SOCIÉTÉ

Un président redevenu président

Depuis samedi 29 novembre, 20h30, l’UMP a un nouveau président ou plutôt un ancien président qui a repris sa place. Nicolas Sarkozy a remporté son pari, avec quelques sueurs froides d’après ce qui se dit. La victoire est manifeste : l’ancien chef d’État cumule 64,5 % des suffrages, contre 29,18 % pour Bruno Le Maire et 6,32 % accordés à Hervé Mariton.

Un bilan mitigé

Les sarkozystes ont été quelque peu surpris par un score qu’ils supposaient beaucoup plus parlant, malgré l’enthousiasme vigoureux de Brice Hortefeux, au micro de France 2 : « C’est un score exceptionnel avec plus de deux tiers des suffrages. Il a rassemblé plus de 100 000 voix, ce qui ne s’est jamais produit dans notre famille politique. Cela signifie que ce soir c’est l’unité retrouvée, et la crédibilité de l’opposition tout entière qui est renforcée ».

L’opposition reste quand même perceptible entre le nouvel-ancien président et Bruno Le Maire. Si ce dernier n’a pas réussi à envoyer son adversaire en ballotage, il a cependant gagné le droit à un entretien lundi matin, suite à un coup de téléphone musclé en guise de remerciements. Les opinions de ce gaulliste sont peu connues : opposé à une sortie de l’espace Schengen, favorable à un renforcement de la politique européenne d’immigration, opposé à un élargissement de l’UE mais favorable à la consolidation et à la poursuite de la fédéralisation… Il est également opposé, suite aux scandales récents, à toute investiture d’un élu en retard de cotisation. Une manière de taxer son concurrent direct… Ce lundi, c’est tout sourires et épanouis que Bruno Le Maire et Nicolas Sarkozy sont ressortis de leur première réunion, partageant selon le tweet de ce dernier «  une vision commune de l’avenir de [leur] mouvement ».

Le soir des résultats, Hervé Mariton se targuait d’avoir « réussi à amener les concurrents à prendre des positions plus fermes sur le mariage pour tous ». Lors du meeting du mouvement Sens commun, issu de la Manif Pour Tous, les militants ont concentré la pression sur les candidats afin de clarifier leur position sur la loi Taubira. Alors que le candidat conservateur était très présent dans les rangs des manifestations, Nicolas Sarkozy n’a pas convaincu en se prononçant pour une abrogation de la loi tout en se disant favorable à un « mariage homo »… Une manière de ne pas froisser un plausible électorat ? Bruno Le Maire avait quant à lui fait savoir qu’il ne reviendrait pas dessus.

Ce qu’il reste à faire

Ce qu’attendent principalement tout ces challengers, c’est l’organisation assurée d’une primaire. Alain Juppé et François Fillon en tête distinguent totalement la refondation du parti – prêt à imploser suite à l’affrontement Copé-Fillon et aux courants dissidents en interne – et la présidentielle de 2017. Le camp Sarkozy grinçait des dents samedi soir : Juppé n’avait même pas daigné féliciter son nouveau président par téléphone. Interrogé sur BFMTV, il a lancé cette boutade qui a fait grand bruit : « Habemus papam ». Une manière de singer son adversaire qui se croit peut-être trop arrivé ? Alain Juppé a fait entendre, durant ses félicitations, que rien n’était assuré et qu’il faudrait compter sur lui : « Ce n’est pas dans le conflit interne que l’on peut faire évoluer les choses. Il faut apaiser et il faut rassembler. C’est à lui de prendre l’initiative. Je suis prêt à l’aider dans la ligne que j’ai indiquée, un large rassemblement de la droite et du centre ». Nicolas Sarkozy semble aller dans son sens. Dimanche soir lors de son allocation télévisée sur TF1, il a émis l’idée d’une primaire commune à l’UDI, en excluant le Modem. François Bayrou avait quand même appelé à voter François Hollande.

La réaction de son ancien premier ministre était au centre de toutes les attentions. Elle fut tout aussi acerbe : dans son rapport long d’une page, il réussit à ne pas écrire une seule fois ce nom qui lui coûte tant. Il campe sur ses positions en affirmant que « l’union n’est pas la soumission », tout en se revendiquant du même parti « moderne qui accepte la différence ». Fillon a taclé Sarkozy sur l’annonce dimanche soir d’un conseil d’anciens ministres sans même prévenir les principaux intéressés et poursuit son chemin : «  Pour ma part, je défendrai mes convictions et poursuivrai le travail engagé pour bâtir un véritable projet de redressement de la France ». Bim. De même, Jean-Pierre Raffarin a eu beau activer ses zygomatiques devant les caméras et les journalistes, il n’a rien promis à l’ancien chef d’État lors de leur rendez-vous. Le premier bureau politique de mercredi, suite aux premiers entretiens, devrait être tout aussi tendu.

Un parti à sa suite

Il faut repartir de la base et tout refaire. Présider l’UMP ne suffit pas, pour 2017, il faudra changer de nom. En termes de communication, la majorité de ses annonces se font désormais sur Facebook, comme la candidature à la tête de sa famille politique ou les remerciements aux sympathisants, suite à l’élection.

Malgré une forte volonté de rassemblement, c’est bien 2017 qui est en ligne de mire. Les challengers de l’ancien chef d’État pourront tenter de le cantonner à son rôle de manager du parti et agiter sous son nez les chiffres des sondages : selon le baromètre CSA-Les Echos, Alain Juppé bénéficie d’une bonne côte de popularité. L’ensemble de la population en fait sa personnalité préférée à 51 % contre 36 % pour le nouveau patron de l’UMP. Redresser le parti ne serait donc pas compatible avec les ambitions personnelles…

Mais sa tactique est de se poser d’abord comme le sauveur de l’UMP, avant de prétendre au titre de sauveur de la France. Rassembler dans cette guerre interne et organiser la bataille définitive dans une confraternité joyeuse semblent être les deux challenges les plus importants dans l’immédiat pour Nicolas Sarkozy.

Le score remporté par l’ancien président ne doit pas être dénigré pour autant. Cette majorité poussive est même bienheureuse ; elle évite à Nicolas Sarkozy un score comparable à un plébiscite à la « soviétique », adjectif qu’attribue Nathalie Kosciusko-Morizet à l’élection de Marine Le Pen à la tête du Front National, ce même week-end.

Sudiste exilée à Paris, Mazienne #fromthebeginning. Droguée à l'actu, le plus souvent par seringue radiophonique.

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