CINÉMA

« Pentagon Papers » – Spielberg rédacteur en chef

Steven Spielberg poursuit son alternance entre blockbuster estival et film plus intime ave Pentagon Papers. Comme à son habitude depuis plus d’une décennie, alors qu’il raconte des histoires fantastiques (La guerre des mondes) ou historiques (Lincoln, Le pont des espions), le cinéaste ne cesse d’évoquer notre époque.

Peu de temps avant le Watergate, un scandale d’Etat est sur le point d’être révélé par le Washington Post. Les journalistes ont en leur possession des documents démontrant que les Présidents Eisenhower, Kennedy, Johnson, et Nixon poursuivent la guerre du Vietnam alors qu’ils la savent perdue. Le gouvernement, avec à la tête Nixon, fait tout pour que la presse ne divulgue cette information.

© Universal Pictures International France

Les Echos

On comprend très vite pourquoi Steven Spielberg s’est empressé de tourner le film en quelques mois. Dans une Amérique où la presse est remise en compte et subit les attaques de son propre Président, le film prend alors tout son sens.

Ode à la liberté de la presse et à l’émancipation des femmes Pentagon Papers est résolument contemporain. Le parallélisme se fait jusque dans le contexte dans lequel se déroule le film. Comme aujourd’hui, les années 1970 marquent un bouleversement dans la société, à la fois culturel (les affiches du Nouvel Hollywood placardées au mur), politique et sociétal.

Mais le film n’est pas aveugle pour autant. Il incorpore jusque dans ses enjeux dramatiques l’ambiguïté des journalistes qui ont des liens plus qu’étroits avec le monde politique.

© Universal Pictures International France

 

Journalisme cinématographique

Steven Spielberg ne faisant pas partie du tout venant, il évite l’écueil du film académique comme pouvait l’être le (presque) téléfilm Spotlight sorti récemment avec un sujet similaire. Il préfère au contraire s’inscrire dans les traces de Les Hommes du Président. On remarque la volonté d’en reprendre l’esthétique à travers certains éléments de la photographie et le jeu sur les lampes au plafond pour guider le regard.

Conscient qu’il fait du cinéma et non un documentaire descriptif, le cinéaste n’oublie pas de raconter une histoire, avec ce que cela implique comme immersion du spectateur. Au milieu de la platitude des films actuels, la mise en scène ludique et inventive, nous rappelle la force d’un film sur grand écran.

Il faut voir ces soldats morts qui deviennent, grâce à un travelling latéral, des données inscrites par une machine à écrire. Il faut voir ce bureau de journaliste se mettre à trembler sous la vibration des rotatives. La secousse traduit à la fois l’impact du scandale sur la société mais aussi sur la vie du journal lui-même.

Surtout, il faut voir l’orchestration d’une conversation téléphonique à quatre, filmée comme une scène de tension à la Hitchcock. Le montage ose même utiliser un faux raccord pour mieux immerger le spectateur dans la psyché du personnage. Le travelling final dessinant l’unique gros plan du visage de Meryl Streep, conclue l’un des moments majeurs de toute la filmographie de Steven Spielberg.

Ou comment jouer avec les lumières au plafond pour guider le regard du spectateur et traduire le rapport de force entre les personnages – © Copyright Universal Pictures International France

 

Même le sous-texte féministe du film n’est jamais asséné lourdement. C’est avec un mouvement de caméra sur une foule, qu’est révélé l’impact sur la société de l’émancipation du personnage féminin.

En incarnant ses personnages aussi visuellement, Steven Spielberg les extirpe du simple événement historique, pour en faire des figures quasi mythologiques.

Pour revoir un film de cinéma de cette hauteur, il n’y aura qu’à attendre son prochain film, Ready Player One en mai prochain. Au vu des premières images, le réalisateur de 71 ans est sur le point bouleverser en profondeur l’ère des blockbusters actuels.

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