CINÉMA

Le film culte : « Les tontons flingueurs » – Film policier à la française

Chaque mois, la rédaction de Maze revient sur des classiques du cinéma. Après l’incontournable Jetée de Chris Marker place à Georges Lautner et sa bande de truands dans les Tontons Flingueurs.

1963, Georges Lautner n’en est plus à son coup d’essai, mais il s’apprête tout de même à sortir son film culte. Celui qui l’a inscrit dans les cœurs d’un public fidèle qui n’a cessé de le célébrer à travers les années. En 2013, juste avant d’expirer son dernier souffle, il avait déjà pu revoir une dernière fois son film, au cinéma Gaumont de Toulouse pour une séance anniversaire spéciale, aux accents de mythe.

Un film noir 

Ici, le cher Fernand Naudin, interprété par le non moins fameux Lino Ventura, quitte sa petite ville de campagne, Montauban, pour Paris. Au chevet d’un de ses vieux amis, il découvre que celui-ci a décidé de lui léguer ses affaires comme la garde de sa fille. Décidé à rentrer au plus vite, Fernand souhaite tout faire pour se débarrasser de ce lourd héritage composé d’une distillerie, d’un bar et d’une maison close, qui le replonge dans son ancienne vie de gangster. Mais de fil en aiguille les embuscades et tentatives de meurtre répétées poussent Fernand à respecter les volontés de son ami, puisqu’il réalise que les anciens associés du Mexicain essaient de l’évincer.

Adapté de Grisbi or not Grisbi d’Albert Simonin, co-scénariste de l’œuvre, les Tontons Flingueurs reprend les codes du film noir inspiré par l’esthétique expressionniste. Pourtant le côté gangster se dissipe peu à peu sous le voile d’une franche rigolade, suivant un scénario bien ficelé.

Comique et attendrissant

Si le film de Lautner est entouré d’une telle aura, c’est notamment grâce au travail d’orfèvre du père Audiard, Michel de son petit nom, qui y a disséminé des répliques incisives jouant sur les zygomatiques. On ne compte plus les livres y faisant référence ou dédié au sujet.
Des dialogues à l’argot, le film regorge de bijoux linguistiques rendant chaque personnage attachant avec ses spécificités langagière ou bien ses répliques inoubliables. Au sein de ce florilège on a aussi bien droit à l’archétype du méchant allemand à l’humour cynique, qu’à Jean, l’ancien tolard converti en parfait majordome au faux accent anglais à couper au couteau répétant ces « Yes, Sire ! » inlassablement, ou à Pascal première gâchette du Mexicain et son esprit de famille. Il y a également les Volfoni (Bernard Blier et Jean Lefebvre), leur maladresse, leur simplicité d’esprit et leurs scènes inoubliables. Sans oublier le notaire, cet accro à l’argent et son « Touche pas au grisbi, salope ! » dans cette scène de cuisine savoureuse durant laquelle les quatre compères refont le monde après une bonne bouteille de « Vitriole ». S’enchaînent alors les « Y a pas que de la pomme ! » ou encore « J’ai connu une polonaise qui en prenait au petit déjeuner » et autre moment de rigolade délectables.

Si l’on passe d’un Naudin bourru qui assène résolument qu’« on ne devrait jamais quitter Montauban », peu à peu le récit nous fait découvrir un personnage drôle, détaché de son ancienne vie, sensible au bonheur de sa nièce. Ce qui nous rappelle qu’après la guerre, l’amitié n’est pas loin.

Un air de liberté

Les années 1960 sont aussi le reflet d’une France faisant face à diverses réalités, différents styles de vie et à des conflits générationnels saisis avec brio par Michel Magne ayant alors composé un thème Yé-Yé pour le film. Associé à cet air des plus enjoué, Patricia amène une certaine ivresse, folie et légèreté qui charme et traduit une évolution des mœurs. Sans oublier un côté comique, celui de sa relation cachée avec Antoine (Claude Rich), qui a le don d’irriter son tonton. Si dans l’image le noir et blanc apporte et associe le  film à un genre des années 1940, son propos est pourtant celui d’un pays qui se détache de l’austérité de la guerre passée, qui entre dans une période de détente, dans les Trente Glorieuses et qui montre un certain besoin d’insousciance et de liberté. Mais également un besoin d’innover, même si cela n’est pas toujours compris, comme le démontre la relation d’Antoine, compositeur de musique concrète et de Fernand. 

© Gaumont

Une affaire de famille pour un film fédérateur

Les années 1960 battant leur plein, les critiques écrivent des odes à La Nouvelle Vague et ne voient alors que peu d’intérêt dans cette comédie, dévalorisée. Mais les Tontons Flingueurs n’ont pas eu besoin de prix ou de nomination pour s’insérer dans une culture commune et pour rencontrer un succès populaire qui n’a cessé de grandir depuis sa sortie. Juste eu besoin d’un esprit familial, d’une équipe prête à faire du cinéma et à s’amuser ensemble. À être fidèle aussi, puisque Francis Blanche, Bernard Blier, Jean Lefebvre et Lino Ventura, comme Michel Audiard ont collaboré à maintes reprises sur les films de Lautner. Une vision du cinéma bonne enfant appréciée depuis des années, et qui n’a de cesse de s’imprégner dans les mémoires comme l’ont rappelé les hommages faisant suite à la mort du réalisateur ou les scènes détournées dans la culture populaire.

© Gaumont

Un film qui se transmet comme un héritage familial, qui se partage entre générations tant les dialogues en plans fixes fédèrent joies et rire. Se murmurent alors des « Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît » au milieu d’un salon et des souvenirs d’enfance. Parce qu’un film culte c’est aussi ça, intemporel dans le bonheur fédéré. 

En amour avec la diversité artistique, immergée dans les images et les sonorités, en quête d'une fameuse culture hybride, à la croisée des idées. Sur la route et sur les rails, entre la France et les festivals.

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