SOCIÉTÉ

L’Empire fait sa mue

C’est une loi exceptionnelle qui a été votée au Japon le 2 juin dernier : elle autorise l’empereur actuel, Akihito, âgé de 83 ans, à abdiquer. Une décision à l’image de celles prises dans les monarchies européennes. Mais de nouveaux problèmes se posent.

Une longue histoire

La déesse Amaterasu / Source © : kyoto.japon.free.fr

La famille impériale japonaise est considérée comme la dynastie la plus ancienne du monde, remontant à plus de 2600 ans. Akihito est le 125e empereur, issu de la lignée Yamato et descendent de l’empereur Jimmu, fondateur du Japon et considéré comme le descendant de la déité shinto Amaterasu, déesse du soleil.

Cependant, malgré le caractère presque mythique que revêt le statut d’empereur, il fut grandement menacé après la défaite japonaise pendant la seconde guerre mondiale. Le statut de l’empereur de l’époque, Hirohito, était en effet à l’origine de l’attaque des forces armées de son pays dans une partie de l’Asie-Pacifique. C’est le général américain Douglas MacArthur, alors à la tête de l’occupation américaine d’après-guerre, qui avait obtenu auprès de sa hiérarchie le maintien de celui-ci afin d’éviter une démoralisation du pays. Hirohito a donc « uniquement » été déchu de son statut semi-divin et privé de ses pouvoirs politiques.

Après 1945 et la reddition nippone, les États-unis impose une Constitution au pays qui entrera en vigueur en 1947, et qui cantonne le statut d’empereur à un rôle symbolique de l’Etat et de l’unité du peuple japonaise, un moyen d’éviter toute tentative de remilitarisation par le biais du souverain comme l’avait fait auparavant Hirohito.

Une figure populaire

L’empereur Akihito et sa femme Michiko / Source © : pinterest.com

De part son ancienneté et les mythes qui l’accompagnent, l’empereur japonais jouit d’une grande popularité auprès de son peuple qui lui est très dévolu. D’ailleurs, l’empereur actuel et son impératrice, Michiko, ont témoigné de beaucoup d’empathie et d’intérêt pour leur peuple, en se rendant par exemple sur chacun des lieux touchés par des catastrophes naturelles. De plus, suite à aux séisme et tsunami ayant déclenché la catastrophe de Fukushima, Akihito est publiquement intervenu à la télévision le 16 mars 2011 pour exprimer son soutien aux victimes ainsi que son inquiétude face à la menace nucléaire qui a suivi.

Il a également questionné l’orientation plus conservatrice de son Premier ministre, Shinzo Abe, en mettant en garde qu’il ne fallait pas minimiser le militarisme nippon du siècle dernier. Malgré les contraintes constitutionnelles qu’il subit, il est également sorti de sa réserve impériale afin de s’excuser, au nom de la famille impériale, aux pays asiatiques victime de l’occupation de son pays.

Aussi tôt que 1989, il parle de regrets (hansei) face à la Chine lors de la visite officielle du Premier ministre de la République populaire de Chine Li Peng, puis pour la Corée, lors d’une rencontre avec le président sud-coréen Roh Tae-woo. Il est également le premier empereur nippon à se rendre officiellement en Chine trois ans plus tard.

Des problèmes de succession à présager

Il n’est plus le temps où les souverains restaient en fonction jusqu’à leur mort. On l’a vu en Espagne, aux Pays-Bas ou en Belgique, les rois aussi prennent leur retraite, passé un certain âge.En fonction depuis le 7 janvier 1989, le Akihito craint que son âge ne joue en sa défaveur et l’empêche de pleinement remplir ses responsabilités vis-à-vis de son pays. Il s’agira de la première abdication d’un empereur japonais depuis près de 200 ans, et lui succédera son fils aîné, Naruhito, au trône du Chrysanthème.

Mais le statut d’empereur au Japon est construit autour d’une succession de stricte patrilinéarité – en d’autres termes, le statut se transmet uniquement de père en fils – bien que l’histoire japonaise ait pourtant compté huit impératrices par le passé. Cependant, le manque croissant d’hommes inquiète et fait peser des doutes sur la viabilité de ce mode de transmission. En effet, après Naruhito, seuls son frère Fumihito (Prince Akishino) et le fils de ce dernier, Hisahito (10 ans), demeurent.

La place des femmes : une solution possible

Mariage de Noriko selon les traditionnels rituels nippons / Source © noblesseetroyautes.com

Afin de résoudre ces problèmes, certains voudraient que les femmes épousant des roturiers conservent leur titre et leur place dans leur famille afin que leurs éventuels fils puissent prétendre au trône, une résolution qui a d’ailleurs été adoptée en commission des députés à la demande de l’opposition et doit être examinée sous peu.

On se souvient en effet du mariage le 5 octobre dernier de Noriko, petite-fille du plus jeune frère de l’ancien empereur Hirohito, le prince impérial Takahito Mikasa, un archéologue et linguiste orientaliste de 98 ans et dernier oncle vivant de l’actuel empereur. En choisissant de se marier à Kunimaro Senge, un kannushi, c’est-à-dire un prêtre shintoïste, la jeune femme de 26 ans a ainsi cédé son statut de membre de la famille impériale

D’autres quant à eux préfèrent agrandir la vision de la famille de l’empereur en y incluant des cousins plus distants. Néanmoins, l’idée de réformer le système de succession patrilinéaire afin de permettre aux femmes un accès direct au trône n’est pas (encore) prêt d’être discuté, malheureusement.

Attachée de presse de cinéma et blogueuse, je fais partie de l'équipe de Maze depuis plus de quatre ans maintenant. Le temps passe vite ! Je suis quelqu'un de très polyvalent: passionnée d'écriture ("j'écris donc je suis"), de cinéma (d'où mon métier), de photo (utile pour mon blog!), de littérature (vive la culture !) et de voyages (qui n'aime pas ça?). Mon site, www.minimaltrouble.com, parle de développement personnel, de productivité, de minimalisme mais aussi de culture :)

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