CINÉMA

Only God Forgives, la première déception de Cannes

Après Drive, Refn est revenu avec Only God Forgives, qu’il a présenté à Cannes. Le film a divisé, a été hué ou acclamé. Maze est aussi divisé et présente donc deux critiques du film.

Ce film est raté, qu’on se le dise. Alors qu’avec Drive on frôlait le chef d’œuvre, ici on frôle le navet. Il n’y a que très peu de points positifs dans ce film. En fait, il n’y en a que deux. Déjà, la superbe photographie. C’est la signature de Refn, et cela est vraiment magnifique, là-dessus il n’y absolument rien à redire. Ensuite, et finalement, les performances des acteurs sont remarquables. Le policier-justicier-psychopathe est fantastique, Kristin Scott Thomas est étonnante et très convaincante dans son rôle de mère autoritaire et psychopathe elle aussi, et évidemment Ryan Gosling livre une fois de plus une remarquable performance car sans parler, tout passe par le regard. Il est très bon, et il n’hésite pas à se faire véritablement frapper pour étinceler un peu plus et éclairer de sa présence ce sombre film.

Mais c’est tout. Le reste est absolument mauvais. Déjà il n’y a qu’un scénario bateau au possible et presque sans intérêt. Il se résume à cela : un homme se fait tuer, sa mère veut que son frère le venge mais son frère ne veut pas vraiment tuer alors qu’en fait, il hésite parce qu’il voudrait vraiment pouvoir plaire à sa mère qui a toujours préféré son frère, mais tuer ce n’est vraiment pas facile, alors le pauvre hésite, ne sait pas quoi faire, et finalement tout le monde se fait tuer. Un peu simpliste. C’est bien sympathique de nous livrer des scénarios basiques, mais s’il n’y a pas d’élément transcendant, un petit quelque chose de fort qui porte le film et saisisse le spectateur, le tout reste indigeste. Le pire est qu’on ne passe même pas un bon moment tant on est consterné par la médiocrité du scénario, on assiste alors à la descente aux enfers du réalisateur et on a l’impression de l’accompagner sur son chemin de croix et de faire le nôtre, tant cela ne présente aucun intérêt.

Que dire des personnages ? Ils n’ont aucune profondeur. En fait, le personnage campé par Ryan Gosling est une incarnation moderne d’Œdipe. Sauf que des fils qui font des complexes d’Œdipe, c’est vu et revu au cinéma et à défaut d’apporter une nuance ou une touche de modernité, c’est sans grand intérêt. La mère tyrannique, légèrement terrifiante avec son côté sexuel parfois exacerbé, n’apporte pas grand-chose de plus à cette palette de personnages insipides. Très simplement parce qu’une mère méchante qui veut voir son fils venger son autre fils n’a rien de très captivant pour un spectateur. Reste alors le policier qui se veut être l’incarnation de la justice, mais étant donné le nombre de personnes qu’il tue, et la manière dont il le fait, il représente aussi et surtout, un psychopathe. Ce n’est pas inintéressant et la confrontation avec Ryan Gosling est ce qui permet au spectateur de ne pas sombrer. Alors voilà, des personnages qui ne sont pas tous autant développés, pas tous aussi complexes, cela laisse une terrible impression d’inachevé, cela donne l’amère sensation d’un film bâclé, la sombre idée de simplicité.

L’ambiance du film est assez insupportable et c’est voulu, parce que le policier est parfois terrifiant, et que certaines scènes sont vraiment dures à supporter. C’est un véritable atout pour le film, parce que de ce côté-là il n’y a rien à dire, sauf que lorsqu’on n’apprécie pas, c’est encore plus lourd. Par exemple ce filtre rouge au début du film que l’on n’en finit pas de voir est assez insupportable à la longue. Mais le plus énervant est de voir que le film essaie lui-même de se justifier avec des plans qui représentent les rêves du personnage principal, qui, pauvre de lui, est terrifié. Mais là encore, ça n’apporte rien. En fait, la question que l’on se pose à la sortie du film c’est « Pourquoi ? » « Pourquoi avoir fait ça ? » « C’est quoi l’intérêt ? ».  Et ce qui est énervant c’est de voir que Drive était vraiment réussi, et que ce qui plaisait dedans ne marche pas du tout ici. Refn veut refaire du Drive, mais ça ne marche pas, ça ne marche plus. Certes, les deux films sont différents, mais ils se ressemblent aussi, ils sont des films d’auteur, sombres, avec peu de dialogues (ici ils sont parfois ridicules), des personnages tourmentés. Il y a une touche de sentiments en plus dans Only God Forgives, mais pourtant ça ne fonctionne pas.

Certains veulent faire croire que le film est plus complexe qu’il n’en a l’air. Mais cela est faux, il tourne en rond et finalement ne livre aucun véritable message, sans pour autant être du pur divertissement. Il n’y a rien de complexe dans l’histoire de ce jeune homme qui doit venger son frère, et les interprétations des pseudos rêves de Gosling mènent à la même conclusion : le film est creux. Il se veut être un film d’auteur indépendant, il n’est qu’un film raté de plus. Sauf que Refn a du talent. Beaucoup de talent. On ne doit pas attendre inlassablement un deuxième Drive, on ne doit pas tenter de faire sans cesse des comparaisons avec son chef d’œuvre, on ne doit pas espérer en vain qu’il fasse un film de la même veine, on doit simplement attendre qu’il mette son talent au service d’un grand film.

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