CINÉMA

« Kedi » – Des “aristochats” version turque

Si vous n’aimez pas les chats, si vous ne ressentez rien qu’un profond ennui devant les premiers pas d’un chaton et si, en fait, vous préférez les chiens, arrêtez-vous ici car cette critique et le film dont elle parle ne sont pas faits pour vous. En revanche, si vous adorez regarder des vidéos de chats, voire, s’il vous arrive de passer des après-midis entiers dans des bars à chats, vous pouvez sereinement continuer cette lecture (et aller voir Kedi !).

On dit souvent de la Nouvelle-Zélande qu’elle compte plus de moutons que d’humains. Après avoir vu Kedi, on aurait tout à fait envie de proposer une variante turque de ce lieu commun car tout laisse à penser qu’Istanbul compte plus d’habitants félins que d’êtres humains.

La réalisatrice de ce film à cheval entre le documentaire et la fiction, Ceyda Torun, nous propose de suivre le « destin » de sept de ces chats des rues qui peuplent la capitale Turque : Sari « l’arnaqueuse », Bengü « la tombeuse », Aslan Parçasi « le chasseur », Psikopat « la psychopathe », Deniz « le mondain », Gamsiz « le joueur » (dont tous les frais de vétérinaires sont couverts par les pourboires laissés au café du coin) et Duman « le gentleman »  (qui ne mange que de la dinde ou du manchego).

Tout au long de cette heure vingt que dure le film, nous suivons les aventures, déboires et succès de ces félins à la vie de clochards de luxe. Certes, ce sont des chats des rues, mais plutôt que de n’avoir aucun maître, disons qu’ils en ont une multitude (potentiellement, n’importe quel habitant de la ville qui éprouverait le besoin de caresser un chat ou de sacrifier de bon coeur un bout de son sandwich…).

Des chats… et des hommes

Au travers de ces chats, on apprend à connaitre plusieurs stambouliotes, tous représentatifs d’époques et de modes de vie différents mais tous unis par leur amour inconditionnel de ces petites boules de poils. On découvre une jeune peintre, un propriétaire d’épicerie fine ou un vieux pécheur, mais également des personnages plus farfelus tels que cette femme vivant au milieu de plusieurs dizaines de chats et qui leur cuisine plus de vingt kilos de poulet par jour… Si les témoignages ne regorgent pas toujours d’informations intéressantes, ils demeurent tous touchants en ce qu’il traduisent un attachement de ces habitants à leur ville, à ses spécificités mais aussi en ce qu’ils laissent parfois paraître une certaine solitude, un besoin de chaleur et de partage qu’aucun humain ne semble pouvoir combler.

“A Istanbul, un chat est plus qu’un chat. Il incarne le chaos indicible, la culture, la singularité qui font l’essence d’Istanbul.” – Ceyda Torun

Une ville en mutation

Alors que l’on suit les chats dans les égouts, sur le port, dans les ruelles ou sous les étals des marchés (toujours à la recherche de deux choses : à manger et/ou un lieu pour dormir), c’est la ville d’Istanbul qui se dessine en creux. La caméra (et les chats) passe d’une halle à un quartier populaire, à un quartier gentrifié plein d’épiceries italiennes et de coffee shop qui ne dépareilleraient pas à Paris ou à Amsterdam.

Progressivement, on voit appaitre des malls, de larges avenues et des tours de plus en plus hautes. Bien évidemment, cette nouvelle configuration urbaine est moins propice aux tribulations des chats des rues.

À vrai dire, elle est aussi et surtout dure pour la population traditionnelle et relativement pauvre d’Istanbul qui se retrouve expropriée et reléguée en périphérie, afin de permettre la réalisation de ces « grands » projets urbains.

C’est d’ailleurs ici que Kedi ne prend pas le chemin qui aurait pu en faire plus qu’un documentaire charmant mais quelque peu anecdotique sur les chats à Istanbul. En effet, la réalisatrice ne creuse pas vraiment cette question de la ville et des mutations à l’œuvre. D’ailleurs, la ville n’est pas spécialement bien filmée et on regrette même franchement la banalité de certaines séquences filmées par drones.

Néanmoins, si vous avez épuisé tout le stock des vidéos youtube sur les chats et/ou si vous aimez Istanbul, on vous le conseille !

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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