CINÉMA

« My wonder women » – Derrière le masque

La Wonder Woman que l’on connait, c’est celle du grand public, de DC COMICS et de Patty Jenkins. Mais Angela Robinson nous peint un biopic étonnant sur la vie de son créateur , dans lequel passion, acharnement et amour se mêlent avec violence.

Le professeur Marston (Luke Evans) enseigne de la psychologie à une classe d’étudiantes. Sa femme Elisabeth (Rebecca Hall)  y assiste et tente de décrocher un diplôme qui lui est fermement refusé. Ensemble, ils mènent parallèlement des recherches sur le détecteur de mensonges et ciblent dans le public de Marston une “étudiante cobaye”. Ce dernier tombe sous le charme de la jolie Olive (Bella Heathcote) qu’il tient absolument à analyser. La jeune femme se sent attirée par ces deux êtres qui attisent sa curiosité. Ils sont dans une sphère lointaine qu’elle veut habiter.

Entre subversivité et humanisme

Passionnés par leurs recherches, à n’en plus se fixer de limites, le couple Marston griffe les connaissances sur l’être humain d’un doigt acharné et veulent approfondir leur théorie sur le comportement de l’Homme (la théorie du DISC présentée aux élèves). Le trio se met alors dans des situations complexes et perd le fil conducteur de la recherche initiale pour comprendre comment fonctionne l’esprit humain et l’art du mensonge. “Aimes-tu William ? “, “Désires-tu Olive ?”, “Veux-tu coucher avec Elisabeth ? “. Les questions s’enchaînent, répondant aux théories des chercheurs et tissant une toile de fond qui balancera le film dans une atmosphère hors-norme et délicieusement interdite.

Rebecca Hall et Bella Heathcote dans My wonder women © Boxspring entertainment

 

Un trio inspirant

La jeune Olive s’éprend du couple qui tombe à son tour sous son charme. Leur poly amour n’est pas accepté et Marston est renvoyé de l’université. Il se consacre alors pleinement à ses grandes questions existentielles qui lui serviront de portrait pour le personnage fictif de Wonder Woman. Marston se sert à la fois des deux figures féminines qui l’entourent, l’une plutôt froide et cassante, mais fière et forte, l’autre plutôt naïve et fragile, mais douce et maternelle. Il veut que Wonder Woman rassemble les caractéristiques de ces deux femmes opposées afin de proposer le prototype féminin à la jeunesse avide de super-héros. Mais la subtilité est là : Marston ne s’inspire pas seulement de ses deux femmes mais aussi de ce qu’ils explorent ensemble, dans la sexualité, la violence, la soumission et la dominance. Il veut que sa bande-dessinée soit le reflet de l’humanité telle qu’il la comprend : complexe, libre, irréprochable. Mais le double amour qu’il mène n’est pas accepté socialement et les pratiques de son héroïne le sont encore moins. Le long-métrage s’ouvre sur une scène où Marston est confrontée à un public de l’Amérique puritaine des années 30-40. Il tente de défendre la profondeur psychologique de son personnage face à la vision restreinte en la matière de cette époque.

 

“Femme fiction” ou “Femme réelle” ?

Dur de croire que le personnage de Wonder Woman n’est finalement pas le simple fruit des fantasmes du professeur, qu’il a vécu et dont il veut témoigner. Alors que la première partie du film s’axe sur la psyché mystérieuse que les deux intellectuels creusent sans relâche, l’histoire bascule rapidement en love-story contradictoire, assumée par les protagonistes. Séparation, honte, puis fierté d’aimer ainsi, le couple trio est tel un élastique qui ne sait pas vraiment où se placer selon les circonstances. Si leur amour est assumé, il le reste entre portes closes. Et il efface par la même occasion tout le processus de la création de l’héroïne fictive. Quelques scènes s’autorisent à montrer les esquisses de l’auteur, puis un court discours pour convaincre le directeur de l’agence d’édition qu’il est grand temps d’accueillir une héroïne féminine. Mais lorsque Marston nous affirme à la fin que Wonder Woman est le combat de sa vie, il est compliqué de croire que le personnage est le véritable enjeu. L’amour à trois visées étouffe le souffle subtil d’une femme fictive qui pourrait être la véritable meneuse de l’histoire.

Si Wonder Woman est considérée comme une héroïne émancipatrice et modèle, elle n’est à la base, que le simple reflet d’une remise en question sur la manière d’aimer.

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