CINÉMA

Monsieur et Madame Adelman, une histoire “folle” d’amour

Nicolas Bedos nous livre son tout premier film dans lequel il tient à la fois le rôle de réalisateur et celui de l’écrivain ambitieux. Un film d’amour mais surtout un film français, où se mêlent donc humour de dialogue et analyse précise des sentiments. Toute nuance dramatique de “papillon dans le ventre” est effacée. C’est un film franc, les émotions se percutent sur un champ de bataille et l’amour qui se dissipe pour laisser place à d’autres thèmes, ne revient que plus puissant à la fin. Un couple pas comme les autres, passionnés…par la passion.

Back in 1971

La scène d’ouverture annonce clairement la structure du film : une série de flashback rythmée par la voix-off de Doria Tellier dans le rôle de Madame Adelman, veuve qui retrace la vie de son époux à la demande d’un journaliste.

Premier retour en 1971 où les deux protagonistes se rencontrent. Un dandy parisien ambitieux mais raté, et une étudiante en lettre enthousiaste et pimpante. L’amour est tout d’abord à sens unique et Sarah Adelman incarne le rôle presque sexiste de la femme amoureuse, dépassée par son admiration et ses sentiments, à en devenir presque niaise. Pourtant, le premier tournant du film a lieu lors d’un repas de famille chez les Richemont. Plongé dans un décors aristocratique, une scène d’échange entre la famille de Victor, notamment le père, et Sarah venue au bras de l’ainé, Antoine de Richemont. Un contraste entre l’ordre social des Richemont et la vulgarité du langage paternel, accompagné des paroles arrosées de Madame de Richemont. Une scène qui fait rire et qui fait plaisir, lorsque Sarah repart avec Victor pour entamer par la suite une vie conjugale de 45 ans.

Et le film de Nicolas Bedos, ce n’est pratiquement que ça, une alternance entre scènes teintées d’un humour grinçant et disputes conjugales dénuées de profondeur shakespearienne. Et pourtant, c’est une histoire qui remue et qui nous touche.

Une aura poétique

Finesse dans les dialogues qui apportent une touche théâtrale ? Banalité des disputes de couple, de l’infidélité, des ruptures jamais vraiment sans retour ? Oui, mais pas seulement. Monsieur et Madame Adelman, c’est aussi une histoire sur le rêve, sur l’ambition. C’est l’obsession du prix Goncourt et la quête de la notoriété. C’est l’inspiration face à une femme que l’on n’aime et puis qui ne nous inspire plus, que l’on trompe et qui ne nous aime plus. Mais c’est aussi une question d’honneur sur l’identité, sur soi. Qui sommes-nous ? A partir de quand ne nous appartenons-nous plus ? Le partage, la gloire et l’ombre. La passion, puis la manipulation.

Deux heures durant lesquelles Nicolas Bedos nous fait ressentir un éventail d’émotions, jusqu’à la confusion. On ne sait plus si on apprécie Victor Adelman qui ne peut garder sa braguette close comme on ne sait plus si Sarah est tout aussi dérangée que son amant, lorsqu’il en vient à faire des choix précis sur sa vie future, lorsqu’il en vient à raisonner avec elle-même et son bonheur. On arrive à un stade où on ne comprend plus, où l’on pensait que leur amour était au point mort, et puis la passion reprend, relance le tourbillon de rires et de couleurs.

Une finesse domptée pour une fin touchante

La symphonie annonce ses dernières notes lorsque Monsieur et Madame Adelman, âgés, se promènent une dernière fois sur la falaise. On interprète : la mort de Victor, une belle preuve d’amour ou une fin tragiquement tirée par les cheveux ? Et alors que l’on est partagé et que l’on cherche encore de quoi qualifier ce film, une chute finale nous prend de court. Une autre histoire qui se détache, celle de la muse devenant artiste, celle de la femme cachée, toujours amoureuse, qui laisse le jour à son époux. Celle de la révélation dans l’ombre, dévoilé avec toujours, cette promesse sacrée d’un secret gardé à jamais.

La symphonie reprend de plus belle et l’on revoit toute la vie de Sarah et Victor en deux minutes, d’un œil honnête qui nous prouve que l’amour n’est que, finalement, ce qui reste des rêves déchus.

 

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