CINÉMA

Microbe et Gasoil – La route, c’est leur maison

Microbe et Gasoil, c’est le doux souvenir de l’enfance qui manquait à la filmographie de Michel Gondry, dont on sent le regard nostalgique. Les deux jeunes enfants, en marge de leur entourage, décident de construire une voiture pour partir en voyage loin de l’école, de leurs familles. Puisqu’ils n’ont pas obtenu l’homologation du véhicule bricolé à partir d’un moteur de tondeuse, ils le déguisent en maison, problème réglé ! Loin du gros budget hollywoodien du Green Hornet (2011), le succès de cette nouvelle sortie pleine de légéreté et d’émotions est en partie dûe aux deux jeunes comédiens, Ange Dargent et Théophile Baquet.

Suite à la rencontre avec Michel Gondry et les deux personnages principaux en conférence de presse (cf. compte-rendu de l’interview), on comprend comment le film s’est créé dans l’interaction entre les volontés du réalisateur et la personne des deux jeunes acteurs qu’il a choisi. Michel Gondry est l’un des rares réalisateurs a avoir une filmographie aussi variée (différents genres et moyens de production) et on le ressent dans ce film. Microbe et Gasoil est répertorié comme une « comédie » (même s’il ne fait pas que nous faire rire) et il a un certain aspect enfantin dans la douceur de ses personnages principaux, cependant il trouve aussi sa force dans sa capacité à nourrir notre imaginaire d’images nouvelles. Ces images ce sont d’abord celle d’un enfant qui ne se sent pas tout à fait à sa place, les cheveux blonds mi-longs, dont la mère fragile est interprétée par Audrey Tautou. Puis ce sont celles d’un brun aux yeux clairs qui assume entièrement sa marginalité, nouvellement arrivé dans l’école de Microbe, Gasoil déambule dans la cour de récré sur son vélo qui fait des bruits de moteur. Un couple un peu loufoque se met en place, leur relation se trouve renforcée par le fait qu’ils partagent ce même sentiment d’être différents des autres.

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L’humour du film passe tout aussi bien par les dialogues des deux personnages qui donnent parfois naissance à des réflexions charmantes comme lorsque Gasoil donne des conseils à Microbe au sujet de Laura, son amoureuse : « L’amitié c’est la mort de l’amour ». Mais ce sont aussi les images en elles-mêmes qui nous font rire, aussi bien lorsque l’image du tampon usagé sur lequel tombe Microbe dans les toilettes se confond avec le sachet de thé qu’il infuse dans son bol quelques instants plus tard que lorsqu’on voit défilé sur les routes du Morvan la voiture-maison et ses pots de géranium. Au delà du moment agréable que le film nous permet de passer, il laisse aussi le spectateur rêvasser à différentes réflexions sur ce que c’est que de devenir un adulte, sur les possibilités qu’offrent l’union de ces deux jeunes qui « n’aiment rien » de ce que leur époque a à leur offrir, mais aussi sur ce qu’est l’écoulement du temps.

Le temps, c’est bien l’un des sujets du film. Comment parle-t-on de l’enfance lorsqu’on est un adulte ? Et ce voyage que les deux jeunes font de Versailles jusqu’au Morvan, c’est aussi un voyage dans le temps, une forme d’initiation à l’âge adulte qui prend la forme d’un road-trip burlesque. Lorsqu’ils arrivent au bout de ce village, tout ce qu’ils ont connu avant de partir est résolu : la mère de Gasoil est morte, et lorsqu’en rentrant chez lui la mère de Microbe lui dit qu’il a grandi, il répond que non, « c’est tout ce qui est ici qui a rétréci ». Le voyage c’est un moment intemporel, mais qui n’est pas pour autant sans conséquences sur la vie qui se déroule en leur absence, et c’est peut-être aussi ça l’enfance, un moment de suspens pour ceux qui la vivent.

Mettre en scène des personnages qui n’ont pas d’objectifs, c’est récent pour le cinéma, et c’est le signe qu’il se passe des évolutions à l’intérieur de ceux-ci. Le voyage de Microbe et Gasoil est une échappée, un cri de liberté, mais aussi le moment pour eux de se confronter à eux-mêmes et à l’Autre qui est à la fois un sembable et un inconnu. Et si on pense à un moment que le voyage est un moyen pour Microbe de retrouver son amoureuse, on revient assez vite dans une sorte de flou qui fait que l’itinéraire n’a pas d’importance, on fait caca sur le GPS.

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Cela dit, la douceur du film a du mal à trouver un point final, la conclusion de l’aventure de Microbe et Gasoil n’apparaît pas aussi convaincante que son charme globale. Il semblerait que la « trahison » au moment où l’on pense que Microbe va laisser quelqu’un dire du mal de son compagnon de voyage et sa résolution immédiate par un coup de poing dans le nez, pour revenir au happy ending après un court instant de trouble, ne fonctionne pas vraiment. Peut-être que c’est d’ailleurs un problème de temps, ou plutôt de durée, puisque le film se termine à toute vitesse et, alors qu’on avait eu jusque là le temps d’intégrer chaque situation, cette séquence finale peut paraître trop brève pour être signifiante.  

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