CINÉMA

J’étais au festival du film de Vendôme

Du 6 au 13 décembre s’est déroulé à Vendôme (Région Centre) le 22ème festival du film de Vendôme, organisé par Ciclic (Agence régionale du centre pour le livre, l’image et la culture numérique) et soutenu par le Centre National du cinéma et de l’image animée.
L’édition 2013 était constituée d’une programmation riche : focus sur le cinéma italien d’aujourd’hui, découverte du mashup, compétition de courts-métrages français ayant reçu un financement d’une collectivité territoriale ainsi que certaines avant-premières.
Le Festival est caractérisé par la jeunesse de son public et de ses productions. En effet, les films présentés sont très souvent de jeunes créations en voie d’avenir. De plus, la participation des lycéens est vraiment abondante : écriture de “plan rapproché”, un petit journal quotidien présentant quelques articles sur la programmation du jour, prix lycéen, ou encore programmation pour les plus jeunes.
J’ai eu l’honneur d’intégrer le jury du festival et donc de décerner le prix étudiant du meilleur film.

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Escapade d’un jury étudiant dans le milieu cinématographique

Étant présent sur le site du festival le week-end de la compétition nationale (6, 7 et 8 décembre) ainsi qu’à la cérémonie de clôture du 13 décembre, je ne serai en mesure de vous dévoiler des informations vues de l’intérieur des autres jours du festival.
Quoiqu’il en soit, je peux vous dire que, étant grandement cinéphile, j’étais très angoissé mais très impatient d’arriver sur place.

Tout d’abord, être jury au festival implique des places réservées à chaque séance. Les places que s’arrache le public au milieu de la salle étaient prises par les jurys, acteurs et réalisateurs. Il est vrai qu’une certaine fierté naît, on ne peut pas le nier.
Le soir de la cérémonie d’ouverture, le festival dispose d’une heure pour introduire et présenter la programmation, les jurys ainsi que les équipes techniques.
Le jury de cette vingt-deuxième édition est composé de Héléna Klotz, réalisatrice ; Aude Hesbert, directrice de Paris Cinéma ; Francis Gavelle, critique ; Mathieu Chattelier, réalisateur, et Jacky Goldberg, critique, réalisateur et journaliste dans Le Cercle sur Canal +.
Au bout de cette heure, le film d’ouverture est diffusé : il s’agissait cette année d’une spéciale mashup, ce phénomène permettant de créer un film avec des scènes tirées d’autres réalisations grâce aux montages. Final Cut : Ladies & Gentlemen de György Palfi, hors compétition au festival de Cannes, fut le film présentant le concept. Il réunit plus de 500 films emblématiques de l’histoire du cinéma. Il a été réalisé par un professeur et ses élèves d’une université Hongroise. Bien sûr, ce film ne peut pas être présenté dans des compétitions car il ne possède pas tous les droits d’auteurs des 500 long-métrages.
Une fois la cérémonie d’ouverture terminée, un buffet est organisé à tous les privilégiés, c’est-à-dire jurys, acteurs, réalisateurs, organisateurs. Être étudiant et se retrouver au milieu de tous ces monstres est très impressionnant. Croire que la soirée est terminée est un blasphème dans le milieu. Une fois que le minotaure se ferme (la salle de spectacle où se déroule la cérémonie), les plus courageux se rendent au bar : tout le monde se cherche du regard, réalisateurs et acteurs jouent du regard mais rien ne se crée.

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Final Cut : Ladies & Gentlemen

Le lendemain, samedi 7 décembre, après une nuit d’environ trois heures, commence le formidable marathon de la compétition nationale.
Le concours ne commence qu’à 14 heures. Après un petit détour au restaurant et une visite rapide du musée d’histoire naturelle de la ville, les jurys professionnels et étudiants se retrouvent au Minotaure dans les salles obscures. La première séance d’environ 2 heures débute avec trois courts-métrages. Une des productions, Silence Radio de Valéry Rosier,  fît grand effet dans la salle par son originalité et son émotivité forte : sous forme de documentaire-fiction, le réalisateur suit le parcours mêlé de plusieurs retraités, seuls, tristes, et dont une radio, Radio Puisalène, les tient à la vie et leur permet de ne pas s’enfoncer dans la mélancolie. S’ensuivront deux autres séances de même durée soit un total d’environ 6 heures de courts-métrages. Deux court-métrages retinrent l’attention du jury étudiant. Tout d’abord Les lézards de Vincent Mariette : deux hommes attendent dans un hammam une fille rencontrée sur un site de rencontre. Ils se demandent alors si elle va vraiment venir. La métaphore entre ces deux individus (dont un joué par Vincent Macaigne) est très bien mise en scène, le réalisateur n’hésite pas à utiliser la profondeur du décor pour donner l’image la plus forte possible du lézard bronzant sur sa pierre “et qui se fait chier” comme nous raconta le réalisateur lors de notre rencontre avec lui.
Le deuxième film marquant de cette première journée de compétition nationale fut Le Tableau de Laurent Achard. Ce court-métrage poignant raconte la vie d’un couple de personnes âgées s’attendant à la mort imminente de la femme, malade, et essayant de retrouver ses moments de jeunesse. Avec l’audace cinématographique que le réalisateur a su mettre en place, nous ne pouvions que faire des critiques remarquables sur cette production majestueuse.

