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Festival Côté Court ou le credo du court-métrage : liberté, créativité !

Du 06 au 16 Juin 2018 à Pantin, le Cinéma 104 ouvrait ses portes à l’incontournable festival de courts-métrages. Cette année, le festival “Côté court” fut porté par des films audacieux, parfois même d’une impertinence assumée. Bienvenue dans les coulisses du festival le plus hétéroclite du format court.

En bref, Côté-Court, c’est 27 éditions, 114 films répartis dans 4 compétitions, presque 80 projections, 4 performances littéraires, 6 réalisateurs réunis lors de discussions autour des enjeux de leur cinéma, et 14 prix décernés. Une addition dont résulte des films pourvus d’une alléchante diversité. Pour cause, depuis 2017, la compétition “nouveaux médias” trouve sa place au sein du festival, mettant à l’honneur des films qui entremêlent des techniques visuelles variées. Le festival confirme cette année encore que le format court n’est pas synonyme de contraintes.

Compétition fiction : florilège d’originalité et relève assurée

La catégorie phare du festival reste la compétition “Fiction” et ses 30 films qui palpitent sur grand écran. Parmi eux, bien des surprises ! Coté Cœur ( 30′) signé Héloise Pelloquet, ouvre le bal avec le thème d’une jeunesse romantique : Faisant impasse aux signes du destin, Maryline tente de séduire Aymeric. Cependant, sous l’influence de Mars, c’est le chemin de Ludovic qu’elle va croiser. Avec ses maladresses, son fort caractère, sa peur des sentiments et son audace pour les affronter, Maryline pourrait bien obtenir le prix du personnage le plus attachant. Toujours en fiction, Le brame du cerf (22′) réalisé par Sylvain Robineau, nous plonge dans un comique de l’absurde. Un enterrement de vie de jeune fille baptisé par une partie de chasse ; des chasseurs “en proie au doute” : contexte idoine pour une maîtrise du rythme et un enchevêtrement de situations incongrues.

Au cours du festival, les films palpitent sur grand écran et se succèdent. Ils sont défendus par des réalisateurs aux profils variés : diplômés de grandes écoles ou autodidactes, étudiants ou professionnels. Ainsi, la programmation fiction aura accueilli le moyen-métrage de Betrand Mandico, Ultra Pulpe (38′). Dans ce film, le traitement à contre-courant de l’image et l’ouverture des frontières du genre, déjà présents dans son long-métrage Les garçons sauvages, confirment l’identité filmique du cinéaste. Aussi, Un homme mon fils (34′), court-métrage présenté par Florent Gouelou, jeune réalisateur diplômé de la Fémis, fit sensation. Sans manichéisme, ce road-movie peuplé de drag-queens confronte Fred et son père sur le ring des des fractures générationnelles. Au fil des retrouvailles, le voile se lève, père et fils se rencontrent enfin. Drôle, sensible et divinement interprété, Un homme mon fils est un film nécessaire.

Panorama riche en genres et en talents

Côté-court, c’est aussi la sélection “panorama”. Dans cette catégorie furent projetés des films témoignant d’une variété de genres (documentaires, fictions, clips) et d’une sélection savoureuse. Enzo (7′), court-métrage en film et en photos, réalisé par Serena Porcher-Carli laisse champ libre à Enzo qui nous livre son quotidien. La norme sociale lui est interdite. Les photos défilent au rythme de son témoignage et des confessions. Des films qui dénoncent et qui témoignent d’une fibre militante, à l’instar de Flexible (23′), de Matthieu Salmon. Dans cette fiction à l’allure de documentaire sociétal, Laure enchaîne les CDD. Ses espoirs décrocher un contrat définitif s’avèrent vains. En parallèle, la durée de ses relations amoureuses rétrécissent au rythme de ses périodes d’emploi. Dans un registre opposé, un moyen-métrage de fiction aura happé notre attention. Coqueluche (47′), signé Aurélien Peyre illustre avec humour et minutie le concept de “seul contre tous”. Dans ce film aux couleurs pastelles, la frivole Laurine rejoint son petit ami en vacances. Elle y rencontre ses proches. Sujette aux moqueries des uns, source de convoitises pour les autres, Laurine fera les frais du tintement de ses escarpins et du reflet de sa robe pailletée.

Leçon de cinéma, par Mathieu Amalric

Le clap de fin est confié à Mathieu Amalric, rencontré après une conversation publique, en compagnie du réalisateur Pierre Salvadori. Lors de cet entretien court et efficace, Mathieu Amalric nous offre une leçon particulière sur l’art du court-métrage.

“Si la vie était bien faite, on devrait commencer comme débutant avec un long-métrage”

Diriez-vous qu’il est plus simple de développer une intrigue de court-métrage que celle d’un long ?

Mathieu Amalric : Non. C’est plus difficile de faire un court-métrage. C’est beaucoup plus difficile. Si la vie était bien faite, on devrait commencer comme débutant avec un long-métrage mais pour des raisons de financement ce n’est pas possible évidemment. Et ensuite arriver à raconter une histoire de manière courte où l’on n’a pas le droit de rater le moindre plan. Tandis que vous pouvez arriver en étant moins en forme un jour lorsque vous faites un long-métrage. Vous pouvez couper la scène, vous pouvez sauver votre vie, mais en court-métrage tu ne peux pas. Un court-métrage, ça demande encore plus d’intensité. C’est beaucoup plus difficile.

Pourriez-vous pitcher votre tout premier court-métrage ?

M.A : Olala… alors mon tout premier il a eu plusieurs titres. Il a fini par s’appeler “Marre de Café” : M.A.R.R.E, “marre” parce que c’était des gens qui se faisaient chier dans les cafés et qui se posaient des questions sur leur destin, “marre de café” tu vois c’était vraiment très fin (ironise). J’ai perdu ce court-métrage. Le laboratoire avait fait faillite donc je ne sais pas où est le négatif et j’avas une cassette VHS que j’ai perdue. Et il s’agissait déjà de filmer une amoureuse, à moi. C’était mons premier film, je ne savais même pas ce qu’était une caméra. C’était la découverte, c’était n’importe quoi. Mais mon premier c’était peut-être”Sans rire“. C’était l’histoire d’un vieil homme qui revenait pour l’enterrement de sa femme. Il l’avait quitté il y a très longtemps. C’est absolument sinistre, c’est un film de vieux. Mais j’ai rajeuni depuis.

“Dans un court-métrage vous pouvez vraiment voir l’âme de la personne.”

Selon vous, le court-métrage est-il au cinéma ce que le haiku est à la poésie ?

M.A : Peut-être oui. C’est vous qui l’avez dit je n’y avais pas pensé, mais il y a de ça. C’est ce qu’il y a de très touchant dans les courts-métrages. Moi je continue à faire des courts-métrages, mais quand on a vu le film de Pierre Salvadori, Ménage, (1992 – 15′) on voit toutes ces obsessions qu’on verra ensuite dans ses films. C’est amusant, mais tout est déjà là. Donc c’est horrible à dire mais dans un court-métrage vous pouvez vraiment voir l’âme de la personne.

Mathieu Amalric aura fait de cette conversation un haïku de l’interview. Côté-court est à présent terminé. Le palmarès ainsi que la carrière festivalière des films sont à découvrir en cliquant sur le lien ci-dessous.

http://www.cotecourt.org/palmares

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