CINÉMA

La crème de la crème- Révélations 2015

 

Kim Chapiron a toujours su dénicher les jeunes talents : LeÏla Beckhti avec Sheitan ou encore l’incroyable Adam Butcher dans le carcéral Dog Pound. Avec son dernier film, La crème de la crème, il renouvelle cet exploit avec le trio principal : Thomas Blumenthal (ancien élève dans Les Choristes), Alice Isaaz et Jean- Baptiste Lafarge. Justement, tous font partie des révélations 2015 de l’Académie des Césars.Le film raconte comment des étudiants mettent en place un marché sexuel au sein de leur grande école de commerce, à l’instar de HEC. Avec un tel pitch de départ, Kim Chapiron sort des sentiers battus du tout venant de la comédie française habituelle. La critique sur ces futurs élites de la France poussant le libéralisme économique jusqu’à créer un marché sexuel interne est acerbe mais jamais cynique. A ce titre, toute la mise en place de ce marché, notamment à travers une scène de recrutements, est particulièrement passionnante et effrayante à la fois. Peu importe que le film reflète ou non la réalité de ces écoles puisqu’il est encore plus intéressent lorsqu’il élargit son champ, en traitant plus généralement de la jeunesse. En effet il rend compte d’un monde qui a sa propre société divisée en classes sociales, associées ici aux différents clubs, et dont l’argent est le principal moteur. Néanmoins, suite à l’uppercut que fût Dog Pound, on pouvait attendre de Chapiron une subversion plus radicale. Et ce d’autant plus après avoir vu le perturbant The smell of us de Larry Clark qui traite d’un sujet similaire. Le regard provocant des premiers instants, dont une scène de fête se terminant avec des jeunes en transe sur le Lac du Connemara, laisse la place à un pur teen movie.Ce changement de ton n’est pas ici négatif puisqu’il permet aux personnages archétypaux (le fils à papa, la fille de banlieue, l’issue de l’émigration) de se développer.
L’alchimie entre le trio principal se construit suffisamment pour que le spectateur puisse y croire et s’y investir émotionnellement. Ce lien entre eux paraît d’autant plus naturel qu’il est soutenu par le jeu toujours très juste des trois acteurs. Il est d’ailleurs franchement plaisant de voir une écriture honnête de jeunes personnages dans un cinéma français qui a tendance à les regarder à travers des stéréotypes. La caméra de Chapiron les filme également avec sincérité, bienveillance, et jamais dans le jugement, comme cette scène de drogue à la fois surréaliste et touchante dans le jeu des relations entre eux. Dans ce contexte de teen-movie, le film assume ses parti pris jusque dans une scène finale courageuse visuellement tout en étant d’une parfaite cohérence avec les enjeux narratifs établis.
Au final, sans être le grand film subversif comme il était vendu, La crème de la crème est l’un des films français traitant de la jeunesse de manière la plus sincère et touchante de l’année. Une preuve de plus, s’il en fallait, que Kim Chapiron est un cinéaste précieux dans notre paysage cinématographique.

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