ART

Les Nymphéas de l’Orangerie

Être à Paris, un des temples de la culture, se promener tête en l’air dans le 1er arrondissement, et puis bifurquer jardin des Tuileries, profitant d’un beau temps « exceptionnel ». Hésiter entre le Louvres, grand, démesuré, majestueux, ou l’orangerie, plus petit, plus intime …
Sans hésitation, ce sera l’orangerie, « gratuit pour les moins de 18 ans ».
Le couloir avant le spectacle retrace de façon synthétique mais complète Monet, sa vie, ses jardins, sa peinture. Faudrait-il voir sa maison en vrai, pour mieux comprendre ses scènes d’une nature si sereine et si changeante ?
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D’un pas chancelant pénétrer dans l’enceinte ovale et pure, bordée de tableaux immenses. Telles de vastes percées sur un monde extérieur autant inconnu que connu, on ne peut que rester contemplatif. Il est facile de se laisser bercer par les images des heures durant, s’approchant par degrés, cherchant à comprendre comment l’artiste a pu transformer pinceaux et couleurs en paysages.
Ces quatre fenêtres aux détails changeants, si similaires et si différentes, laissent place à diverses interprétations. Serait-ce le passage des saisons sur l’étendue d’eau ? Comme si l’on était face à une année entière, découpée méthodiquement. Comme si l’on avait enfin le pouvoir d’avoir une vue d’ensemble sur le changement entre chaque trimestre. Tantôt verdoyant, tantôt brunissant, mais toujours de façon subtile, tout en gradation.
D’une salle à l’autre,  la vision varie. Ce ne serait pas tant les saisons que les heures de la journée. D’année, le temps se condense en jour.  Il est tout aussi passionnant d’observer l’évolution du lieu selon l’heure, du coucher au lever.
On se prend ensuite à réfléchir, à imaginer le jardin réel, et ce qu’en a perçu l’artiste. Sa subjectivité, la manière dont elle est transmise, ainsi que les divers effets provoqués chez chacun. Si paisibles, si calmes, si harmonieux, semblent ces Nymphéas. Le nom même est poétique, se dégageant de la banalité, du nénuphar pourtant déjà rare et beau.
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Certains ressortiront déçus. D’autres simplement fiers d’avoir vu en vrai du Monet. Mais restent ceux tombés amoureux, ayant vu en ces quelques toiles un condensé d’impressionnisme comme une vision décalée du monde. Une entrée dans un espace qui casse avec le quotidien, avec le stress urbain. Une échappée en campagne, un endroit auquel on peut rêver, mais qui n’est pas si facile d’accès. On vit l’amour de l’artiste pour son domaine par procuration, pour ce jardin d’eau. Cela inspire … et mène à aspirer à une telle tranquillité.
Et finalement peu importe la sensibilité de chacun, le ressenti possible face aux huit œuvres, ce que le regard effleure est un lieu qui a été aimé. Ce lieu a un équivalent chez toute personne. La seule différence c’est que cet espace, Monet a su l’offrir au monde. Une générosité pensée ? Peu probable. Un geste d’immortalité ? Plausible. Par ses mains, l’artiste a refaçonné son jardin afin de ne pas l’oublier, de le graver dans sa mémoire. Démarche d’autant plus équivoque que, touché de cataracte, sa vue ne lui permettait plus de l’observer dans sa véracité.
Quelques heures heures ont filé dans les salles blanches de l’Orangerie. Sortir, retrouver le soleil, garder en tête Claude Monet, et surtout regarder dans toute son ampleur le monde extérieur. À défaut de talent, il est possible d’inscrire à jamais les endroits traversés dans le creux de ses souvenirs.

En amour avec la diversité artistique, immergée dans les images et les sonorités, en quête d'une fameuse culture hybride, à la croisée des idées. Sur la route et sur les rails, entre la France et les festivals.

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