CINÉMA

Travelling 2017 – Mythique Tanger

Chaque année à Rennes au mois de février la ville est à l’honneur du festival de cinéma Travelling. À travers de nombreux films, le festival interroge, de diverses manières, la représentation de la ville au cinéma et met à l’honneur une ville. Après Oslo ou Séoul ces dernières années, c’était au tour de la ville marocaine de Tanger cette année.

Tanger est une ville d’art et de cinéma, c’est ce que nous aura montré le festival Travelling cette année. Carrefour des cultures, entre l’Europe et l’Afrique, Tanger est une ville qui aura inspiré les artistes venus de partout. La ville marocaine, située sur le détroit de la Méditerranée, a accueilli bon nombre d’artistes et d’écrivains. Elle a été un des lieux importants de la Beat Generation, comme l’a souligné la programmation du documentaire Beat Generation : Kerouac Ginsberg Burroughs de Jean-Jacques Lebel et Xavier Villetard. Le documentaire a été accompagné d’une table ronde autour de la place de Tanger dans l’imaginaire de la Beat Generation. C’est ainsi à Tanger que William Burroughs atterrit après avoir dû quitter les Etats-Unis et qui lui donnera l’inspiration de son Festin nu, nommé dans un premier temps Interzone. L’écrivain Beat fut rejoint par ses compagnons, Jack Kerouac et Allen Ginsberg, qui y ont aussi séjourné, sans être autant inspiré par cette ville. Le fantôme de l’activité littéraire – outre Burroughs, Jean Genet, Paul Bowles ou encore Truman Capote y ont aussi vécu – et particulièrement Beat, hante le film de Jim Jarmusch, Only Lovers Left Alive, sorti en 2014, nourri par la vie et les mystères de cette ville labyrinthique.

Tanger, ville de cinéma

Il n’y a pas que la littérature à Tanger, il y a aussi le cinéma. Si la ville a été nourri par le septième art, elle n’a été qu’assez tardivement investie par les cinéastes. Plusieurs réalisateurs européens ou américains y ont posé leur caméra, de Bernardo Bertolucci avec Un Thé au Sahara à André Téchiné avec Loin et Les Temps qui changent, en passant donc par Jim Jarmusch qui fait de Tanger le contrepoint de la ville américaine cadavre du capitalisme, Détroit.

Mais le cinéma marocain s’est aussi emparé de Tanger. Durant le festival, le cinéaste tangérois Moumen Smihi est venu présenter sa très belle trilogie composée du Gosse de Tanger, des Hirondelles et de Tanjaoui. Centrée autour de l’enfance et la jeunesse du personnage de Larbi Salmi, cette trilogie fait le récit d’une initiation autofictive d’un « Antoine Doinel des colonies ». C’est, comme l’explique Moumen Smihi, une référence au fameux personnage interprété par Jean-Pierre Léaud dans les films de François Truffaut qui ont tant marqué le cinéaste tangérois, passé par Paris et l’école de cinéma de l’IDHEC. Le cinéma est pour Moumen Smihi le moyen de convoquer la longue histoire de Tanger, lieu de rencontre le l’intellectualisme français, et plus largement européen, avec l’intellectualisme arabe. Au-delà de l’itinéraire personnel d’un jeune tangérois dans les années 1950 et 1960, Moumen Smihi retrace avec sa trilogie l’évolution d’une société à l’échelle d’une ville.

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Tanjaoui : Peines de cœur et tourments du jeune Tanjaoui Larbi Salmi, Moumen Smihi (2013) – Crédits : Imago Films International

Filmer la société

L’observation de la société est très importante dans le cinéma marocain, notamment pour sa nouvelle génération, actuellement en plein développement. C’est ainsi le cas d’Hicham Lasri, dont l’ensemble des films était présenté durant le festival, ou de la tangéroise Leïla Kilani. D’abord journaliste, Leïla Kilani réalise un documentaire sur l’immigration clandestine à Tanger (Tanger, le rêve des brûleurs) en 2002. Elle passe ensuite à la fiction avec Sur le planche en 2011, qui fait le récit de quatre ouvrières dans les usines de Tanger qui cherchent à s’échapper de leur condition. La cinéaste tangéroise dessine ainsi l’horizon d’une nouvelle génération du cinéma marocain qui met en avant le politique et la subversion.

Sur la planche, Leîla Kilani (2011) Crédits : Epicentre films

Tanger, ville d’histoires

Même lorsque le cinéma marocain fait la chronique de la société tangéroise contemporaine, marquée par la diversité culturelle et l’immigration, c’est toujours au renouvellement du mythe de Tanger qu’il travaille. Tanger reste cette ville de culture, un peu à part du reste du Maroc. Elle est une « source inépuisable d’inspiration, par le foisonnement d’histoires et de personnages atypiques » qu’elle abrite. C’est ainsi que la décrit le réalisateur, scénariste et acteur marocain Faouzi Bensaïdi, également présent lors du festival. Il a redécouvert la ville lorsqu’il a travaillé avec André Téchiné, comme coscénariste et acteur, sur Loin en 2000. Après un rendez-vous manqué avec la ville, pour son film Mort à vendre qui devait, à l’origine, se dérouler à Tanger, Faouzi Bensaïdi compte finir par filmer cette ville. Preuve que Tanger et ses mythes continueront toujours d’inspirer les artistes.

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