SOCIÉTÉ

Le contrat unique, l’éternel débat

Il n’y a pas une semaine sans qu’un membre du gouvernement fasse une proposition sur le thème du chômage. L’année dernière, François Hollande avait fixé comme objectif d’inverser la courbe du chômage avant 2014, François Rebsamen vient d’annoncer qu’aucune amélioration n’est attendue avant mi-2015. Faute de croissance, la question du chômage reste une sérieuse épine dans le pied du gouvernement. Emmanuel Macron et Manuel Valls sont les deux acteurs les plus actifs médiatiquement à propos de ce sujet qui plombe le moral des Français. Le Premier Ministre reprend l’idée du récent prix Nobel d’économie, Jean Tirole, mettant en avant une simplification des deux types de contrats de travail actuels en les réunissant en un unique contrat.

La récente interview de Valls sur BFMTV/RMC aura été riche en surprises. En dehors de sa proposition de changement de nom du PS ou de son commentaire sur les risques terroristes, il a surtout évoqué l’idée “intéressante” de la mise en place d’un contrat unique en France. L’idée est de réduire l’inégalité entre les travailleurs, avec d’un côté, “des salariés très protégés en CDI et, d’autre part, des salariés très précaires en CDD et en intérim”.  Mais le contrat unique est-il la solution miracle ? Les points positifs sont multiples. Tout d’abord, les entreprises sont parfois réticentes à recruter en CDI avec le risque d’avoir des complications en cas de licenciement. Les CDD s’enchaînent donc pour les salariés pendant des années voire pendant toute leur carrière pour certains. Ce contrat unique promet donc une meilleure stabilité et une embauche plus facile. Certes. Mais le point d’interrogation majeur reste les nouveaux critères de licenciement. Actuellement, l’entreprise doit avoir une cause “réelle et sérieuse” pour pouvoir se séparer d’un de ses travailleurs. Le contrat unique mettrait dans une position de précarité l’ensemble des salariés, qui pourraient être licenciés plus facilement. De là à dire qu’ils pourraient être renvoyés sans raison, il n’y a qu’un pas…

Une idée loin de faire l’unanimité

Que ce soit du côté des partenaires sociaux ou du patronat, la nouvelle n’a pas suscité l’enthousiasme. Les syndicats n’ont pas tardé à réagir : “Ce serait la fin du contrat de travail à durée indéterminée” a réagi Thierry Lepaon, secrétaire général de la CGT. Du côté de la CFTC, même son de cloche : ” On est en train de précariser encore plus les salariés” souligne Philippe Louis. Plus étonnant, la méfiance est grande chez le patronat. Au MEDEF, on se demande s’il est prouvé que le contrat unique améliorera la sécurisation juridique de la rupture. L’équation semble impossible à résoudre avec d’un côté des syndicats qui souhaitent une sécurisation de l’emploi qui rigidifierait le marché du travail alors que du côté des entreprises, on demande plus de flexibilité et de souplesse.

Faire du neuf avec du vieux

Thierry Lepaon souligne que l’idée du contrat unique est travaillé “depuis dix ans”. En 2004, le ministre de l’économie de l’époque, qui n’était autre que Nicolas Sarkozy, commande un rapport sur l’idée d’un contrat unique. Deux économistes, Pierre Cahuc et Francis Kramarz, sont chargés du projet. Ils voient dans le contrat unique une possibilité de réduire les inégalités et de simplifier le contrat de travail. En 2005, le Premier Ministre Dominique de Villepin, présente le CNE, le contrat nouvelle embauche, qui permet aux entreprises de moins de 20 salariés de recruter avec un contrat qui n’est ni un CDD, ni un CDI, ni de l’intérim. Après une période d’essai de deux ans, le contrat devient un CDI “classique”. Mais dès début 2006, de nombreuses plaintes sont déposées pour des ruptures abusives de contrat et le nombre de CNE diminue fortement. Syndicats et patronat s’entendent pour supprimer le CNE en janvier 2008. En juin, la loi est abrogée par le Parlement. En 2007, le projet d’un contrat unique est dans le programme présidentiel du candidat Sarkozy, mais une fois élu il se heurte aux syndicats et au patronat. Plus récemment, c’est en 2012, dans le programme de François Bayrou que l’idée est réapparue, sans grand succès… Xavier Bertrand et Hervé Mariton (UMP) se sont dernièrement exprimés en faveur de l’instauration d’un contrat unique, le premier cité a même déclaré que cette réforme fera partie de son projet pour 2017. Remettant le sujet sur le devant de la scène, Jean Tirole a mis en avant le contrat unique comme solution pour “faire en sorte que les emplois se créent” et “lutter contre le chômage de longue durée”.

Le contrat unique n’est sûrement pas la solution miracle qui résoudra les problèmes d’emploi en France, sinon il aurait été mis en place depuis longtemps déjà.

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