CINÉMAFestival de Cannes

Cannes 2017 – Visages, Villages : poésie de rencontres

C’est l’histoire d’une rencontre entre deux artistes, Agnès Varda et  JR. Présenté Hors compétition, Visages, Villages rassemble deux habitué•e•s des visages justement mais aussi du questionnement du rapport à l’image. La réalisatrice de la Nouvelle Vague et le photographe le plus en vogue du moment ont décidé de collaborer sur un projet commun et c’est à la fois touchant et drôle.

Quand on associe Agnès Varda et visages on pense directement aux plans sur celui de Cléo dans Cléo de 5 à 7 et c’est ce que nous rappelle JR en voix off en ouverture du film. Quand on pense aux photographies de JR, il nous vient à l’esprit tous ces visages d’inconnu•e•s en grand format collés un peu partout dans le monde. Qui aurait pu prédire que ces deux là créeraient un film ensemble ? Pas nous en tout cas.

Néanmoins, avec les cinquante ans qui les séparent, cette collaboration fonctionne vraiment bien entre celle au regard clair et profond mais qui ne voit pas grand chose et celui qui porte de jour comme de nuit des lunettes noires qu’il refuse d’enlever. Les deux artistes se complètent et c’est émouvant pour le spectateur ou la spectatrice qui en est témoin. À bord de l’original camion photographie de JR qui imprime des photos géantes de photomatons prises au fil des rencontres, ils arpentent la France, des villages du sud, une usine, une ferme, les containers du Havre, etc. Cet étonnant duo improvise et la caméra les suit. Il n’y a pas que leur relation qui émeut mais aussi les différentes personnes qu’ils croisent sur la route, qu’ils filment et photographie. Des bribes de paroles et des accents qui ne sont pas sans rappeler Les Habitants de Raymond Depardon tourné de manière plus poétique. Car Visages, Villages n’est pas seulement un documentaire, mais un petit bijou cinématographique unique en son genre. Le côté légèrement prétentieux que peut avoir JR par moment est atténué par la magnifique innocence d’Agnès Varda. Ce ne sont pas non plus que des images que ces deux-là nous montrent, mais des mots qu’ils nous font entendre. Les jolis jeux de mots d’Agnès enchantent nos oreilles. Ces parties de joutes verbales en voix off entre les deux amis sont véritablement jubilatoire. Ce qui est vraiment charmant dans ce film c’est également la manière qu’il a de se réinventer sans cesse tandis qu’on se laisse porter. La chute  en est un excellent exemple, puisqu’ Agnès Varda veut faire une surprise à JR en l’emmenant rendre visite à Jean-Luc Godard, son vieil ami qu’elle n’a pas vu depuis cinq ans. Mais alors que la cinéaste de la Nouvelle Vague est angoissée par ces retrouvailles qu’elle souhaite parfaites. Jean-Luc Godard décidera de ne pas ouvrir la porte mais à la place de lui laisser un message codé qui fera remonter des souvenirs douloureux. Une scène touchante et un joli twist comme une manière pour Godard de modifier la fin du film. Chez Maze on est vraiment conquis•es et plus encore que par les films déjà vus en compétition, chapeau les artistes !

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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