SOCIÉTÉ

Le rôle social de l’école

L’école française représente toute une symbolique, illustrée par le scandale provoqué par l’arrestation de Léonarda, durant son trajet en bus vers l’école. Dans le cas actuel de cette jeune fille, l’institution consistait en un lieu de socialisation, un apprentissage d’un mode de vie à la française qui avait permis son intégration.

A l’heure de la réforme des rythmes scolaires, du débat entre aspects positifs et négatifs, la question se pose nécessairement : à quoi sert l’école ? C’est un bien vaste sujet mais il est évident que l’école a premièrement une fonction d’agent de socialisation, elle permet aux touts petits de se familiariser avec la vie de groupe, d’apprendre à composer avec les autres, avec leurs différences, et ce dès le plus jeune âge. L’école c’est aussi une communauté sociale fondamentale en dehors du cercle familial. Elle peut être le premier face à face avec l’autorité. C’est là où bon nombre d’enfants vont se confronter aux notions d’obéissance et aux devoirs. En effet, il n’est pas rare même si c’est aussi le rôle des crèches, des premières garderies mais surtout de la famille, qu’un enfant expérimente le « non » pour la première fois à l’école.

Sans la mise en place de la carte scolaire, qui évite une stigmatisation voir une ghettoïsation des établissements et établit une relative égalité des chances, c’est un lieu d’apprentissage de la vie extrêmement important. Elle permet de prendre conscience que le monde n’est pas uniforme ni conforme à ce qui se passe chez soi. L’institution a souvent été comparée à une microsociété où toutes les couches sociales peuvent être représentées, à la condition encore une fois que toutes les barrières dressées par les quartiers ont été mises à bas. C’est une opportunité dès le plus jeune âge pour une meilleure ouverture d’esprit, aux concessions et à une société où il fait bon vivre ensemble.

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Le fait qu’elle reste obligatoire jusqu’à 16 ans est principalement historique, elle n’est plus un rempart contre une orientation trop précoce.  Aujourd’hui, si à 16ans nous ne sommes pas orientés de manière immuable, notre avenir est déjà fortement conditionné par nos choix antérieurs. Si l’école reste obligatoire jusqu’à un âge requis, la palette de formations qu’elle offre entre baccalauréats professionnels (secteurs des services, de la production, du domaine agricole, de l’aéronautique, de l’artisanat, dans le domaine de la cuisine-pâtisserie, etc… En bref : plus de 90 bacs professionnels) généraux (Economique et Social, Scientifique et Littéraire) et technologiques (ST2S, STG, STI, STL, Hôtellerie, STAV) permet un choix relativement réfléchi, fruit d’une combinaison entre aptitudes reconnues par le système éducatif et par un désir personnel et motivé.

L’école est et reste l’outil majeur de formation des futurs acteurs de la vie civique. C’est là, et ce n’est pas idéalisé, où l’on apprend à vivre en société : à écouter, à participer, à prendre conscience de nos droits et de nos devoirs de citoyens, d’intégrer qu’il y a des limites infranchissables pour que le monde soit viable. L’école a pour ambition première de servir l’Etat, en délimitant ce que chacun lui doit, quelles sont ses domaines d’action, permettant d’agir. C’est ce que rappelait Vincent Peillon, ministre de L’Education Nationale, en faisant allusion, le 22 Mai dernier au Sénat, à « notre volonté de voir l’école transmettre les valeurs de la République  ». C’est un premier pas dans la conscience adulte et dans l’appartenance à une identité nationale, qui fait tant débat.

On dit souvent que le contexte culturel et social donne à l’enfant une place à attribuer à l’école, des valeurs plus ou moins importantes à l’éducation, à l’autorité ainsi qu’au rôle joué par le maître. De fait, cela lui impose inconsciemment une vision particulière de l’école. Il n’est pas anodin de rappeler que l’Education Nationale ne s’est pas toujours appelée ainsi : jusqu’au 3 Juin 1932, ce ministère était nommé Instruction Publique, dénomination reprise sous le régime de Vichy. C’est là tout le débat : veut-on d’une école qui instruit, c’est-à-dire qui donne un ensemble de connaissances conformes à l’ensemble du territoire dans le but de délivrer un enseignement précis, ou bien qui éduque, permettant la conduite de la formation de l’enfant ayant acquis un ensemble de connaissances intellectuelles, culturelles et morales, et de son développement personnel ? Quitte à ce que son modèle soit parfois durement remis en question ?

