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Rencontre avec Lor-K, la street artiste qui transforme les matelas abandonnés en sculptures culinaires

Les rues de la capitale se transforment progressivement en véritable dépotoir. Frigidaires par ci, matelas par là, de multiples objets encombrent l’espace public faisant le bonheur de certains ou attirant le dégoût des autres. Deux options s’offrent à nous : emporter l’objet ou continuer sa route. Pour Lor-K, la situation prend une toute autre tournure puisqu’elle métamorphose sur place l’encombrant pour en faire une sculpture de rue éphémère.

Pizzas, sushis ou nuggets, ces aliments parlent à tout le monde puisqu’ils s’imprègnent de la culture citadine. Et dans son projet EAT ME, Lor-K les met volontairement en scène. En transformant un matelas en une recette connue de tous, elle questionne nos modes de consommation alimentaires. Car dans n’importe quelle ville, on les retrouve dans nos assiettes, nous faisant totalement oublier les habitudes culinaires locales. Le caractère subversif de ces sculptures ne s’arrête pas là. En utilisant des matelas, elle met en lumière le reflet de notre mode de vie alimentaire. Car « les matelas dans la rue c’est où les SDF dorment. Et c’est là où se crée la vie ! Mais c’est aussi là où l’on meurt », nous confie Lor-K. Ainsi, elle part d’un objet considéré comme intime et répugnant pour le rendre appétissant. Un processus qui fait fortement écho à ceux employés par l’industrie de masse alimentaire.

Lor-K ©

« La route n’est pas un musée à ciel ouvert, c’est un terrain d’expérience »

Pour Lor-K, son matériel de travail ressemble à une drôle de boite à outils : des scies aux multiples lames pour effectuer tout type d’entaille, des cutters, des ficelles et des scotchs. Un attirail qui peut tout briser sur son passage. A l’instar de son projet “OBJECTICIDE” dont l’objectif est la destruction de l’objet qu’elle trouve pour dénoncer son obsolescence programmée. Et comme elle affirme que « la route n’est pas un musée à ciel ouvert mais un terrain d’expérience », la réaction des passants est importante. En utilisant la rue comme terrain de jeu, la street artiste prend le risque de troubler le spectateur, de changer son regard, de le perturber dans son quotidien. Car créer dans l’espace public et non dans un musée ne lui laisse aucune prédisposition intellectuelle possible mais sollicite sa réaction spontanée.

Lor-K ©

« Si je ne crée pas, je m’éteins »

Outre Paris, Lor-K souhaite dépasser les frontières françaises à travers son projet “DANS CE MONDE”, dont l’objectif est de se rendre dans un maximum de capitales pour y bâtir une sculpture littéraire. Celle-ci exprimerait le mot « bienvenue » dans la langue du pays et serait entièrement constituée d’objets récupérés. L’idée étant de confronter la masse de déchets d’un pays à un autre. Ce mot sonnerait alors comme un message ironique puisque plus il sera gros, plus il sera révélateur d’une ville remplie de détritus et plus la mise en garde sera grande. Espérons que Lor-K atteindra un maximum de capitales pour responsabiliser les espaces urbains face à leurs encombrants. Mais face à la soif de création de cette artiste engagée, il semble que nous ayons peu de souci à nous faire.

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