CINÉMA

Dealer – CECI EST LA CRITIQUE DU FILM DEALER

« Mon argent, il est où mon argent ? – Dans trois jours, je l’ai, dans trois jours » ; Dan le frappe à terre, Salem sort un couteau. De la drogue, de l’argent, des dettes et des principes – ne jamais être dans le business de la cocaïne, « coco » ou « C » pour les intimes – nous savons à quoi nous attendre avec le film de Jean-Luc Herbulot, Dealer : un deal qui tourne mal.

Les deux personnages sont nerveux comme la caméra, tirent des plans sur la comète. Un client régulier de Dan, réglo, lui demande de lui obtenir 1kg de poudre pour 15h. En dix minutes, ses principes s’envolent et alors que nous savons déjà à quoi nous attendre, le réalisateur nous rappelle par la voix over que c’est la décision qui va faire basculer sa journée, voire sa vie. Cela se vérifie cinq minutes plus tard : la came s’est volatilisée. Evidemment, il se retrouve avec le fournisseur sur le dos, une dette bonus de 35000 euros pour qu’on s’occupe du cadavre de son propre pote et tout ce qui va avec. Le film est d’une énergie folle mais nous enferme du début à la fin. En voulant maîtriser à la fois la captation et la réception que nous en avons en tant que spectateur, Dealer se sabote lui-même.

Dan Bronchinson - Droits Réservés

Dan Bronchinson – Droits Réservés

L’énergie, nous la devons en grande partie à Dan Bronchinson, incarnant le personnage du même nom. Ses traits sont déjà empreints de violence, d’un vécu éprouvant. A la manière de ce que fait Inarritu dans Birdman avec Michael Keaton, Herbulot décide de le mettre en valeur au grand angle. Sa nervosité, sa dureté et sa froideur nous attaquent en profondeur. Herbulot ne suggère pas la violence d’une situation. Il la montre et voir un personnage se faire littéralement couper la langue, c’est à la limite du supportable. Mais c’est indéniable, cela participe à l’énergie du film. Le problème est qu’il confond montrer et expliquer ; la vraisemblance des actions qu’il met en scène, il la brise lui-même.

Ses choix esthétiques – filmer caméra à l’épaule, souvent sans éclairage additionnel – conférait une certaine impression de réalité. Mais il choisit délibérément de décrédibiliser cette impression en faisant (trop) régulièrement des inserts de titre dans une police un peu fer rouge, balisant entièrement la narration. Ne croyant peut-être pas au rythme de son propre montage, il en rajoute, nous montre et nous explique que son film a du rythme – si, si, regardez, je mets des titres accrocheurs comme dans une bande annonce – alors que ce n’est pas nécessaire. Et vu que ce n’est pas suffisant, il ne nous laisse pas penser sur ce qu’il nous montre : la seule interprétation valable de sa propre journée semble être exprimée par la voix over de Dan, omniprésente. Le film nie complètement notre présence ou nous prend pour des imbéciles, nous mène par le bout du nez : c’est énervant, comme le titre de ma critique.

L’approche frontale des événements de son intrigue fait tout de suite penser à Mommy de Xavier Dolan, l’émotion qui en ressort est d’ailleurs semblable. Voir et montrer, des obsessions de jeunes cinéastes du XXIe siècle ?

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