L’école suscite de plus en plus fréquemment une dénigration féroce, face aux programmes changeants au gré des envies de hauts fonctionnaires qui ne sont souvent pas conscients des attentes, de leur adaptabilité au quotidien, face à des élèves pas nécessairement réceptifs.  L’institution doit être capable de former un ensemble cohérent, apprécié de tous, ce qui passe par une appréciation collective de l’ensemble des acteurs des programmes scolaires, d’une confiance, d’une relation stable et équilibrée, avec les professeurs et enfin, plus de travaux de groupes, de projets qui motivent généralement plus les élèves. Pour cela, tous les moyens sont bons : en effet, selon un sondage de septembre 2010, 71 % des jeunes scolarisés disaient s’ennuyer à l’école.

Elle doit rester le lieu d’apprentissage des bases de la vie : lire, compter, écrire. Son action principale doit-être pleinement remplie, dans le cas contraire, elle signe un réel désaveu de l’éducation nationale. Or, comme cela a été rappelé dans les débats pour la réforme des rythmes scolaires : « ce sont des milliers d’enfants qui, tous les ans, quittent le système scolaire sans savoir ni lire ni écrire   ». Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’institution est bien loin d’avoir réglé le problème, auquel notre époque peut répondre de manière différente que par le passé. Compter et écrire sont possibles autrement dans notre monde informatisé (cf. il existe des logiciels adaptés pour tous petits pour se familiariser aux nombres, aux couleurs, aux formes, etc …) mais on ne peut réussir dans la vie, sans cette trilogie basique solidement consolidée. Elle est aussi le lieu d’apprentissage d’une culture générale dite de base et jugée indispensable dans nos vies de citoyens.

Il n’en reste pas moins que l’avenir d’un jeune est fortement conditionné par sa réussite scolaire, le poids est relativement fort sur les épaules de notre génération, qui contrairement à ce qu’on pourrait penser en a pleinement conscience et stresse. Combien d’élèves les infirmières d’établissements voient défiler tous les jours dans leur bureau pour des maux de ventre brutaux, avant un cours de mathématiques ou un devoir d’histoire ? Il est vrai que dans une société méritocratique comme la nôtre, les diplômes rapportent beaucoup en terme de salaires et d’emplois, leur prise en compte est la déterminante clef de l’accession à l’emploi, alors que le chômage des jeunes y est le plus important… L’accroissement des inégalités face aux études est constamment pointé du doigt. La détermination de l’avenir serait jouée d’avance par le milieu social d’appartenance. Or, nous connaissons tous quelqu’un qui a réussi « autrement » que par la voie scolaire dite classique, c’est-à-dire d’excellence. La réussite scolaire n’est que la conformité à un moule intellectuel, dont certains se sentent complètement éloignés. L’exemple fameux est celui d’Albert Einstein, qui ne s’est jamais senti à l’aise à l’école, alors ne désespérons pas !

L’école doit être capable de reconnaître des aptitudes particulières et de les utiliser à bon escient, de les fortifier en vue d’accéder au meilleur avenir possible, en dépit du lieu social de provenance – le potentiel d’apprentissage de l’élève doit être utilisé le mieux possible. Les performances et les inégalités scolaires ne reflètent pas automatiquement celles des sociétés : l’importance de la réussite uniquement au modèle scolaire est clairement à relativiser dans notre société méritocratique. L’école joue de fait un rôle social de premier plan, elle est le lieu des premières communautés, détient la responsabilité de la formation des acteurs de demain mais n’est et ne sera jamais le seul déterminant de notre réussite sociale.

Sudiste exilée à Paris, Mazienne #fromthebeginning. Droguée à l'actu, le plus souvent par seringue radiophonique.

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