CINÉMA

« Capri-Révolution » – La lutte des classes

Mario Martone revient avec un long métrage qui se déroule sur l’île sauvage de Capri. Entre les falaises rocheuses et le miroitement de la méditerranée, une réelle confrontation idéologique s’empare de l’île brulante.

Lucia (Marianna Fontana), seule fille d’une famille de bergers et d’agriculteurs, passe ses journée à dévaler les pentes de son île natale pour faire prêtre son troupeau. Elle s’occupe de son père mourant et subit la leçon de morale permanente de ses frères, sous le silence condamné de sa mère. Tout est là pour illustrer le schéma familial traditionnel et patriarcal d’une famille italienne du début XXème siècle, appartenant à la classe sociale inférieure. Inférieure du moins à tous ceux qui entrent en jeu. Le jeune médecin Carlo (Antonio Folletto) est un jeune révolutionnaire aux idées très arrêtées. Et Seybu (Reinout Scholten van Aschat), peintre venu d’Europe du nord avec d’autres artistes qui se livrent sans aucune gênes à des pratiques libres, nudistes, complètement contraires à l’atmosphère sévère qu’inspirent les locaux. Lucia fait le lien entre ces notions d’art, de patrie, de questionnements humains qui secouent l’île à la veille de la Première Guerre Mondiale.

Un regard trop extérieur

Le défi aurait pu être relevé. Cette jeune bergère fougueuse qui n’accepte pas sa condition ni son mariage forcé et qui se laisse tenter par le “diavolo” et par la liberté si passionnante qu’il dégage. Lucia s’éloigne de sa famille et entame une relation libre avec le peintre Seybu et son groupe. Elle est complètement intégrée et participe aux projets de la petite communauté. Cette dernière n’est pas assez approfondie et apparait aux yeux du spectateur comme elle apparait aux yeux des habitants de l’île : un groupe de nudiste qui bronze au soleil et qui se lance dans des installations illuminés. La seule scène qui aurait pu donner un sens réel à l’ambition humaine et artistique de ces européens bourgeois est la longue discussion entre Seybu et le docteur Carlo.

Les deux hommes sont du même monde, éduqués, élitistes, mais partagent des opinions très différentes concernant le rôle de l’être humain dans l’espace temps qui lui est donné. Selon Carlo, il doit faire changer le monde par ses actions, d’où sa pensée révolutionnaire. Selon Seybu, il peut faire changer le monde par sa manière de se considérer dans cet espace temps, et cela passe par l’art qui est le reflet de l’essence même de ce que nous sommes. Un discours intéressant, mais qui ne soulève que questions sur questions, et ce n’est malheureusement pas le personnage de Lucia, partagé et déboussolé qui pourra apporter des réponses. Cette dernière est à la fois révolutionnaire et libre, et ne sait faire son choix entre ces chemins. Elle suivra finalement le sien et fuira son île natale. A la fois féministe et très catégorisante, l’oeuvre de Mario Martone laisse le doute planer sur des questions toujours très actuelles.

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