Le soir, 20 heures passées, les jurys et le public voulant participer aux séances sortent du cinéma. La réflexion et les discussions entre jurys se créent. Dialogue, sourire, froncement de sourcil, yeux rouges … tout geste est synonyme d’expression de son avis.
La première journée de compétition nationale terminée, les volontaires assistent à ce que l’on appelle un ciné-concert, c’est à dire un long-métrage présenté et accompagné par un musicien. Cette année, Le Petit Fugitif de Morris Engel, chef d’oeuvre de 1953. Le guitariste canadien Eric Chenaux du Label Constellation Records accompagna le film.
Après cette séance tardive, un deuxième buffet sur le thème de la fête foraine (dû au lieu de tournage du film de Engel) fut mis en place par l’équipe du festival. Les jurys, acteurs et réalisateurs restèrent jusqu’à au moins 2 heures du matin pour danser, discuter, dialoguer, échanger. En prime, des négociations de rôles. C’est ainsi que je me suis vu, inconsciemment, présenter un casting pour un long-métrage, alors que j’étais en train de manger des pop-corn. Comme quoi …

le petit fugitif

Le Petit Fugitif

Le dimanche 8 décembre, dernier jour de compétition nationale, le scénario fut le même. Après avoir assisté à une conférence en compagnie de membres des productions de la veille, dont Vincent Mariette et Thérèse Roussel (la femme du Tableau, le jury étudiant et moi nous sommes dirigés vers le restaurant où le jury professionnel et lycéen nous attendaient pour manger. Des dialogues très intéressants eurent lieu. Pour ma part, j’ai pu dialoguer avec Jacky Goldberg. Il m’expliqua son métier de journaliste aux Inrocks, dans Le Cercle sur Canal + ou encore de sa filmographie. A 14 heures, nous nous dirigeons vers le Minotaure où les séances débutent.

Durant cette dernière journée de compétition nationale, beaucoup de court-métrages furent originaux. Pour le jury étudiant, deux films ont attiré l’attention. Le premier, Avant que de tout perdre de Xavier Legrand avec Léa Drucker et Denis Ménochet, témoigna des les violences conjugales. En effet, ici, une caissière de supermarché, avec l’aide de ses collègues, essaie de s’enfuir pour échapper à son mari qui lui, est présent dans l’enseigne. Cette fiction à suspens émut durant ses 30 minutes.
Le deuxième court-métrage fut Pour la France de Shanti Masud avec entre autre Sigrid Bouaziz (Tunnel sur Canal +). Ce scénario osé est magnifiquement ficelé : une touriste allemande décide de faire connaissance avec des Parisiens lors de sa dernière nuit dans la capitale. La force de ce film est la mise en valeur des acteurs qui sont magnifiquement filmés, voire à la perfection. Les émotions, les partages et les affinités entre tous ces personnages donnent au film une tendresse inavouable pour la capitale parisienne encore et toujours enjolivée.

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“Pour la France” de Shanti Masud

Cette fois-ci, à la sortie de la dernière projection, ce n’est pas une soirée qui nous attend comme les soirs précédents mais une longue délibération au restaurant : l’objectif est de choisir un film sur 22 courts-métrages.
A 23h30, après plus de trois heures de dialogue, les deux jurys étudiants et moi-même sommes réunis sur un film. Après cette délibération, une fois n’est pas coutume, tous les jurys se réunissent dans un autre bar de la ville où chacun essaie de deviner ce que chaque groupe de ces jurys a choisi.
Alors que le jour commence à se lever, je décide de rentrer à l’hôtel. Réveil à 10h du matin oblige, je prépare mes bagages en pensant que dans exactement trois heures, je serai en cours à 100 km d’ici.

La clôture débute par la diffusion de trois courts-métrages de Pierre Etaix, en version remastérisée. Le dernier projeté, Heureux Anniversaire a reçu l’Oscar du meilleur Court-Métrage en 1962.
22h30, après la remise du prix lycéen à Us de Ulrich Totier, c’est à nous trois de nous lancer sur la scène devant les 500 personnes qui nous regardent, nous fixent. Parmi eux, les réalisateurs qui attendent et la réalisatrice qui m’a proposé un rôle scrutant mon attitude pour confirmer son choix de proposition. Me tournant vers mes deux autres camarades et comptant sur eux pour combler les vides de mon discours, une n’avait plus de voix à cause d’un rhume et l’autre, brésilienne, avait peur de son mauvais accent. Le stress m’envahit rapidement lorsque je regrettai de ne pas avoir écrit un discours et d’y aller à l’improvisation. Finalement, dix minutes plus tard, un grand soulagement et une fierté se ressentit.
Nous avons décidé de décerner le prix étudiant à Le Tableau de Laurent Achard.
Vient enfin après nous la remise des trois prix du jury professionnel.
Le prix de la meilleure interprétation est attribuée à toute l’équipe d’acteur de Pour la France de Shanti Masud, dont Sigrid Bouaziz, actrice dans la série Tunnel de Canal+.
Le prix spécial du jury est attribué à Petit Matin de Christophe Loizillon avec notamment Mathieu Amalric.
Enfin, le grand prix est attribué à Le jour a vaincu la nuit de Jean-Gabriel Périot.
Après cette clôture, bien sûr, une soirée au bar fut organisée.

Cette aventure cinématographique, un rêve de gamin pour moi, ne fut que bénéfique dans mon souhait de continuer, malgré mes études de droit, à aimer le cinéma et à pourquoi pas l’étudier, ou même y participer grâce à ce rôle décroché. Bref, un seul mot résume ce weekend : Grandiose. 

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“Le jour a vaincu la nuit” Grand Prix du Jury

Rédacteur et Correcteur chez Maze Magazine, également fondateur et rédacteur en chef du site web d'actualité lecontinu.fr Étudiant en droit, il réalise également son premier court-métrage pour le Nikon Film Festival et est scénariste sur des projets en développement.

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