CINÉMAFestival de Cannes

Cannes 2017 – « 12 jours », un documentaire unique

Pour cette 70ème édition du Festival de Cannes, le photographe et réalisateur Raymond Depardon nous présente son dernier documentaire : 12 jours. Le cinéaste nous emmène avec lui à l’intérieur d’un hospice où on assiste à des entretiens entre des patients enfermés sans leur consentement, et des juges qui évaluent leurs possibles libérations. Un film puissant de plus pour ce maître de la photographie.

Dans Les Habitants (2016), Raymond Depardon promenait sa caméra dans une caravane sur les routes de France. Il partait ainsi à la rencontre des riverains pour les écouter parler. D’un film sur l’ouverture, le cinéaste passe à  un autre sur  un univers cloisonné. Virtuose de la photographie, Raymond Depardon prouve une fois de plus sa maîtrise de l’image.

La construction du film est simple et coutumière pour le réalisateur. Il alterne des plans larges (de nouveau accompagnés de la magnifique musique d’Alexandre Desplat) et des scènes d’entretiens. Le documentaire s’ouvre sur un long plan-séquence, à l’intérieur des couloirs de l’hôpital psychiatrique. Le réalisateur y insuffle un petit air du Shining de Stanley Kubrick et de ses célèbres scènes dans les corridors de l’hôtel.  Plus le film avance et plus ces scènes d’intermèdes entre les entretiens, filent vers la liberté. On passe de l’intérieur, à la cour, pour finir à l’extérieur de l’hospice, sur de superbes plans larges de paysages. Raymond Depardon nous offre  une superbe métaphore du sujet du film  à travers ces images.

Le cinéaste nous montre des scènes uniques et exceptionnelles que l’on aura pas l’occasion de revoir. Il frappe très fort en filmant ainsi ces personnes hospitalisées sous la contrainte qui au bout de 12 jours tentent de défendre ou non leur remise en liberté face à un juge et un avocat patient. Ceux-ci appliquent une procédure obligatoire. Ces femmes et ces hommes ne se rendent pas vraiment compte qu’un film est en jeu et c’est ça qui est vraiment touchant. Certains d’entre eux s’adressent même à la caméra  : « Tu peux zoomer si tu veux » dit l’un ; « Merci pour le café », déclare une autre. Raymond Depardon s’est concentré sur très peu de patients mais fait durer ces entretiens ce qui permet de les comprendre véritablement.

L’humain avant tout

Ils n’ont pas le même âge, pas le même sexe, ont des histoires complètement différents et ne sont pas soignés de la même manière. Il y a celle qui  est consciente qu’elle a besoin d’aide mais qui aimerait seulement voir sa petite fille de temps en temps, celui qui n’arrive toujours pas à admettre qu’il a tué son père et qui agit comme s’il était vivant en affirmant qu’il peut sortir, celle qui accuse ses collègues chez Orange et le milieu professionnel dans lequel elle travaille, etc. Mais tous tentent de retrouver une certaine liberté et leur dignité en ne comprenant pas pourquoi ils ont été attaché alors qu’ils n’ont rien fait. Ces entrevues donnent alors lieu à des conversations très intéressantes sur la déontologie et la folie. À quel moment est-on susceptible d’être patient d’un hospice ? Si je dis que je suis fou, le suis-je ? Si je nie l’être est-ce que je refuse de l’admettre ?

Raymond Depardon confirme une fois de plus qu’il est un grand photographe et réalisateur, et on ne peut que s’incliner.

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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