CINÉMA

« La révolution Silencieuse » – Le cri d’une jeunesse rendue muette

Avec son nouveau long-métrage, Lars Kraume nous livre un récit historique, à la fois intelligent et bouleversant, sur l’acte de résistance de lycéens est-allemands en 1956. Comment cette révolution silencieuse a pu se muer en une voix libertaire qui s’élève contre un socialisme aux allures de fascisme ?

Das schweidenge Klassenzimmer, est le titre original du récit autobiographique de Dietrich Garstka mise en image par Lars Kraume.

La Révolution silencieuse, c’est la force audacieuse mais incontrôlée d’une prise de position d’un groupe de lycéens est-allemands qui décident de manifester en classe par une longue minute de silences. Une simple minute de silence qui suffira à bouleverser toute leur année.

Une jeunesse en perdition

Le film questionne les différentes façons de croire en la liberté. C’est rappelons le, sur fond de Guerre froide que s’expriment ces jeunes lycéens. Ceux-ci sont tiraillés entre un héritage historique plus que sombre, et un actuel pouvoir politique en place ne laissant guère de paix à la liberté individuelle.

Nous sommes en 1956, à Berlin-Est, où le nazisme est encore dans toutes les mémoires, et où les communistes qui en ont triomphé, sont au pouvoir.

De plus, les personnages reçoivent ou plutôt subissent l’héritage des actes plus ou moins héroïques de leur père pendant la guerre qui cherchent à reproduire, ou d’une éducation dont ils veulent se détacher. La révolution silencieuse, c’est bien la prise de position d’une jeunesse allemande en perdition entre son passé et son futur.

Car s’il est une scène de l’histoire du cinéma qui a su devenir emblématique de par sa force de conviction et son souffle de jeunesse, c’est bien celle de ces étudiants debout sur une table se ralliant sous une même voix pour scander un « Ô Capitaine ! Mon Capitaine ! ». Si le Cercle des poètes disparus avait su galvaniser le spectateur, et trouver une résonance dans le cœur des jeunes d’hier et d’aujourd’hui, La Révolution silencieuse est un bel écho à ce cri lancé face à l’oppression et l’attaque à la liberté.

Un regard froid sur le socio-communisme d’après guerre

À Stalinstadt, lycée où se mêle l’enseignement scolaire et propagandiste, Lars Kraume révèle une forme de dictature communiste grandissante camouflée à grand coup de « socialisme ».

Les cours s’accompagnent d’entraînements paramilitaires et de levés de drapeaux matinaux, où résonne le mot « amitié ». C’est bien une idéologie qui tend à forcer l’individu à se plier, rentrer dans le rang du collectif, et toujours aussi prompt à l’extraire du groupe pour dénoncer le déviant et sauver sa peau. Le socialisme allemand d’après guerre n’est alors que le nom d’emprunt à l’idéologie soviétique communiste.

Mais bien que finement réalisées et interprétées, les représentations proposées par Lars Kraume n’en sont pas pour autant toujours très subtiles. Comme dans la grande majorité des films historiques de guerres traitant d’Allemagne ou du soviétisme le manichéisme n’est jamais très loin. Les grands méchants d’un côté, et les bons gentils de l’autre. Les représentations flirtent souvent avec la caricature, mais elles restent bien menées et Lars Kraume a su jouer de cette limite, en marchant sur le fil sans jamais tomber, et finalement, l’effet est réussi.

La fureur de vivre

La principale force de La Révolution silencieuse, c’est un casting qui transpire la jeunesse. Ce récit aux allures de teen-movie ose s’affirmer en tant que tel. Les acteurs sont jeunes, ils sont parfaitement taillés pour le rôle (grands blonds-belles gueules), mais ils le tiennent bien.

D’un élan idéaliste propre à la jeunesse, se dégage une énergie, une fougue exaltante. Entre sacrifice, trahison, amour et amitié, la mise en scène reste convenue et les dénouements plutôt prévisibles. Mais subsistes de bons rebondissements inattendus, provoquant intérêt et émotion.

La Révolution silencieuse est une œuvre cinématographique qui sait jouer de ses faiblesses pour les sublimer en qualités. Le casting débordant de jeunesse et les représentations caricaturistes de l’Allemagne en provoque une alchimie, une saveur déjà sentie mais qui nous plaît tant.

Le scénario est simple, mais se pare de détails complexes au fur et à mesure, et d’un sujet historique et idéologique se révèle alors une narration intelligente, qui vibre d’authenticité et d’humanisme du début à la fin.

 

 

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