CINÉMA

Super-héros : où sont les femmes ?

Captain Marvel, Wonderwoman, Black Widow… On connaît quelques super-héroïnes au cinéma. Mais en regardant de plus près, peu d’entre elles possèdent leur propre film. Un problème qui ne date pas de l’ère des blockbusters.

Captain Marvel, le dernier film des studios Marvel, sorti le 6 mars, continue d’exploser les scores au box-office mondial. Et cela peut sembler incroyable mais c’est vrai : le film est le premier-long métrage à mettre en scène une héroïne en tant que personnage principal à dépasser les 700 millions de dollars de recette. Carole Danvers, alias Captain Marvel, dépasse donc ses autres collègues, Wonderwoman ou encore Elektra. Mais cette conquête du box-office entraîne une réflexion : où sont les super-héroïnes au cinéma ? Batman, Spiderman, Iron Man… Tous ont un point commun : ce sont des man. Pour célébrer l’ascension de Captain Marvel, il est temps de faire un point sur la visibilité et la place laissée aux super-héroïnes au cinéma.

Les Comics : base des super-héroïnes ?

En 1939, l’éditeur américain Martin Goodman publie pour la première fois Timely Comics qui deviendra des années plus tard Marvel. Le héros originel, Namor, un Atlante, combat seul mais croisera sur son chemin La Femme Invisible, héroïne des Quatre Fantastiques et, tout au long de l’histoire, cherchera à la séduire. Jane Storm sera la toute première héroïne de l’univers Marvel à avoir une place de premier plan dans les histoires… Sans jamais pouvoir se séparer de ses trois acolytes.

Dans les Comics, elle sont pourtant bien présentes.

Il faudra attendre quelques années, en 1941, pour que DC crée la première héroïne en solitaire : Wonder Woman. Cette princesse des Amazones est toujours aujourd’hui l’une des héroïnes les plus populaires. Max Gaines, éditeur chez All-American Publications (une des trois éditeurs de comics américains qui fusionneront pour créer DC Comics) réunit une équipe de psychologues et d’éducateurs pour contrer les attaques des ligues de vertu contre les comics en créant de nouveaux comics pouvant être des modèles positifs. On doit donc l’origine de cette guerrière à William Moulton Marston, un psychologue américain, qui s’ennuie en ne lisant uniquement des histoires sur des héros masculins et créé sa propre héroïne : Suprema the Wonder Woman. Max Gaines fait alors apparaître la jeune femme dans All Star Comics #8. Enfin ! En 1943, le psychologue déclare dans le magazine américain The American Scholar : « même les filles ne voudront pas être des filles tant que nos archétypes féminins manqueront de force, de vigueur et de puissance. » Il semble que la création de cette super-héroïne ait provoqué pas mal de bruit puisque la publication du comic s’est accompagné d’un communiqué de presse précisant que «  Wonder Woman a été conçue (…) dans le but de promouvoir au sein de la jeunesse un modèle de féminité forte, libre et courageuse, pour lutter contre l’idée que les femmes sont inférieures aux hommes… »

En 1941, dans All Star Comics, Wonder Woman était présentée pour la première fois

C’est officiel, Wonder Woman est une héroïne et elle sait se battre. Les auteurs lui donne des objets bien à elle pour l’aider, comme des bracelets pare-balles et bien entendu son lasso magique. Avec son entraînement parfaitement maîtrisé de guerrière amazone, c’est une femme belle, forte et fragile à la fois. Dans l’esprit des décennies qui suivent sa création, elle est la femme parfaite dans l’esprit masculin américain.

Héroïne forte, pouvoirs bien présents… Pourquoi alors a-t-il fallu attendre 2017 pour voir Wonder Woman sur grand écran ? Certes, les vrais fans auront pu la voir dans la série culte The New Adventures of Wonder Woman, avec Lynda Carter dans le costume rouge, jaune, bleu, de 1976 à 1979, mais depuis, plus rien.

Lorsque l’actrice Gal Gadot signe son contrat en 2013, il est annoncé que plusieurs films sont couverts, dont Justice League (2017). Elle apparaît également dans Batman V Superman (2016) avant d’avoir enfin la tête d’affiche dans son propre film solo Wonder Woman de Patty Jenkins. Dès sa sortie, le film commence par battre des records : 200 millions de dollars de recettes pour son premier week-end, 346 millions après un mois en salle, acclamation par la critique mondiale. Jusqu’à la sortie de Black Panther, c’est bien Wonder Woman qui reste en tête du classement des meilleurs films de tous les temps sur le site Rotten Tomatoes.

