CINÉMA

Gilles Jacob : interview d’un grand cinéphile

Gilles Jacob, ancien président du festival de Cannes, a accepté de répondre à nos questions et de nous livrer son regard affûté sur le cinéma.

Quelle définition donneriez-vous de la cinéphilie ?

C’est l’amour du cinéma dit de façon non étymologique.

Quelle image de la cinéphilie avez-vous à l’heure de la VOD et du téléchargement ? 

Les nouvelles techniques facilitent l’accession aux classiques et aux films du patrimoine de tous les pays, si nécessaires pour acquérir le goût.

Avec internet tout le monde peut s’improviser critique de films. Pensez-vous que cela peut être bénéfique ?

J’ai toujours pensé que le vrai talent finit par se faire connaitre. Truffaut disait, mais est-ce de lui, la France compte 50 millions de critiques de cinéma.

Est-ce que vous pensez qu’il y a une démocratisation du cinéma aujourd’hui ? 

Depuis ses débuts, le cinématographe a été un art populaire : le ciné. Témoin : le cinéma du samedi soir. Aujourd’hui, séries télé et jeux vidéo lui font la vie dure.

Les smartphones ont révolutionné le cinéma amateur. Quel changement cela a apporté dans le cinéma professionnel ? 

Ça devrait mais ce n’est guère encore le cas sauf peut-être dans certaines écoles de cinéma ou concours de films courts pour smartphones justement.

Vous êtes un grand cinéphile, une sorte de passeur de témoin avec la génération actuelle ; quel héritage du cinéma d’antan devrions-nous garder ? 

Tous les classiques permettant de se rappeler que le cinéma est un art, y compris les grands films d’aujourd’hui qui deviendront les classiques de demain s’ils vieillissent bien.

La transition vers le numérique des années 2000 a-t-elle été marquante pour le cinéma ? 

Le numérique permet, entre autres possibilités, à un film sur Hannibal de montrer des dizaines d’éléphants à bon compte. Ça n’est pas rien.

En tant qu’ancien journaliste, quelles qualités faut-il avoir pour faire un bon critique de films selon vous ? 

La curiosité, le goût, la culture, la probité, l’enthousiasme, la clarté, la rigueur, le style, une certaine générosité, et une dizaine d’autres que j’ai oubliées.

Chabrol disait qu’il ne fallait pas plus de 4h pour apprendre la mise en scène, partagez-vous son opinion ? Quel est alors le rôle d’une école de cinéma ?

Il disait même 2 heures mais il était très doué et il parlait de la technique de la caméra. Il oubliait sciemment les milliers d’heures où il avait observé les grands classiques comme Hitchcock, un de ses maîtres.

Est-ce que l’élite du cinéma français reste dans une création aux méthodes traditionnelles voire classiques, ou se tourne-t-elle plutôt vers une démocratisation du cinéma ? 

Il y a toujours eu des metteurs en scène utilisant la grammaire cinématographique traditionnelle et d’autres tentés par des recherches formelles inédites, disons Carné et Grémillon.

Il y a très peu de jeunes qui réussissent dans le cinéma, on pense par exemple à Xavier Dolan, comment expliquez-vous cela ? 

Je pense qu’il y a encore moins de vieux qui réussissent. Sauf si on est Orson Welles. Il faut un certain temps avant d’être reconnu, temps qui peut coïncider avec celui nécessaire pour acquérir du métier..

Que pensez-vous du cinéphile cinéaste ? 

Du bien si cela correspond à la Nouvelle Vague française ou aux nouveaux cinéastes américains des années 70.

Enfin, vous aviez été visionnaire en comprenant très tôt l’importance qu’aura Godard. Comment imaginez-vous le cinéma dans 20 ans ? 

Il y aura toujours un Godard quelque part. À vous de le découvrir.

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