CINÉMA

A la poursuite de demain : la vie est belle

Juste avant la déferlante inévitable de suites, remakes, adaptations et reboots de cet été, faisons plutôt une pause salvatrice avec le Tomorrowland, traduit approximativement par A la poursuite de demain, de Brad Bird. Un film sorti timidement par Disney, le studio préférant déverser des dizaines de millions de dollars pour promouvoir des films apparemment inconnus du grand public comme Avengers 2. Pourtant, cette anomalie cinématographique est bien plus excitante qu’il n’y parait.

Brad Bird n’en est pas à son coup d’essai. S’étant formé à l’animation (notamment Les Simpson), il a débuté dans les long-métrages par le mésestimé Le Géant de fer. Il a ensuite rejoint Pixar pour participer à son âge d’or artistique avec l’un des meilleurs films de super-héros existant, Les Indestructibles, puis Ratatouille. A la poursuite de demain est donc son deuxième film live après avoir revitalisé la licence Mission impossible avec son quatrième opus Protocole fantôme. Autant dire qu’il a souvent œuvré au sein de puissants studios mais a toujours sauvegardé son intégrité artistique. Une fois de plus il réitère l’exploit en travaillant au sein de Disney mais avec un esprit créatif plus en accord avec le Walt d’origine.

Disney's TOMORROWLAND Casey (Britt Robertson) Ph: Film Frame ©Disney 2015

Passeport pour Tomorrowland  © 2015 Walt Disney Pictures

Récemment Brad Bird a affirmé : « Je me fais du souci pour une industrie qui ne souhaite investir que dans des concepts déjà vus ». Ceci explique en partie pourquoi il a préféré se concentrer sur A la poursuite de demain plutôt que sur un Star Wars, comme il lui a été proposé. Malgré que ce soit l’adaptation très libre de l’attraction Tomorrowland du parc Disneyland, le film est un pavé d’originalité dans la marre des blockbusters conformistes et même dans l’esprit actuel de la société. A l’heure du réchauffement climatique, des séismes, de la montée des extrémismes, du terrorisme et alors que les films Hollywoodiens se complaisent dans une noirceur de supermarché, ce film fait office d’électrochoc. En effet A la poursuite de demain assume de bout en bout ses personnages, celui de Georges Clooney enfant et de Brittany Robertson vu comme son prolongement, et leurs idéologies. Ils préfèrent favoriser l’optimisme plutôt que le pessimisme (contrairement au personnage incarné par Hugh Laurie) à propos de la vision de notre futur afin de stimuler la créativité et ainsi trouver des solutions à nos problèmes majeurs. Donc plutôt que de reprendre une imagerie sombre et dépressive pour dépeindre notre futur, Brad Bird préfère au contraire un visuel d’une belle naïveté, au sens noble du terme. C’est donc avec cohérence, par exemple, qu’il utilise l’idée d’un jet pack comme symbole d’une vision infantile de notre futur que le cinéma pouvait véhiculer, il y a fort longtemps. Le film nous pousse en tant que spectateur à retrouver notre faculté d’émerveillement comme seule possibilité pour construire un avenir meilleur et ainsi déjouer les prédictions les plus sombres.

Der junge Frank Walker (Thomas Robinson)fliegt durch "Tomorrowland"

Découverte de Tomorrowland : ludique et merveilleux © 2015 Walt Disney Pictures

Pour nous faire retrouver notre âme d’enfant, A la poursuite de demain déploie un impressionnant sens de la créativité toujours plus ludique. On le doit d’abord à un scénario construit intégralement comme un jeu de piste où chaque scène nous révèle de nouveaux éléments, voire des retournements. Mais surtout, le réalisateur multiplie à l’écran les trouvailles purement visuelles qu’on croirait sorties tout droit d’un magasin de farces et attrapes. Il faut voir l’utilisation d’une bombe temporelle ou la scène de l’assaut de la maison, qui sont un condensé jubilatoire d’idées de cartoon. Brad Bird utilise son expérience dans l’animation (surtout chez Pixar) pour mettre en scène les différentes séquences de découverte de Tomorrowland, faites majoritairement de plans-séquences extrêmement ludiques. D’ailleurs la scène de la Tour Eiffel en profite pour complexer le cinéma français face à son incapacité à exploiter lui-même les symboles de sa propre culture. La multitude d’idées scéniques sont soutenues par le sens ahurissant de la chorégraphie et du timing qu’a Brad Bird, ce qui faisait déjà la force de Mission impossible : Protocole fantôme.

Casey (Britt Robertson)

Tomorrowland : frontière de l’infini © 2015 Walt Disney Pictures

Dans notre époque mortifère, A la poursuite de demain est un film précieux tant il redonne au spectateur l’espoir que tout est encore possible, que le changement viendra uniquement du peuple, et non des élites. Alors que la plupart des blockbusters sont noyés dans la nostalgie, Brad Bird nous invite à nous tourner vers l’avenir. Il n’est alors pas innocent de placer des jouets appartenant à une culture populaire comme Star Wars ou la propre filmographie du cinéaste (on aperçoit le Géant de fer et les Indestructibles) dans une boutique appelée « Blast from the Past », que l’on pourrait traduire par souffle, réminiscence du passé. Ce qui appartient au passé reste dans le passé.

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