Gal Gadot incarne Wonder Woman depuis 2013.

Mais alors pourquoi existe-t-il si peu d’autres héroïnes ? Bien sûr, Marvel en a créé d’autres : Black Widow, La Sorcière rouge, Gamora, La Guêpe… pour n’en citer que quelqu’unes. Malheureusement, côté long-métrage, rien à l’horizon. Si elles apparaissent toutes dans au moins un film de la franchise, aucune ne peut se vanter d’avoir la tête d’affiche. Si on remonte un peu plus loin, on peut cependant trouver des super-héroïnes qui ont leur propre film mais sans avoir marqué les esprits : Super Girl (1984), Catwoman (2004) et Elektra (2005)

Le site de top WatchMojo a publié son top 10 des héroïnes les plus incroyables de l’univers Marvel

Peu de représentation ailleurs

En sortant de l’univers des comics, il est difficile de trouver des films populaires où une héroïne est mise en avant pour sa force ou ses pouvoirs. Hermione, héroïne de la saga Harry Potter est un modèle féminin mais ne possède pas son propre film. Et même avec beaucoup de recherches, peu de films dans ce genre là sautent aux yeux.

Dans les années soixante, le film ultra-kitch de Roger Vadim Barbarella met en scène une super-héroïne : Jane Fonda. Dénudée dès le générique d’ouverture, peu vêtue dans tout le reste du film, elle n’en reste pas moins l’une des héroïnes aux super-pouvoirs qui marquent l’écran cette décennie.

Jane Fonda incarne Barbarella pour la caméra de Roger Vadim.

Jane Fonda incarne une aventurière dans une société futuriste où les mots d’ordre sont peace and love. Un slogan répandu dans la société hippie de l’époque que l’on regarde avec des yeux plus critiques aujourd’hui. L’actrice est majoritairement nu dans le film, on la voit avoir quelques orgasmes mais reste majoritairement dominée par les hommes. On ne met pas vraiment son personnage mais plutôt la plastique de Jane, sex-symbol de l’époque.

Dans les années 80, après la révolution sexuelle et le développement des mouvements féministes, on pourrait penser que les spectateurs demandaient des héroïnes ! Toujours pas. On trouve un premier essai avec Supergirl de Jeannot Szwarc. C’est Helen Slater qui prend les traits de Kara, cousine de Superman. D’autres films devaient suivre celui-ci mais l’échec cuisant de ce volet au box-office américain et mondial annule le projet.

Helen Slater sous les traits de Supergirl.

La décennie suivante multiplie les rôles de femmes fortes au cinéma (Le Silence des agneaux, Thelma et Louise, Mulan…) et les films de super-héros (Batman : Le Défi, Batman Forever, Les Tortues Ninja) mais côté femme c’est toujours le désert. Si l’on cherche bien on trouve un film-ovni avec Tank Girl de Rachel Talalay, sorti en 1995. L’héroïne combat une société oppressive avec l’aide de soldats génétiquement modifiés.

Aujourd’hui on trouve de plus en plus de films avec des héroïnes de premiers plans : Hunger Games, Ghost in the Shell, Alita… Pour n’en citer que quelques une. Pourtant, la tendance reste la même, ces rôles sont majoritairement donnés à des hommes.

Pourquoi existent-il si peu de super-héroïnes ?

Ce qu’il faut comprendre c’est que si dans la littérature on trouve des personnages féminins forts depuis très longtemps, au cinéma, les rôles féminins ont mis beaucoup plus de temps à se détacher des rôles masculins. Dans les années quarante ou cinquante, les personnages féminins existent généralement dans des intrigues liées à d’autres personnages (les histoires d’amour particulièrement) . Cela est évidemment lié aux mœurs de l’époque : on ne peut pas vraiment imaginer mettre en scène une femme indépendante, guerrière, capable de détruire et de sauver la planète sans l’aide de personne, car les supers héros sont basés sur la force, le combat, la violence… Autant de choses que les femmes ne pouvaient pas être.

Même si les auteurs de comics ont écrit très tôt des personnages dans ce genre là, ce sont (à l’époque) des hommes. Même dans les années 80, lorsque les femmes super-héroïnes sont plus représentées, les femmes ne se sont pas mises à lire des comics particulièrement parce que des héroïnes sont là. Car la représentation n’a toujours pas changé : les femmes sont des “créatures” dans des combinaisons courtes et ultra moulantes et, surtout, sont traitées comme des héroïnes subalternes à leur alter-égo masculin, elles aident mais ne prennent pas le dessus.

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