ART

La nature comme canevas – Andy Goldsworthy

Certains le qualifieront de druide, d’autres de génie. Une seule chose est sure, Andy Goldsworthy ne fait pas les choses comme tout le monde. Ses œuvres, à la fois rares et multiples disparaissent pour la plupart dès leur création. Sa toile ? Le paysage. Sa peinture ? La neige, les feuilles, une branche d’arbre tombée ou encore les galets d’une rivière. Sorte de figure de proue du land art, mouvement de création artistique avec le paysage et la nature, il nous montre par le biais de ses œuvres que la nature reste la plus fantastique œuvre d’art jamais créée.

Tout commence lors de sa jeunesse, à la ferme, bien loin d’apprécier le maniement des grands tracteurs, le jeune Andy va préférer le travail manuel. Il le dira lui-même lors d’une interview dans The Guardian1 : « Une grande partie de mon travail est comme ramasser des pommes de terre, il faut trouver un rythme et le garder. Agriculteur est un métier très proche de celui de sculpteur ». La création de certaines de ses œuvres requiert en effet un véritable travail de fourmi. Il va parfois récolter des centaines et des centaines de feuilles d’arbres pour obtenir un résultat, il faut l’admettre, stupéfiant.

Ses œuvres, comme on peut s’en douter, ne sont pas destinées à subsister. Ne durant parfois pas plus de quelques secondes, seule la photographie permet de les immortaliser. L’artiste a cependant décidé à ne prendre qu’une seule photo de chacune de ses œuvres. Son but n’est pas de créer, mais plutôt de communiquer avec la nature en liant ses œuvres le plus intimement possible avec elle. Son travail est ainsi composé uniquement d’éléments qu’il a directement trouvés sur place, l’adage « Rien ne se perd, tout se transforme » est peut-être la meilleure description que l’on puisse faire de ses créations.  Contrairement à certaines œuvres de land art qui elles sont monumentales, le spectacle qui nous est offert est plutôt un travail d’orfèvre. Les brindilles se transforment en une stupéfiante toile, de simples feuilles en un spectacle vibrant, un tas de neige en une sculpture inattendue, quelques galets en un œuf géant. Andy Goldsworthy explique que ses œuvres vont bien plus loin que le simple assemblage de végétaux :

« Je veux aller au delà de l’apparence. Quand je travaille une feuille, une pierre, une branche, ce n’est pas son aspect qui m’intéresse, mais plutôt la vie qui s’en dégage. Lorsque je pars, celle-ci continue sans moi ».

Cette quête de la vie est peut-être ce qui rend ses œuvres si captivantes. Au lieu de la représenter, il va plutôt chercher à l’exposer. Le choix des lieux lui non plus n’est pas laissé au hasard, l’artiste indique que « L’énergie et l’espace autour d’un matériau est aussi important que l’espace et l’énergie qu’il contient ». Ainsi, du début de la création des œuvres, jusqu’à leur placement dans le paysage, tout est pensé et réfléchi de manière à s’inscrire le mieux possible dans l’environnement.

Interrogé sur le cœur même de ses œuvres, leur ephémérité, Goldsworthy répondra « Parfois, la manière qu’ont certaines œuvres de se désagréger [ndlr : « Decay » est le mot exact utilisé, il peut s’entendre à la fois comme « désintégrer » et comme « faner »] est bien trop intéressante et belle en elle-même pour être simplement appelée « désagrégation » L’œuvre devient presque plus riche lorsqu’elle disparaît et ses changements sont parfois aussi importants que sa réalisation. ».

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Stones in a line and knocked over by tide Morecambe Bay, Lancashire February 1977

Dans le contexte actuel, qui est celui d’une dégradation inconsciente de l’environnement, les œuvres de Andy Goldsworthy sont peut-être un bon rappel de qui nous sommes, et de ce que nous devons à notre environnement. Cesser de croire que l’homme est le maître incontesté des éléments, et chercher à comprendre la vie qui, bien qu’invisible autour de nous, est indispensable, est peut-être un pas vers un futur, non pas meilleur, mais au moins vivable.

« Nous oublions bien souvent que nous sommes la nature. La nature n’est pas quelque chose qui est séparé de nos êtres. Alors, dire que nous avons perdu notre lien avec elle, c’est dire que nous avons perdu celui que nous avons avec nous même »

– Andy Goldsworthy

La bande annonce du film Rivers and Tides retraçant l’œuvre de Goldsworthy, un peu daté, mais pas moins captivant :

Un catalogue avec ses œuvres de 1976 à 1986

http://www.goldsworthy.cc.gla.ac.uk/

 

1- http://www.theguardian.com/artanddesign/2007/mar/11/art.features3

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