SOCIÉTÉ

Montée en puissance d’une islamophobie mondiale

Une bouffée de haine semble avoir enflammé plusieurs pays du globe suite à l’éclatement du terrorisme djihadiste. En Europe, aux Etats-Unis, les mesures de défense pleuvent pour « assurer » la sécurité des citoyens. De même, l’Asie semble vouloir prendre des mesures préventives.

L’islamophobie : on pourrait croire à une mode. Une mode dangereuse pointée du doigt par la communauté internationale dans beaucoup (trop) d’endroits du globe. Plusieurs pays du monde la suivent depuis quelques années déjà. L’Europe où de jeunes musulmans se font attaquer à l’acide, comme ce fut le cas à Londres à la fin du mois de juin 2017. Les Etats-Unis surveillant leurs frontières et Donald Trump qui, en signant son décret contre l’immigration, interdit à certains pays (Irak, Iran, Yémen, Libye, Somalie, Soudan, et Syrie -pays pour la plupart musulmans) d’avoir un visa pour les Etats-Unis, même en ayant un statut de réfugié.

Enfin l’Asie flirte doucement avec la tendance, et notamment l’Asie du Sud-Est qui compte parmi ses pays les plus virulents et violents face aux communautés musulmanes. On pourrait parler du Vietnam qui interdit tout visa aux personnes venant d’un pays musulman ; de l’Inde qui, dans certains États à majorité hindou laisse émeutes et discriminations contre les musulmans se faire sans bouger -allant même parfois jusqu’aux meurtres, qui restent impunis ; notamment celui de l’adolescent musulman Junaid Khan il y a quelques semaines, qui s’est terminé par plusieurs émeutes et manifestations de la part de la population. On peut également citer les luttes intestines entre musulmans chiites et sunnites en Indonésie. Et les Philippines qui veulent imposer dans une région du pays une carte d’identité spécialement conçue pour les musulmans afin « d’aider » les autorités à mieux gérer cette communauté en cas d’attentats, d’attaques ou d’émeutes.

Mais attardons nous ici sur l’objet du film de Barbet Schröder Le vénérable W  : la Birmanie.

Un exemple frappant : la Birmanie

Depuis plusieurs années déjà (depuis 1978 selon les archives récoltées par le cinéaste dans son film) la minorité musulmane des Rohingya est malmenée et persécutée par certains birmans car ils ne sont pas considérés comme faisant partie du pays. Mais depuis le début des années 2000 un moine nommé Ashin Wirathu attise colère et xénophobie contre les communautés musulmanes du pays, en particulier contre les Rohingya, victimes de pogroms, de lynchages et d’autres atrocités dans tous les villages où le moine vient prêcher.

Une illustration de Sam Brewster pour Usbek & Rica pour l’article « le bouddhisme va-t-il se radicaliser » du 4 juin 2017 (pas de titre).

 

La Birmanie a longtemps été un pays fermé aux étrangers, et ce n’est que depuis peu que ses frontières se sont ouvertes partiellement, et seulement aux touristes : car étranger et touriste semblent être deux concepts opposés dans ce pays composé à 90 % d’une population bouddhiste (et dont seulement 4 % sont des musulmans). En effet, les touristes sont chaleureusement accueillis par les Birmans dans les zones « ouvertes » car ils sont une preuve d’ouverture, de nouveauté et d’une certaine forme de liberté aux yeux de la population. L’étranger, au contraire, vient s’immiscer dans le pays pour le faire sien : c’est un être « autre » qui ne correspond pas à la personnalité birmane et qui n’est là que pour la pervertir, et même la faire disparaître.

C’est exactement selon cet angle que Wirathu voit les Rohingya, et plus largement les musulmans de Birmanie. Dans sa bouche, les qualificatifs se bousculent pour les désigner : « étrangers », « indésirables », « kalars », qui est un mot négatif birman pour désigner les musulmans, et même « chiens ». Ils sont ceux qui veulent détruire la race birmane et leur religion, ils veulent s’approprier leurs terres et leurs descendances. Ils sont cet « Autre », cette altérité qui risquerait, toujours selon Wirathu, d’envahir et de faire disparaître la culture et la « race » birmane.

Dans son discours, répandu grâce aux réseaux sociaux, aux DVD donnés gratuitement par les disciples de Wirathu, et grâce à ses prêches et ses discours, le moine donne une vision parasite, agressive et surtout erronée de cette minorité : les musulmans deviennent les responsables de vols, d’agressions, de viols, et de violences qui ne sont dus en vérité qu’à l’imagination de Wirathu. La peur de l’autre règne, la peur de se confronter à cet autre, et une peur de devenir soi même autre à ce que l’on connaît, à ce qu’on pense être « soi ». Le moine parle lui même « d’épuration de race » qui entraîne un entre soi rarement positif. Son surnom « d’Hitler birman » ne lui a pas été accordé sans raison.

Islamophobie ou xénophobie ?

« Ne prenez pas le mal à la légère en disant il ne m’atteindra pas (…) L’innocent absorbant goutte par goutte finit par se remplir du mal » (extrait du film Le Vénérable W par B. Schröder). Le bouddhisme semble lentement se corrompre pour laisser place dans ce pays à une instrumentalisation idéologique. Mais il est loin d’être le seul et partout dans le monde cette instrumentalisation à l’œuvre cache une méconnaissance de l’islam, un amalgame fait entre citoyen et fidèle, mais aussi une volonté malsaine de polariser les sociétés pour les séparer en différentes communautés ennemies et de globaliser une menace plus ou moins réelle. Un nouveau paradigme du monde se construit où les musulmans sont l’ennemi car ils représentent l’Autre, celui dont on a peur car il représente la différence, mais aussi l’inconnu : ils deviennent les responsables des maux de notre époque.

La propagande et les actes perpétrés en Birmanie contre la communauté musulmane illustrent avec force la montée en puissance de la xénophobie et de l’islamophobie qui se répandent autour du globe.

Docteur en curiosité, conteuse d'histoire, adepte des vidéos de vulgarisation sur youtube, et fan incontestée d'Alain Damasio, je veux changer le monde (entre autre) et faire dégonfler mes chevilles !

    You may also like

    More in SOCIÉTÉ