SOCIÉTÉ

Trump/Clinton : un duel qui illustre les paradoxes de la société étasunienne ?

Lorsque Barack Obama a été élu en 2008, on a entendu dire que l’Amérique n’était plus raciste. Lorsque Hillary Clinton est entrée dans la course pour la présidentielle, avec de sérieuses chances de l’emporter, on a entendu dire que l’Amérique n’était plus sexiste. 

Et puis, il y a eu Trump. Au début, c’était comme une farce, personne ne le prenait au sérieux, même au sein de son propre parti, le parti républicain. Mais petit à petit, ses concurrents ont quitté la course, certains d’entre eux ont même fini par lui apporter leur soutien et nous voilà, à un jour de l’élection présidentielle américaine avec le tableau suivant : Hillary Clinton pour le parti démocrate face à Donald Trump pour le parti républicain, Gary Johnson pour le parti libertarien et Jill Stein pour le parti écologiste.

Ces deux derniers n’ont jamais été considérés comme réellement éligibles au poste de président des Etats-Unis. Gary Johnson s’était ridiculisé il y a quelques semaines en demandant naïvement à un journaliste lors d’une interview ce qu’était Alep et semblait assez ignorant de la situation en Syrie. En plus des doutes sur les capacités de ces deux candidats, le bipartisme américain reste très fort et laisse donc le choix entre Clinton et Trump.

Et à entendre beaucoup de médias et de citoyens américains, c’est comme choisir entre la peste et le choléra. L’un des éléments majeurs de la campagne pour la présidentielle américaine en 2016 semble être la haine. Véhiculée par les discours violents du candidat Trump ou exprimée contre la candidate Clinton régulièrement qualifiée de sorcière par ses opposants, elle donne à cette campagne une tournure ahurissante que ne cessent de relever les médias aux Etats-Unis et à travers le monde.

Mais alors que se passe-t-il ? Au-delà du tableau presque burlesque, que signifie ce duel Clinton-Trump ?

Trump est accusé de comportements sexuels agressifs répétés, il est ouvertement raciste, qualifiant les mexicains de violeurs ou laissant des citoyens américains noirs se faire sortir de ses meetings sous les coups et les insultes de ses partisans blancs. C’est un homme impulsif, novice en politique. Ses opposants le qualifie de fasciste. Mais il parvient à séduire une très grande partie de la population. Il donne l’impression de parler vrai, s’en prenant aux médias et se présentant comme anti-système. Il promet du travail, de la sécurité et une protection contre des menaces qu’il ne définit jamais vraiment. Il défend un modèle de société qui semble être en voix de disparition : une société américaine majoritairement blanche basée sur des valeurs traditionnelles. Il se présente comme un produit du rêve américain et l’argument est là : il a réussi, et entend faire réussir les classes moyenne et défavorisée blanches.

Clinton, si elle a le mérite d’avoir une grande expérience dans le domaine de la politique, n’a pas un profil sans tâche. Elle-même a reconnu sa responsabilité dans l’attaque contre l’Ambassade américaine de Benghazi en 2012, elle est régulièrement accusée d’être corrompue et d’avoir des connivences avec des entreprises et intérêts étrangers avec sa fondation Clinton. L’affaire des emails contenant des informations confidentielles envoyé par son serveur personnel l’a suivie jusque la veille de l’élection avec un directeur du FBI particulièrement impliqué contre elle. Ses opposants la qualifie de menteuse. Mais malgré cela, elle a des chances de gagner que ce soit grâce à un vote anti-Trump ou au modèle de société qu’elle défend. Pas de société traditionnelle comme celle de Trump, non, elle défend le droit des femmes, des minorités et s’oppose – ô sacrilège dans la nation de la liberté – à une circulations des armes à feux non réglementée.

Alors les américains devraient arrêter de se concentrer seulement sur Clinton et Trump en clamant mais comment mais pourquoi. L’électorat américain se retrouve face à ce choix parce qu’il est le reflet d’un choix plus large que doivent effectuer les Etats-Unis : suprémacisme blanc et société réactionnaire ou bien rejet de ces vieux démons et tentative d’évoluer cette fois-ci pour de bon vers une société post-raciale et post-sexiste ? Si Clinton a une légère avance dans les sondages à quelques heures du scrutin, toute la campagne a bien montré que la réponse à cette question n’est pas claire et qu’il existe une fracture profonde au sein de la société et de l’électorat américain. Alors pourquoi Trump pourquoi Clinton ? Et bien parce qu’on a que ce qu’on mérite.

Secrétaire générale de la rédaction du magazine Maze. Provinciale provençale étudiante à Sciences Po Paris. Expatriée à la Missouri School of Journalism pour un an. astrig@maze.fr

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