent de communiquer à coup d’insultes et de mépris. Et réunis, ils ne font que provoquer un incendie que l’on sait inéluctable.

Un coup de poing lyrique

Ces éternelles disputes ne trouveront jamais d’aboutissement ni de réconfort puisque celles-ci semble irréconciliables. L’idée d’impasse sociale semble planer sur les personnages comme la croix symbole du père qui pèse sur eux. Ici, on dénigre le passé, on souffre le présent et on supplie le futur. Que la caméra soit placée dans une voiture ou au milieu d’un concert techno, elle capte ce malaise permanent qui oblige le spectateur à faire face aux différentes fractures qui régissent le pays. Ces discours sont parfaitement mis en scène dans des monologues sûrement improvisés. On regrettera seulement quelques redites alourdissant le propos, par exemple la scène d’un inconnu paumé. Comme tout premier passage à l’acte, Pour le Réconfort s’avère parfois fragile et discutable, mais c’est l’essence même de toute rébellion.

Que la caméra soit placée dans une voiture ou au milieu d’un concert techno, elle capte ce malaise permanent qui oblige le spectateur à faire face aux différentes fractures qui régissent le pays.

Or, le texte  qui est à la fois brut et poétique à l’instar des images montrées par le réalisateur est mis en valeur grâce au talent certain de Pascal Révéric, Pauline Lorillard, Emmanuel Matte, Laurent Papot, Joséphine de Meaux et Laure Calamy. Leur cris sont  de puissants chuchotements qui hurlent l’incommunicabilité des êtres. Le calme est parfois plus violent que le vacarme.

 


 

Avec la participation de François Lerbré

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

You may also like

More in CINÉMA